Les démocrates sont en passe de remporter la Chambre des représentants des États-Unis en 2026. Pour les investisseurs, ce n’est qu’un bruit de fond, mais même les progressistes les plus convaincus doivent admettre que le timing est particulièrement mauvais. Tout allait si bien.
Vous n’avez pas vraiment le droit de le dire à voix haute à New York, la ville qui redeviendra communiste à partir de janvier avec le nouveau maire Zohran Mamdani, mais Donald Trump rapporte de l’argent. Il est venu à la Maison-Blanche pour représenter Main Street (le citoyen lambda), mais il œuvre pour les intérêts de Wall Street. Certes, la manière manque d’élégance, mais les résultats sont là.
L’impôt sur les sociétés a été réduit, la SEC, le gendarme boursier, a été domestiquée, la voie est libre pour les cryptommonnaies et les caisses de retraite pourront bientôt intégrer des investissements privés. La baisse enregistrée en avril à l’occasion du « jour de la Libération » a également été plus que corrigée par le rebond généralisé en cours. Tout va pour le mieux.
Du moins pour les investisseurs. Les militants de base apprécient de moins en moins les politiques économiques de Donald Trump. Selon Fox News, près de la moitié des Américains estiment aujourd’hui que le chef de l’exécutif leur rend la vie plus difficile. Pourquoi ? Tout est trop cher, surtout la nourriture. C’est du pain béni pour les démocrates. En novembre dernier, le parti a d’ailleurs remporté des victoires en Virginie, au New Jersey et dans la ville de New York. Les candidats ont tous gagné sur le même thème, la baisse du pouvoir d’achat.
« On peut raisonnablement supposer que les démocrates remporteront les élections de mi-mandat l’année prochaine », a prédit Joe Trahern, lobbyiste et conseiller de K&L Gates, lors d’une présentation devant des gestionnaires de fonds et l’auteur de cette chronique. Selon lui, le pouvoir d’achat est devenu une question « toxique » pour les républicains, qui doivent désormais se soucier du portefeuille des électeurs.
Pendant ce temps, la Maison-Blanche sent bien que le vent tourne. En novembre, Donald Trump a signé un décret exemptant certains produits comme le café, les bananes et le bœuf de ses fameux droits de douane globaux. Selon Fox News, seul un tiers des Américains y sont favorables. La Cour suprême ne semble pas non plus très enthousiaste.
Le lobbyiste Joe Trahern dit qu’il a déjà appelé son bookie pour parier que la Cour suprême annulera les droits de douane. Il y a 78 % de chances que cela se produise, selon l’agence de paris en ligne Polymarket.com. Il soupçonne que de nombreux républicains au Congrès font secrètement de même, ou du moins espèrent la même chose. Selon M. Trahern, « une telle annulation par la Cour suprême serait un véritable cadeau politique pour les républicains. » Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison-Blanche, a cependant révélé à la presse que tout sera fait pour maintenir les droits de douane, d’une manière ou d’une autre.
C’est précisément là que réside le problème pour les investisseurs. En effet, les citoyens se plaignent de l’inflation. La baisse des taux d’intérêt pourrait encore faire grimper les prix. Cette dernière fédérale – l’obsession commune de M. Trump et du marché – devient donc de plus en plus difficile à justifier pour la Réserve fédérale, car les baisses de taux pourraient encore tirer les prix vers le haut. Il en va de même pour les valorisations de plus en plus élevées.
Donald Trump cherche néanmoins à remplacer le président de la Fed, Jerome Powell, qui fait preuve d’une obstruction chronique lorsqu’il s’agit d’abaisser fortement les taux d’intérêt. L’économiste Kevin Hasset est, de l’avis général, le candidat le plus probable. Cette nouvelle a été mal accueillie par les investisseurs obligataires qui, selon le Financial Times, ont déjà fait part de leur mécontentement au département du Trésor concernant cette proposition. Ils craignent que M. Hasset ne soit que trop enclin à réduire les taux d’intérêt pour ne pas froisser Donald Trump.
Les républicains font face à un dilemme : laisser la Fed gérer l’inflation en toute indépendance ou perdre la Chambre des représentants au profit des démocrates qui promettent de s’attaquer à la hausse des prix. En cas de victoire démocrate, Maxine Waters (87 ans) reprendrait la tête du comité des services financiers de la Chambre. Cela marquerait le grand retour du DEI (Diversité, Équité, Inclusion), de l’ESG et de tous ces acronymes qui font trembler l’Amérique des affaires, même dans le quartier huppé de Manhattan. La protection des investisseurs redeviendrait une priorité, tandis que les projets favorables aux cryptomonnaies seraient freinés ou bloqués.
Historiquement, les marchés se soucient peu de savoir qui contrôle la Chambre, car le régime de gouvernance partagée fonctionne très bien depuis des décennies. En même temps, dans la situation actuelle, les investisseurs savent exactement ce que veut Donald Trump : moins de contrôle, des règles plus souples et des liens forts entre la Maison-Blanche et les milieux d’affaires.
Heureusement, les investisseurs n’ont pas vraiment à s’inquiéter. Même si la Chambre des représentants n’est pas aux mains des républicains, M. Trump peut continuer sur sa lancée. En effet, les décrets présidentiels peuvent être adoptés sans l’aval de la Chambre des représentants. C’est formidable.
Max Severijns est journaliste et vit à New York. Il est correspondant pour Investment Officer. Il a étudié la communication et le japonais et a obtenu une maîtrise en relations internationales à l’université de Milan.