
En Belgique, les investissements durables ont leur place dans 1 portefeuille sur 2 ; le potentiel reste donc énorme. Or, le grand public connaît peu le concept et demande davantage d’informations et de transparence.
Les établissements financiers proposent de plus en plus souvent des produits d’épargne et d’investissement « durables ». Mais les clients sont-ils réellement demandeurs de fonds sélectionnant les entreprises sur la base de leur bonne gouvernance, de leur politique environnementale et de critères sociaux ? Plusieurs gérants se sont penchés sur la question. Dans son enquête annuelle Global Investor Study, Schroders a sondé 22 000 investisseurs actifs dans 30 pays sur leur intention d’investir durablement. NN Investment Partners a pour sa part interrogé 2000 Belges (investisseurs ou non) sur leur vision du développement durable et les investissements durables.
Premier constat, le thème ne laisse pas insensible : 8 Belges sur 10 accordent de l’importance (voire beaucoup d’importance) à la durabilité. Une grande majorité traduit aussi cela par des actes. « Le développement durable n’est plus l’apanage d’une minorité alternative », affirme Didier Devreese, directeur Ventes et Marketing chez NN IP.
Wim Nagler, directeur commercial Belux chez Schroders, ajoute : « Partout dans le monde, les investisseurs s’intéressent davantage aux produits durables et la Belgique ne fait pas exception »: 51 % des investisseurs y ont des produits durables en portefeuille. Les investissements socialement responsables représentent en moyenne 35 % de leurs actifs, un résultat en ligne avec la moyenne mondiale. En outre, 67 % des investisseurs belges affirment que les investissements durables gagnent en importance depuis cinq ans.
Toutefois, en Belgique, les investissements durables sont surtout le fait des investisseurs actifs et restent méconnus du grand public. « La durabilité est un concept fourre-tout et peu d’individus savent la définir précisément », affirme Didier Devreese.
Privilégier le recyclage et l’achat local
L’étude de NN IP montre que la plupart des Belges associent la durabilité à l’environnement, mais pas à la bonne gouvernance ni aux thèmes sociaux tels que les droits de l’homme ou les relations de travail. Or, ces facteurs jouent un rôle important dans l’évaluation des fonds durables. Pour le Belge moyen, adopter un « comportement durable » signifie recycler (85 %), ne pas gaspiller l’énergie et l’eau (69 %) et acheter local (67 %).
Moins d’un quart des personnes interrogées y associent un investissement dans un fonds, et plus de la moitié (61 %) ne connaît même pas l’existence des investissements durables. À l’échelle nationale, 1 Belge sur 10 en moyenne possède un investissement durable.
Ces chiffres sont éloquents. La méfiance traditionnelle des Belges vis-à-vis des établissements et produits financiers n’explique pas tout, car l’enquête de Schroders montre que même les investisseurs actifs ont des lacunes. Lorsqu’on leur demande ce qu’ils comprennent par « investissements durables », seuls 4 % apportent une réponse complète : un placement dans des entreprises qui anticipent les changements des conditions environnementales et sociales, ou qui obtiennent, dans leur catégorie, les meilleures notes sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance, et un investissement qui exclut les activités controversées : production d’alcool, de tabac et d’armes. « Les investisseurs qui optent pour des produits durables savent qu’ils ont un impact positif sur la société, mais ne connaissent souvent pas sa déclinaison concrète ni les implications en termes de rendement », affirme Wim Nagler.
S’il fallait tirer une seule conclusion des deux études, ce serait que le Belge est ouvert aux investissements durables, mais que le manque d’information lui semble un obstacle important. 7 Belges sur 10 estiment que les établissements financiers négligent les solutions d’investissements durables dans leur gamme. Lorsque NN IP demande aux investisseurs traditionnels à quelles conditions ils seraient prêts à inclure des produits ISR dans leur portefeuille, près du quart mentionne « la preuve de la durabilité », devant les avantages fiscaux (22 %) ou un label vert externe (12 %).
Cette forte demande d’informations concrètes transparaît aussi dans l’étude de Schroders. « 49 % des personnes interrogées n’investissent pas dans les produits durables principalement parce qu’elles manquent d’information », indique Wim Nagler. Les investisseurs veulent plus de détails sur les rapports entre les gérants de fonds durables et les entreprises dans lesquelles ils investissent et plus de conseils sur les investissements durables. Ils ont du mal à déterminer avec certitude quels produits appliquent une approche durable. »
Il est intéressant de noter que le manque de connaissances semble être un plus grand obstacle que la peur d’obtenir un rendement inférieur à celui des rendements traditionnels, un frein mis en avant par 19 % des investisseurs actifs seulement. « Ce chiffre a bien diminué, et c’est encourageant », commente Wim Nagler – une tendance qui s’explique probablement par le nombre croissant d’études, et notamment celle de Morningstar début 2018, montrant que les investissements durables offrent justement un rendement plus élevé. Mais tant Wim Nagler que Didier Devreese mettent en garde contre un optimisme excessif. « Les fonds durables ont certes fait belle figure ces dernières années, mais c’est lié à la mauvaise performance des sociétés énergétiques, dans lesquelles ils n’investissent pas », nuance Wim Nagler.
Les enseignements
Quels enseignements doivent tirer les établissements financiers et les gérants d’actifs de ces études ? « Il est important que tous les acteurs sectoriels mobilisent leurs efforts pour mieux informer leurs clients, conclut Wim Nagler. Les banques doivent engager le dialogue sur les avantages et les inconvénients des investissements durables et les gérants d’actifs peuvent donner des informations plus spécifiques sur ce qui rend un fonds durable. » Ce besoin concret d’information est aussi mis en avant par Didier Devreese : « Cela motive notamment NN IP à insister davantage sur le reporting sur des critères concrets. »
Tous deux soulignent que l’accent sur le développement durable sera positif pour tout le monde : les investisseurs durables comprendront mieux l’impact de leur choix et ceux qui hésitent encore se laisseront convaincre d’inclure des fonds durables dans leur portefeuille. Une communication proactive sur les fonds durables pourrait même lever une barrière et inciter ceux qui n’investissent encore pas du tout à le faire. « Notre étude montre que de nombreux Belges s’intéressent au concept, conclut Didier Devreese. Si nous leur démontrons qu’ils peuvent faire (indirectement) une différence en investissant dans des produits durables, cela peut les inciter, parallèlement aux arguments financiers classiques, à opter pour un tel placement. »