Les titres adossés à des actifs (asset-backed securities ou ABS) européens se négocient actuellement à des niveaux historiquement attractifs par rapport aux obligations de qualité comparable. Cette situation peut sembler paradoxale, car de nombreux investisseurs associent encore ces instruments à la crise financière de 2008, explique Matthew Wardle, gestionnaire de portefeuille ABS chez M&G. Il plaide en faveur des crédits structurés notés investment grade.
Certaines banques et compagnies d’assurance ne sont pas encore convaincues des atouts des ABS. Pourtant, les ABS européens sont strictement réglementés et affichent depuis un certain temps déjà des performances supérieures à celles de leurs homologues américains, souligne Matthew Wardle.
« Nous pensons que si l’on évaluait les opportunités de marché uniquement sur la base du risque de crédit, le marché des ABS devrait se négocier avec des spreads plus serrés que ceux observés actuellement et au cours des dernières années », déclare Matthew Wardle lors d’un entretien avec Investment Officer. « Nous pensons que ces spreads importants s’expliquent par la réglementation relativement stricte introduite pour les ABS en Europe après la crise financière de 2008. »
Lancement d’un fonds ABS
Matthew Wardle dirige une équipe de près de 20 personnes spécialisées dans les ABS et les crédits structurés en Europe et au-delà. M&G a récemment lancé le M&G Investment Grade ABS Fund. « Nous pensons que ce produit nous offre l’opportunité de dialoguer avec un plus grand nombre d’investisseurs que par le passé à propos des ABS. »
Le fonds est lancé dans le contexte d’offre croissante d’ABS, avec des volumes en augmentation cette année, explique Matthew Wardle (voir graphique ci-dessous). En mai 2024, environ 20 milliards d’euros ont été émis, un record mensuel depuis la crise. Il s’attend à ce que cette tendance se poursuive et dépasse les records de ces dernières années.
Bien que les spreads plus importants des ABS semblent attrayants, cet écart reflète les difficultés d’accès pour certains investisseurs. « Pour certains investisseurs, comme les banques et les compagnies d’assurance, les exigences en matière de capital ou les coûts de capital pour investir dans les ABS sont particulièrement élevés en comparaison avec d’autres marchés. »
Solvabilité II
Plus récemment, explique-t-il, « les fonds de pension, les family offices et d’autres investisseurs institutionnels qui ne sont pas soumis aux exigences de capital de Solvabilité II pour les ABS, contrairement aux compagnies d’assurance, constatent que l’historique de performance du marché européen des ABS est solide sur les 10 à 15 dernières années. » Ces acteurs, ajoute-t-il, « ont conclu que la performance a été très solide et ont davantage confiance dans la résilience de cette catégorie d’actifs en cas de problèmes. »
Matthew Wardle souligne qu’un autre aspect attractif du marché actuel des ABS (par rapport à la situation qui prévalait avant la crise financière) est la qualité de la garantie sous-jacente.
« Ces dernières années, les ratios prêt/valeur (loan-to-value) des prêts hypothécaires accordés par les banques sont nettement inférieurs à ceux observés avant la crise financière, dans plusieurs pays. » De plus, la qualité de crédit des emprunteurs fait désormais l’objet d’une évaluation beaucoup plus rigoureuse depuis la crise.
Plus de relèvements
Matthew Wardle indique que M&G dispose d’une grande quantité de données montrant que « chaque année, pour les ABS, les relèvements de note sont supérieurs et les dégradations inférieures à ceux des entreprises financières et non financières. »
D’après lui, il existe « de nombreuses preuves démontrant que les ABS constituent une classe d’actifs de haute qualité, prévisible et défensive. »
Il a fallu du temps pour que les fonds de pension, les family offices et d’autres acteurs soient suffisamment informés pour se sentir à l’aise avec les ABS. « Mais une fois que c’est le cas, ils investissent généralement sur le marché et tirent profit de cette disparité réglementaire qui perdure aujourd’hui. »
Retour sur la crise
« Lorsque l’on parle d’ABS, de nombreux investisseurs les associent aux subprimes durant la crise financière », observe Matthew Wardle. Il tient cependant à souligner la différence entre les marchés américain et européen pour les titres adossés à des actifs.
« Il existait une différence notable entre le marché américain et le marché européen pendant la crise », explique Matthew Wardle. L’un des principaux facteurs réside dans la mesure dans laquelle les hypothèques sont exécutoires. Aux États-Unis, un propriétaire peut tout simplement remettre les clés de sa maison à la banque si sa valeur tombe en dessous du montant de l’hypothèque.
Garantie personnelle
En Europe, en revanche, contracter une hypothèque équivaut à fournir une garantie personnelle. Ce cadre juridique permet aux banques, en cas de défaut de paiement, de se retourner contre l’emprunteur pour saisir son épargne et d’autres ressources patrimoniales afin de recouvrer la dette.
« Ce type de différences n’est généralement pas suffisamment pris en compte pour expliquer les écarts de performance entre les deux marchés », affirme Matthew Wardle. « Selon nous, les Européens sont beaucoup plus motivés à honorer leurs remboursements hypothécaires. Cela a toujours été le cas et cela l’est encore aujourd’hui. »