Koen Vingerhoets
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Sans gouvernance, les bitcoins et autres monnaies cryptographiques ne s’imposeront pas sur le marché régulier. C’est l’avis de Koen Vingerhoets, Blockchain Adviser chez KBC.

 « Les crypto-currencies sont une réalité, mais à défaut de règles du jeu centrales ou d’une partie qui endossera la responsabilité en cas d’échec, ces monnaies virtuelles ne changeront pas la face du monde. »

À l’heure où les banques se livrent à des expériences intensives sur la blockchain, technologie à la base du bitcoin, la monnaie virtuelle ne semble plus pouvoir y échapper : si elle veut devenir une devise digne de ce nom, elle doit se conformer aux règles générales en vigueur. « Et c’est la dernière chose que souhaitent les véritables adeptes du bitcoin », affirme Koen Vingerhoets. 

Rapide, bon marché et décentralisé. Ou pas!

« Un système crédible requiert quelqu’un qui déclare ‘ça fonctionne comme ça’ et garantit que le système continuera à fonctionner de cette manière. Actuellement, l’écosystème bitcoin est essentiellement porté par une communauté de spécialistes IT. »

Un écosystème fermé suit sa propre dynamique, avec des règles du jeu bien à lui qui mènent à des résultats imprévisibles. « La brusque scission Bitcoin Cash en est la preuve : il est né de la discorde, pas d’une politique. Voilà qui remet son avenir en cause. »

Toutes les promesses du début ont également disparu, analyse l’expert du bitcoin. « Le système est lent, une transaction nécessite plusieurs heures, voire quelques jours d’attente. Si vous voulez un traitement plus rapide, vous devez payer plus de commission. »

Du fait de la valeur élevée du bitcoin et de cette commission, le coût d’une transaction peut facilement avoisiner les 100 dollars. La promesse de quasi-gratuité d’une opération en bitcoins n’est donc pas tenue. « Comme moyen de paiement, il est obsolète. C’est devenu un instrument d’investissement. »

Le minage des bitcoins s’effectue par ailleurs principalement en Chine, d’où les frais d’électricité et de personnel limités. Cette dépendance de certains pays va totalement à l’encontre des fondements de la philosophie bitcoin : indépendance grâce à la décentralisation.

Adieu anarchie ?

« La crypto-monnaie devra renoncer à sa vision anarchique initiale (nous n’avons pas besoin de banques et de gouvernance), si elle veut prétendre au commerce sérieux », estime Koen Vingerhoets. 

« Lors d’une discussion, j’ai proposé d’effectuer un versement d’un million via bitcoin et pris l’engagement solennel de le rembourser via Paypal, y compris les frais liés à l’opération. Il est évident que personne ne fait cela. Vous n’avez aucun moyen de vérifier si l’argent est bien sur mon compte, si j’ai accès à ce compte ou ce que je ferai ensuite. Ce type de paiement est à proscrire sans le soutien d’une banque centrale. »

Voilà pourquoi en 2018, la KBC continuera à s’atteler, aux côtés d’autres banques européennes, au développement d’une crypto-monnaie soutenue par les banques centrales. La technologie blockchain proprement dite est en effet bien accueillie par les banques parce qu’elle simplifie, minimise les coûts et fiabilise les processus.

Une crypto-monnaie régulée

« Le défi majeur consiste à permettre une collaboration structurelle entre les banques », selon Koen Vingerhoets. « Comment embarquer de nouvelles parties, améliorer notre structure, garantir que toutes les parties adoptent simultanément de nouvelles versions du logiciel ? Quelles règles de sécurité le système doit-il
respecter ? Comment procéder pour utiliser plusieurs réseaux blockchain en même temps ? Comment transférer des valeurs entre différentes technologies blockchain ? Autant de questions sur lesquelles nous planchons assidûment. »

« L’année 2018 marquera l’établissement des bases d’un futur sans espèces » poursuit le spécialiste de la crypto-monnaie, qui croit en une crypto-monnaie
régulée : « Si demain la foi dans les crypto-monnaies s’effondre et si des milliards de valeur marchande s’évaporent, les citoyens chercheront du réconfort auprès des pouvoirs publics. Pour protéger les investisseurs, la régulation semble la voie logique. »’ 

Adieu Johnny Cash, bonjour Blockchain Bob !

« Il restera toutefois un marché pour les crypto-monnaies non régulées », poursuit Koen Vingerhoets. « Comme si vous aviez une économie blanche, une grise et une noire. »

« Adieu Johnny Cash, bonjour Blockchain Bob », conclut Koen Vingerhoets. Même si selon lui, la blockchain ne déclenchera pas de révolution comme l’affirmait récemment sur Twitter le vice-premier ministre et ministre de l’Agenda numérique Alexander De Croo.

« La disruption signifie que le modèle actuel disparaît du fait que les clients adoptent massivement de nouveaux produits proposés par de nouveaux acteurs. Je ne pense pas qu’une banque de données, puisque c’est ce qu’est la blockchain, va pouvoir provoquer cela. Nous tablons sur une transformation vers un nouveau monde, avec la blockchain comme tissu de confiance. »

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