Les entreprises familiales non cotées sont souvent confrontées à un casse-tête : comment organiser les contrôles et assurer un équilibre des pouvoirs ? Et quid de l’arrivée d’un investisseur externe (dans le cadre du capital-investissement, par exemple) ? La quatrième version du Code Buysse, qui présente des lignes de conduite actualisées en matière de bonne gouvernance pour les entreprises non cotées, vient de paraître. Lors d’un entretien, Maître Jozef Lievens nous présente les nouveautés introduites.
La première version du Code Buysse a été publiée en 2005. Vingt ans plus tard, la quatrième édition a été présentée à Anvers, près d’un an après le décès de son initiateur, le comte Paul Buysse (1945-2023), dont elle porte le nom.
Quels sont les principaux changements de cette nouvelle version ? Et comment le nouveau code répond-il aux attentes des entrepreneurs belges ? Nous avons posé ces questions à Jozef Lievens, avocat à Courtrai, associé du cabinet d’avocats Roots Advocaten et cofondateur ainsi qu’administrateur de l’Instituut voor het Familiebedrijf. Il a rédigé le Code Buysse avec Sofie Lerut et Laura Lannoo.
Comment le Code Buysse a-t-il vu le jour ?
Jozef Lievens : « À l’époque, des figures comme Paul Buysse et Kris Peeters, alors président d’Unizo, avaient pris conscience d’un vide majeur dans le débat sur la gouvernance. Pour les quelque 130 entreprises belges cotées en Bourse, les obligations en matière de gouvernance étaient claires et définies par la loi. En revanche, pour les centaines de milliers d’entreprises non cotées, il n’existait en réalité rien, alors qu’au moins 10 000 grandes entreprises et PME avaient besoin de lignes directrices.
C’est ainsi qu’est née l’idée d’élaborer un code de bonne gouvernance pour ces organisations également. Cependant, ce code devait être d’une nature différente : accessible, sur base volontaire, ciblant l’entrepreneur désireux d’améliorer la gouvernance de son entreprise et conçu pour lui permettre de s’inspirer de ses recommandations et d’en appliquer celles qui répondaient aux besoins spécifiques de son entreprise. »
Pourquoi une (nouvelle) mise à jour ?
« Depuis 2015, année de publication du Code Buysse III, la société et l’économie ont profondément changé. Des thématiques comme la diversité, la durabilité, la numérisation et l’intelligence artificielle occupent par exemple une place beaucoup plus importante. La nouvelle édition du Code y répond dans une perspective de gouvernance.
Par ailleurs, nous avions constaté qu’une partie du monde entrepreneurial restait sceptique à l’égard de la gouvernance. On pourrait même parler d’un sentiment anti-gouvernance, y compris chez certains entrepreneurs initialement enthousiastes. Nous prenons également ces doléances à cœur. Notre réponse : un code encore meilleur, plus accessible, plus précis et plus clair. »
Quelle est la clé d’une mise en œuvre réussie d’une bonne gouvernance ?
« La bonne gouvernance ne doit jamais être considérée comme acquise. Les bonnes pratiques ne doivent pas seulement être définies, elles doivent également être mises en œuvre, ce qui nous amène au domaine de la finance comportementale. Les entreprises doivent réfléchir non seulement aux lignes directrices, mais aussi au comportement des individus. Un conseil d’administration ne sert pas à grand-chose s’il est dominé par une seule personne empêchant les autres membres de s’exprimer.
Il s’agit donc aussi de soft skills. Dans le nouveau code, nous fournissons des orientations et des recommandations pour développer ces compétences, en complément de la structure formelle de la gouvernance. »
Le Code Buysse III incluait des recommandations spécifiques concernant le recours au capital-investissement. Pourquoi ce paragraphe a-t-il été supprimé dans le Code IV ?
« Il ne devrait pas exister de différence fondamentale entre un conseil d’administration incluant des investisseurs en capital-investissement et un conseil sans. Un conseil d’administration avec des investisseurs en capital-investissement est généralement bien structuré, discipliné, dispose de toutes les informations pertinentes ; les choses y sont clairement exprimées.
La bonne gouvernance demeure une condition importante, non seulement pour le recours au capital-investissement, mais également pour tout type de financement. Une bonne gouvernance renforce la solvabilité d’une entreprise, car elle constitue un gage de professionnalisme. »
Quelles sont les principales recommandations concernant des sujets d’actualité tels que la diversité, la durabilité, la numérisation et l’IA ?
« Ce sont assurément des réalités importantes. Nous préconisons d’aborder toutes ces thématiques en fonction de la spécificité de chaque entreprise, définie par sa taille, son stade de développement et la structure de son actionnariat. Nous sommes partisans d’une approche pragmatique.
En effet, ces enjeux peuvent facilement monopoliser tout votre temps, alors qu’il y a également une entreprise à gérer. Par exemple, chaque conseil d’administration doit-il inclure un spécialiste du numérique ? Dans certains cas, cela peut se révéler pertinent, dans d’autres, il pourrait suffire d’inscrire la question de la numérisation en tant que point récurrent à l’ordre du jour. »
Une meilleure gouvernance conduit-elle à de meilleures performances ?
« La question est délicate. Non, il n’existe pas de corrélation entre une bonne gouvernance et une meilleure performance. Cela dit, la bonne gouvernance a un impact significatif sur la perception subjective des propriétaires et des administrateurs. Je mets régulièrement en place des conseils d’administration et j’entends à chaque fois, après coup : « Nous aurions dû le faire plus tôt ». Bien sûr, un bon conseil d’administration demande plus de travail qu’une absence totale de conseil ou un conseil purement symbolique. Un dirigeant m’a un jour confié : « C’est comme si je devais passer un examen quatre fois par an ». Mais il considérait cela comme un enrichissement, car ses hypothèses étaient constamment remises en question. »
Retrouvez ici le Code Buysse.