gertjanklein.png

Dans les médias populaires, on voit souvent des graphiques à long terme, par exemple d’un ratio cours/bénéfices ajusté cycliquement (ratio CAPE). Le ratio CAPE, une moyenne sur 10 ans du ratio cours/bénéfices classique, est souvent utilisé pour indiquer si la bourse est chère ou non. Cependant, cette mesure développée par l’économiste et auteur américain Robert Shiller pose quelques problèmes (majeurs) :

1.    Les indices boursiers changent constamment

2.    Les normes comptables sont une donnée récente.

Personne ne sera surpris que l’indice Dow Jones Industrial Average soit différent aujourd’hui de ce qu’il était dans les années 70. On peut légitimement se demander pourquoi il est pertinent. Si nous prenons le rendement des dividendes en guise d’exemple alternatif, nous constatons que (pour les États-Unis) cette différence peut être supérieure à 1 %. Cela peut, surtout à long terme, faire la différence entre une bourse bon marché et une bourse chère. De plus, il a fallu attendre 1970 pour que des règles uniformes en matière de normes comptables voient le jour. Il est donc difficile de comparer la période d’avant les années 1970 avec la situation actuelle.

gert

Ces deux problèmes s’ajoutent au fait que trop peu de données sont disponibles pour effectuer des analyses véritablement significatives. L’indice a beau commencer en 1870, 10 ans de données sont cependant toujours nécessaires. C’est pourquoi la différence entre 1881 et 1882 est minime. Cette (auto)corrélation rend difficile non seulement la prise de décisions à court terme, mais aussi la mise en place d’études à long terme. Supposons que nous prédisions l’impact du ratio CAPE sur les rendements boursiers au cours des dix prochaines années. Nous n’avons alors pas non plus suffisamment d’observations indépendantes : il n’y a que 15 décennies entre 1870 et 2020. 

En outre, le ratio CAPE (et le rendement des dividendes) ne tient pas compte des programmes de rachat d’actions et autres astuces comptables pour stimuler ou ajuster les bénéfices. Pour cette raison, mon étude utilise plutôt le rendement des dividendes. Toutefois, le problème (i) du lissage des dividendes (un phénomène anglo-saxon pour lequel le versement des dividendes ne dépend pas du bénéfice, mais d’un montant constant) et (ii) de la diminution de la disposition à payer des dividendes (là encore, une tendance anglo-saxonne) s’applique ici également. Chaque avantage a son revers.

Un développement récent de Robert Shiller est l’‘Excess CAPE Yield’, ou la différence entre le ratio CAPE et l’obligation d’État américaine à 10 ans. L’avantage de cette mesure est qu’elle tient compte du niveau des obligations. La mesure, du moins selon Shiller, aurait également une relation étroite avec le rendement réalisé sur dix ans. Cependant, les problèmes mentionnés précédemment demeurent : (i) le chevauchement des données reste nécessaire pour mieux définir cette mesure, ce qui entraîne (ii) un manque de données indépendantes. Le ratio CAPE et l’Excess CAPE Yield donnent donc lieu à des arguments très intellectuels pour les analystes, mais l’avenir peut apporter une image clairement différente.

 

gert 2

[1] Comme le dividende augmente par rapport au prix, le rendement du dividende est plus intuitif. Si le rendement du dividende varie dans le temps, il doit donc provenir soit de flux de trésorerie attendus (dénominateur), soit de rendements attendus (numérateur). Entre 1850 et 1950, 100 % des mouvements boursiers provenaient de l’évolution des flux de trésorerie attendus. Ce n’est que depuis 1980 que nous avons constaté une forte progression des rendements attendus. Une explication est que ‘l’equity duration’ des actions s’allonge, ce qui signifie que les flux de trésorerie attendus se situent plus loin dans le temps. Il suffit de penser aux entreprises technologiques qui ne font pas de bénéfices les premières années, mais qui ne présentent des résultats positifs qu’à partir de la cinquième année.

Gertjan Verdickt prof à la KU Leuven et expert en investissement. Il écrit sur l’histoire et les corrélations des marchés financiers. Ses chroniques paraissent tous les mois.

Author(s)
Categories
Target Audiences
Access
Limited
Article type
Article
FD Article
No