La Securities and Exchange Commission (SEC) est sur le point de supprimer l’obligation de reporting du Scope 3. Ce faisant, le gendarme de la Bourse américaine creuserait un fossé entre la législation américaine et les nouvelles règles européennes instaurées par la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui entreront en vigueur l’année prochaine.
Les obligations de reporting concernant les émissions de Scope 3 seront probablement supprimées des directives finales de la SEC relatives au reporting sur le climat. La pression exercée par la politique et les entreprises est vraisemblablement devenue trop forte, rapporte l’agence de presse Reuters sur la base de sources anonymes.
Les entreprises cotées en bourse ne seraient plus tenues de rapporter sur les émissions de gaz à effet de serre dans la chaîne d’approvisionnement, y compris celles des entreprises privées vendant à des entreprises cotées et celles du consommateur final. Selon une étude réalisée par Deloitte et Morningstar Sustainalytics, les émissions de Scope 3 représentent environ les deux tiers de l’empreinte carbone des entreprises.
Les émissions de Scope 3 sont des émissions indirectes de gaz à effet de serre qui résultent de l’ensemble de la chaîne de valeur d’une entreprise. Cela englobe l’extraction de matières premières, la production, la distribution, l’utilisation des produits et le traitement des déchets. Les investisseurs attachent de l’importance à ces émissions car elles reflètent l’impact environnemental global d’une entreprise, ce qui influe sur sa durabilité et sa viabilité à long terme.
En assouplissant la réglementation concernant les émissions de Scope 3, la SEC s’éloignerait sensiblement des règles de l’Union européenne, qui rendra obligatoire la déclaration des émissions de Scope 3 à partir de l’année prochaine pour les grandes et moyennes entreprises basées dans l’UE, ainsi que pour les entreprises non-UE ayant des activités significatives au sein de l’Union, ce qui concerne de nombreuses entreprises américaines cotées en bourse.
SEC
L’obligation de reporting des émissions de Scope 3 s’avère être un talon d’Achille juridique aux États-Unis. Un défi majeur pour la SEC est que la réglementation des entreprises privées aux États-Unis relève de la compétence des États individuels. Contrairement à l’UE, qui a la compétence de réglementer les entreprises publiques et privées de toutes tailles, la SEC a seulement celle de réglementer les entreprises cotées en bourse.
Cela pose un problème juridique lorsqu’il s’agit de rapporter les émissions de Scope 3, car cela contraint les entreprises cotées en bourse à collecter des informations auprès d’entreprises privées. Cette situation crée une réglementation indirecte des entreprises privées, qui ne relèvent pas de la compétence réglementaire de la SEC.
Bien que le président de la SEC, Gary Gensler, ait affirmé à plusieurs reprises que la SEC dispose de cette compétence, il est probable qu’un tribunal aura le dernier mot à ce sujet. Cependant, la Cour suprême des États-Unis adopte une interprétation stricte des compétences des instances administratives telles que la SEC.
Il n’est d’ailleurs un secret pour personne que le président de la SEC, Gary Gensler, reconnaît la nature controversée du reporting du Scope 3 et a fait allusion à de potentiels ajustements afin de répondre aux préoccupations de l’industrie. Lors d’un événement organisé en octobre par la Chambre de commerce des États-Unis, Gary Gensler a déclaré qu’il espérait que les règles de publication des émissions - qui ont suscité les désormais célèbres 16 000 réactions du marché – « survivront à toute contestation juridique une fois qu’elles seront finalisées et adoptées. »
En abandonnant les exigences relatives au Scope 3, les nouvelles règles devraient être mieux protégées contre les inévitables poursuites judiciaires. Entre-temps, la SEC s’abstient de confirmer le calendrier précis de la publication de la réglementation finale. La commission se réunira mercredi pour prendre une décision.