Han de Jong
Han de Jong

C’est tout à fait remarquable : depuis que la Réserve fédérale a commencé à abaisser son taux directeur en septembre – il a depuis diminué de 100 points de base – les taux d’intérêt du marché des capitaux américain ont augmenté de 100 points de base. Normalement, les taux du marché des capitaux commencent par baisser lorsque la banque centrale réduit le taux directeur. Après un certain temps, ils évoluent dans l’autre sens.

Un investisseur a toujours intérêt à se demander quel est le message du marché. Je vois trois réponses possibles. Premièrement, on peut craindre une reprise de l’inflation. Deuxièmement, il est probable que le déficit budgétaire du gouvernement suscite des inquiétudes. C’est pourquoi le marché dit à la Fed : « ne précipitez pas la baisse du taux directeur ». Mais là encore, il a fallu que Donald Trump y mette son grain de sel.

Donald Trump n’y va pas de main morte

Il n’a pas attendu bien longtemps : trois jours après son investiture, le nouveau président a littéralement exigé, par liaison vidéo à Davos, que la Fed réduise son taux directeur. Le comité politique de la Fed se réunit cette semaine. Plusieurs membres ont laissé entendre, dans des discours et des interviews, qu’ils laisseraient les taux d’intérêt inchangés. Ce faisant, ils s’attireront sans aucun doute les foudres de Donald Trump.

Le président joue avec le feu. Un conflit ouvert et qui s’intensifie, entre lui et la Fed n’est certainement pas bon pour la confiance. M. Trump risque ainsi de s’attirer les foudres du marché des capitaux. En d’autres termes, il court le risque que les taux d’intérêt, sur ce dernier, augmentent encore. En fin de compte, les taux d’intérêt du marché des capitaux sont plus importants pour l’économie que les taux directeurs.

S’il est possible de faire pression sur la banque centrale ou nommer des cadres pour qu’ils fassent ce que vous voulez avec les taux directeurs, les taux du marché des capitaux sont en revanche moins faciles à influencer. Si Donald Trump parvient à faire baisser l’inflation et à réduire le déficit budgétaire, le marché des capitaux le récompensera en abaissant les taux d’intérêt. Cependant, je ne serais pas disposé à miser mes économies là-dessus.

Klaas Knot contre les « colombes »

La hausse des taux d’intérêt sur les marchés des capitaux américains ne facilite pas non plus la tâche de la BCE. Notre croissance économique s’est légèrement accélérée l’année dernière, mais elle reste faible. Bien que le pouvoir d’achat s’améliore, les consommateurs restent remarquablement pessimistes. Dans la zone euro, l’inflation est également légèrement supérieure à l’objectif, mais moins élevée qu’aux États-Unis. Il est d’ailleurs très probable que l’inflation sera conforme à l’objectif fixé dans un avenir prévisible. Le taux d’intérêt officiel de la BCE est toujours supérieur au taux « neutre ». La BCE a donc toutes les raisons de réduire les taux. Elle espère ainsi stimuler l’activité des entreprises.

Les taux des marchés des capitaux européens sont fortement influencés par les taux américains. Ainsi, malgré la faiblesse conjoncturelle, les perspectives raisonnables d’inflation et les réductions de taux de la BCE, les taux des marchés des capitaux européens, à l’image des taux américains, ont augmenté au cours des derniers mois, bien que dans une moindre mesure. Cette hausse limite l’efficacité de la politique d’assouplissement de la BCE. Les opérateurs se demandent désormais comment l’institut francfortois doit réagir.

En début de semaine, plusieurs cadres de la BCE ont donné des interviews depuis Davos. Le président de la banque centrale des Pays-Bas, Klaas Knot, a déclaré que les deux prochaines baisses de taux d’intérêt sont plus ou moins certaines, mais qu’après cela, on ne sait pas encore. Certains de ses collègues sont plus assurés, affirmant que les taux d’intérêt continueront à baisser même après les deux prochaines réductions. Je pense que M. Knot, avec ses opinions plus modérées, est en minorité au sein du comité politique. Les « colombes » sont aux commandes et cela ne changera pas de sitôt. Le taux de rémunération des dépôts de la BCE s’élève désormais à 3 %. Je serais surpris que ce taux ne soit pas ramené à 1,5 %. Si c’était le cas, les gouverneurs de la BCE recevraient probablement une accolade de Donald Trump. De là à s’en réjouir…

Ancien économiste en chef d’ABN Amro, Han de Jong publie une chronique hebdomadaire sur l’économie et les marchés pour Investment Officer Pays-Bas. Vous trouverez davantage d’informations sur sa vision sur Crystal Clear Economics.
 

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