La crise bancaire américaine a également atteint l’Europe. Mais contrairement aux banques régionales américaines, Credit Suisse est un cas unique. Dans chaque crise bancaire, il est fréquent que plusieurs banques fassent faillite. Une fois le génie sorti de la bouteille, cela peut aller vite. La décision de garantir tous les dépôts et la nouvelle facilité de trésorerie de la Réserve fédérale apportent un peu de sérénité, mais celle-ci pourrait être de courte durée.
On ne sait pas encore combien les banques régionales perdront si elles sont contraintes de valoriser leurs actifs à la valeur du marché. Ce que l’on sait en revanche, c’est que le pourcentage de liquidités de ces banques est très faible, alors que 80 % de leur financement est constitué de dépôts. La semaine dernière, plus de 300 milliards de dollars de liquidités ont été injectés, soit plus que lors de la grande crise financière de 2008. Sans ces liquidités, la crise bancaire serait nettement plus grave.
Ces dernières années, le pourcentage d’obligations d’État et d’obligations hypothécaires au bilan des banques a considérablement augmenté. En 2018, les règles relatives à la valorisation de ces actifs ont été assouplies. Traditionnellement, ces obligations sont considérées comme sûres, mais la forte hausse des taux d’intérêt montre que le risque ne se limite pas au seul risque de crédit. Sur le plan macroéconomique, cette crise bancaire est un résultat prévisible du cycle de resserrement monétaire. Dans le droit fil de la célèbre citation de Buffett, qui déclare que ‘c’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus’.
Outre le resserrement, la courbe des taux était aussi fortement inversée, ce qui exerce une pression importante, en particulier sur ces banques. Les banques régionales empruntent à court terme et effectuent des prêts à long terme. Une courbe de rendement raide est avantageuse pour ces banques. Ce n’est pas la première fois qu’une courbe de rendement inversée cause des problèmes aux banques. Si on ajoute à cela un resserrement quantitatif, les plus vulnérables se retrouvent rapidement en difficulté.
Le signal que cette crise bancaire envoie à la Réserve fédérale est que les taux d’intérêt ont maintenant été suffisamment relevés. Par le passé, un cycle de resserrement se terminait généralement par une crise financière, suivie d’une récession. Même si au début de l’année, il semblait qu’il n’était plus question d’atterrissage en douceur mais de redémarrage, cette crise bancaire pourrait encore provoquer une récession ordinaire. Les dépôts des banques régionales continuent de se déplacer vers les grandes banques, ce qui signifie que d’autres petites banques pourraient encore devoir être sauvées. Un nouveau resserrement de la banque centrale n’a aucun sens.
D’un point de vue politique, il n’est pas judicieux de procéder à un resserrement en période de crise. Si Powell persiste malgré tout, il sera accusé de tous les problèmes économiques et financiers qui s’ensuivront. Rappelez-vous la fameuse hausse des taux d’intérêt de Jean-Claude Trichet durant l’été 2008. Relever les taux d’intérêt d’une part et procéder à un assouplissement quantitatif de 300 milliards d’euros d’autre part a également peu de sens.
Le manque de liquidités des banques régionales incite directement celles-ci à réinscrire les prêts en cours au bilan. Les banques régionales représentent pas moins de 40 % du total des prêts aux États-Unis. Cela a donc un effet important sur l’économie. Un resserrement du crédit semble inévitable, ce qui accélérera le processus de désinflation.
La forte baisse des taux d’intérêt sur l’ensemble de la courbe montre également que c’en est assez. Les taux d’intérêt réels actuels sont clairement supérieurs aux taux d’intérêt naturels (r*), qui sont donc plus bas qu’avant la pandémie. Cela signifierait que les taux d’intérêts des bons du Trésor à 10 ans pourraient retomber à 2,5 %, voire moins en cas de récession.
Cependant, il est probable que le point bas du marché des actions américaines ait été atteint en octobre dernier. En effet, le marché a déjà anticipé une récession et la crise bancaire entraîne une fin rapide du cycle de resserrement. La baisse des taux d’intérêt apporte de la stabilité sur le marché actions. Une récession n’est pas bonne pour les bénéfices, mais des taux d’intérêt plus bas peuvent compenser pleinement cette situation par des valorisations plus élevées.
Une baisse des taux d’intérêt est tout simplement plus importante pour la valorisation des actions qu’une baisse temporaire des bénéfices. La politique monétaire fonctionne tout simplement avec un décalage marqué de 12 à 18 mois. Si l’on considère le taux moyen des fonds fédéraux sur 12 mois, celui-ci n’est que de 2,8 %. Si la Fed cesse maintenant de relever les taux d’intérêt, l’économie ne ressentira pleinement l’impact de tous les relèvements récents qu’à la fin de cette année. C’est le moment pour la Fed de marquer une pause.
Han Dieperink est chief investment strategist chez Auréus Vermogensbeheer. Plus tôt dans sa carrière, il a été chief investment officer chez Rabobank et Schretlen & Co. Ses articles sont publiés le mardi sur Investment Officer.
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