Dire que le premier semestre n’a pas été bon est l’euphémisme de l’année 2022 sur les marchés financiers. Mais qu’apportera le second semestre ?
Le premier semestre 2022 a été le pire depuis 1970 pour le S&P, le pire depuis la bulle Internet de 2002 pour le Nasdaq et le pire depuis 2008 pour l’Eurostoxx 600.
Ce fut également le semestre le plus brutal de l’année pour la région la plus performante de cette dernière décennie, les États-Unis, et plus particulièrement pour les valeurs de croissance à duration longue, qui avaient profité de manière excessive des taux d’intérêt bas, voire négatifs, depuis la pandémie.
Il n’y avait pas beaucoup de segments dans lesquels se réfugier : à l’exception des entreprises de consommation hautement défensives, des soins de santé, des télécommunications, de l’assurance, de la défense énergétique et de l’or libellé en euros, pratiquement toutes les classes d’actifs ont été fortement dans le rouge.
Si l’on porte un regard rétrospectif, il n’y a eu que trois moments depuis 1932 auxquels les marchés ont chuté de plus de 20 % au cours du premier semestre. Le côté positif, par contre, est que durant chacune des années suivantes, les marchés ont clôturé plus haut qu’en juin. 1962 a été une telle année, ce qui apparaît sur le graphique ci-dessous.
Une autre statistique qui peut nous donner quelques orientations supplémentaires est que depuis 1957, lorsque les marchés ont enregistré une perte au premier semestre, dans la moitié des cas, le S&P a également enregistré un rendement négatif au second semestre.
Mécanisme d’actualisation
Les marchés financiers sont un mécanisme d’actualisation. Les données économiques ont donc tendance à atteindre leur niveau le plus bas après les marchés actions. En moyenne, les actions atteignent leur point le plus bas 116 jours avant le point le plus bas de l’économie. Nous voyons ensuite que les nouvelles s’aggravent, mais que les marchés n’y réagissent plus. Si l’histoire sert de guide, nous n’avons pas encore atteint ce point.
Dans l’intervalle, les investisseurs sont positionnés de manière extrêmement pessimiste. L’indicateur ‘risk on’ versus ‘risk off’ est tombé à zéro pour la sixième fois en 20 ans (!).
Contraction multiple
La plupart des pertes de cours aux États-Unis sont dues à la contraction multiple. Les valorisations se sont adaptées au nouveau régime, le Nouvel ordre mondial, de taux d’actualisation plus élevés. La fête de l’argent gratuit est terminée, et les investisseurs ajustent leurs modèles DCF (flux de trésorerie actualisés).
Un peu d’inflation entre 2 et 4 % s’est avéré être une bonne chose pour les actions dans le passé, mais nous sommes maintenant bien au-delà. En Belgique, l’inflation est de 10 % et s’élèvera probablement à 12 % d’ici la fin de l’année.
Cela nuit considérablement à la valorisation des actions et, ici également, si l’histoire est un guide, les valorisations devront baisser encore un peu. Les bénéfices des entreprises ont particulièrement bien résisté, mais un gestionnaire de fonds spéculatifs comme Michael Burry, rendu célèbre par ‘The Big Short’, affirme que nous n’en sommes qu’à « mi-parcours, car les bénéfices des entreprises devront encore être revus fortement à la baisse. »
Inflation
Beaucoup dépendra des attentes futures en matière d’inflation. Un petit sondage réalisé par Jeroen Blokland révèle que 42 % des personnes interrogées s’attendent à ce que l’inflation se situe autour de 7 % en juillet 2023. « À mon avis, l’inflation sera considérablement plus faible », répond Blokland.
Classes d’actifs
Les marchés financiers devront donc vider le calice au cours du second semestre. On s’attend à ce que les segments les plus touchés, les actions de croissance de haute qualité, soient les premiers à rebondir suite à une légère révision à la baisse des prévisions d’inflation, suivis par les actions de valeur et cycliques. Les marchés actions pourraient alors atteindre leur point le plus bas au cours du premier semestre 2023.
Dans une récente analyse, Nicolas Forest, responsable de la gestion obligataire chez Candriam, plaide en faveur des obligations d’État nominales mondiales. « En prévision d’un environnement désinflationniste avec une croissance ralentie, voire négative, les obligations d’État peuvent offrir un potentiel de hausse concentré dans un environnement macroéconomique moins favorable aux autres classes d’actifs.
Une récession s’accompagne généralement d’une baisse et d’un aplatissement de la courbe des taux d’intérêt, tandis que les actions et les obligations d’entreprises sont sévèrement touchées : historiquement, les obligations d’État ont été la couverture la plus efficace contre une récession. »
Dans le scénario le plus optimiste, les attentes d’inflation retombent et la Fed peut assouplir sa politique, permettant aux actions et aux obligations de se redresser de manière synchronisée : l’image miroir du premier semestre de l’année. Sur cette note optimiste, nous vous souhaitons un bel été et d’excellentes vacances.
Jurgen Vluijmans est responsable éditorial d’Investment Officer Belgium et rédige cette vision du marché à titre personnel.