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Révolutionnaire : c’est ainsi que les avocats fiscalistes qualifient la baisse des droits d’enregistrement et de succession approuvée mercredi soir par le Parlement de Wallonie. Ce décret creuse ainsi encore les écarts existant entre les régimes fiscaux flamand, bruxellois et wallon.
Adrien Dolimont (MR), devenu, en juillet dernier, le plus jeune Ministre-Président wallon de l’histoire, a remporté son premier trophée politique. Le Parlement de Wallonie a approuvé mercredi soir une série de réductions fiscales, l’un des fers de lance du nouveau gouvernement de centre-droite.
La baisse à 3 % des droits d’enregistrement à l’achat d’un premier logement entrera en vigueur dès le 1er janvier 2025. Les droits de succession ainsi que, en parallèle, les droits de donation seront quant à eux réduits à compter de 2028.
Il s’agira d’une réduction de moitié, réalisée en une seule fois, de tous les taux, donc tant en ligne directe (parents et enfants, par exemple) et en ligne collatérale (par exemple un frère ou une tante) qu’entre personnes n’ayant pas de liens familiaux. Concrètement, au 1er janvier 2028, les taux maximaux des droits de succession seront abaissés comme suit :
- de 30 % à 15 % en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux
- de 65 % à 33 % en ligne collatérale « frères et sœurs »
- de 70 % à 35 % en ligne collatérale « oncles ou tantes et neveux ou nièces »
- de 80 % à 40 % entre toutes autres personnes
Quid de la Flandre et de Bruxelles ?
Si la Flandre prépare, elle aussi, une réduction de ses droits de succession, les taux ne sont pas encore fixés, contrairement à la Wallonie. On peut cependant déduire de quelques déclarations politiques et fuites d’informations que cette baisse sera moins radicale que celle menée en Wallonie, et qu’elle sera progressivement introduite à compter de 2026.
La Région bruxelloise a, quant à elle, introduit une réforme en début d’année. La prochaine n’est cependant pas à attendre dans l’immédiat, le Gouvernement bruxellois n’ayant pas encore été constitué six mois après les élections.
En résumé : comme pour les droits d’enregistrement, les trois Régions suivent chacune leur propre voie pour ce qui concerne les droits de succession et de donation. Si les différences entre ces régimes fiscaux deviennent importantes, ceci pourrait faire envisager aux propriétaires immobiliers des différentes Régions un déplacement de leur lieu de résidence principale.
Shopping fiscal
La réduction de moitié des droits successoraux wallons pourrait-elle par exemple inciter un Flamand propriétaire d’un chalet dans les Ardennes à déplacer sa domiciliation de la Flandre à la Wallonie ?
Selon l’avocat fiscaliste Julien Limet (Tetra Law), les chances que se produise ce genre de « shopping fiscal » sont réduites. Il note à cet égard que le législateur belge avait déjà anticipé en 1989 une potentielle concurrence interne entre Régions. Ce n’est pas la résidence officielle au moment du décès qui détermine les droits de succession, mais bien la résidence la plus occupée par le défunt au cours des cinq dernières années.
« Si un déménagement a lieu dans les cinq années précédant le décès, on vérifiera dans quelle Région le défunt a été domicilié le plus longtemps au cours de cette période », confirme Nicolas Chauvin, Manager Estate Planning Bruxelles-Wallonie chez Degroof Petercam. Si le défunt a vécu dans les Ardennes un an avant sa disparition, et quatre ans à Gand avant cela, ses héritiers devront donc régler leurs droits successoraux à la Région flamande.
Les personnes désireuses de se lancer dans le « shopping régional » doivent donc planifier les choses au moins cinq ans à l’avance. « En outre, une simple inscription à la commune ne suffit pas pour relever automatiquement de la législation fiscale d’une Région. Il faut également apporter la preuve que le défunt y vivait bel et bien, en produisant par exemple des tickets de caisse, les inscriptions scolaires des enfants ou des preuves de son activité au sein de la vie sociale locale », complète Julien Limet.
Contrôles
Ceci vaut bien évidemment dans toutes les directions, donc non seulement pour les Flamands possédant une résidence secondaire dans les Ardennes, mais aussi pour les Wallons ou Bruxellois ayant un appartement sur la côte. Julien Limet : « Il y aura toujours des irréductibles qui essaieront de se créer une domiciliation fictive, mais il ne s’agira que d’une petite minorité. »
Nicolas Chauvin met en garde contre des déménagements trop hâtifs motivés par des raisons purement fiscales. « Il paraît peu prudent de mesurer l’attractivité fiscale d’une Région à l’aune d’une seule mesure. Une comparaison plus globale nous semble plus raisonnable, sans même parler de l’impact d’un tel déménagement vers une autre Région sur la vie familiale et personnelle. »
Il est important d’ajouter qu’actuellement, c’est encore l’administration fédérale (le SPF Finances) qui perçoit les droits de succession pour la Wallonie. Il s’agira d’un service propre à la Wallonie à compter de 2028, comme c’est déjà le cas en Flandre depuis un certain temps. On peut donc s’attendre à ce qu’à ses débuts, ce nouveau service wallon fasse preuve de fermeté et effectue des contrôles.