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Toutes les deux semaines, Investment Officer s’entretient avec un éminent professionnel du monde financier à propos de sa carrière, de sa vie et de ses passions. Cette fois-ci, c’est Rudi Deruytter, CEO de la banque CKV, qui regarde dans Le Miroir.

Rudi Deruytter est CEO de la banque CKV, une banque d’épargne indépendante basée à Waregem qui appartient au magnat du textile Dominiek De Clerck. Il a passé une grande partie de sa carrière chez BBL puis chez ING. En 2016, il a écrit le livre ‹Hoe gaat het eigenlijk met onze banken?’ (Comment se portent réellement nos banques ?), dans lequel il expliquait l’histoire de la crise bancaire de l’intérieur. Son deuxième livre ‹Hoe kunnen de banken hun burn-out oplossen?› (Comment les banques peuvent-elles résoudre leur burn-out ?) a été publié en 2020. Il prendra sa pension à la fin de cette année. Eveline Vereecke, qui, comme Deruytter, a fait ses armes chez ING, lui succédera.

 

 
Pension imminente

 

« Pendant un certain temps, j’ai eu du mal à accepter l’idée de prendre ma pension. Je ne me sens  absolument pas prêt. Entre-temps, je me suis fait une raison, car on ne peut pas rester CEO trop longtemps. Sinon, certaines caractéristiques toxiques finissent par émerger. J’ai été CEO pendant 11 ans et c’était formidable. Je peux m’arrêter au sommet, car 2022 a été la meilleure année de l’histoire de la banque CKV. »

Patience

« En tant que CEO, j’ai certainement commis des erreurs. Notamment, j’avais parfois tendance à vouloir aller trop vite, sans prendre le temps d’expliquer à mon équipe pourquoi je souhaitais emprunter telle direction. J’ai parfois manqué de patience à cet égard. Il faut laisser aux jeunes le temps d’apprendre à penser de manière stratégique, alors que j’étais parfois agacé lorsqu’ils n’y parvenaient pas. »

À propos de la nouvelle CEO

« Elle possède de nombreuses qualités que je n’ai pas. Elle est plus intelligente, elle a une meilleure connaissance du corporate banking et elle a plus d’expérience commerciale. De plus, c’est une excellente people manager. Elle ne connaît pas l’impatience à laquelle je suis parfois confronté. Elle sait également bien écouter, ce qui n’est pas toujours mon point fort. Pendant un cours, j’ai appris qu’on a deux oreilles et une bouche, ce qui signifie qu’on devrait écouter deux fois plus que parler. Je ne parviens pas toujours à respecter cette proportion. »

Crise bancaire

« Les grandes banques commettent à nouveau les mêmes erreurs qu’auparavant. Elles transgressent à nouveau les principes fondamentaux de la banque. La seule différence, c’est que les règles et les exigences en matière de capital sont devenues beaucoup plus strictes. Et une chose est largement sous-estimée : la vitesse à laquelle les liquidités quittent une banque lorsque la confiance dans une institution a disparu. Nous l’avons récemment constaté aux États-Unis et j’ai moi-même été surpris par la rapidité avec laquelle une banque peut s’effondrer. »

Étudiant en droit

« Mon père était physicien nucléaire et mon frère, ingénieur civil. Je ne me sentais pas le plus intelligent de la famille. Par réaction d’adolescent, j’ai décidé d’étudier la philosophie. Je me promenais avec les cheveux longs et des livres de Nietzsche sous le bras. Mon père a certainement perdu dix ans de sa vie à cause de ça. Finalement, la philosophie n’était pas faite pour moi. J’ai alors décidé d’étudier la psychologie, ce qui n’était qu’une légère amélioration pour mon père. Mais ça n’a pas fonctionné non plus. J’ai donc finalement décidé d’étudier le droit, ce qui s’est avéré être une formation très polyvalente. »

Au bord du burn-out

« Au cours de ma carrière, j’ai connu deux périodes de graves difficultés. La première, c’était huit mois après la crise bancaire : nous étions en vacances de ski et je n’arrivais plus à suivre mes enfants. Mon corps était épuisé et j’étais au bord du burn-out. J’ai alors appris à dire non plus souvent et à gérer ma boîte mail de manière plus efficace, et j’ai suivi un cours de lecture rapide. J’ai ainsi libéré du temps pour moi, que j’ai utilisé pour dormir davantage et faire du sport. Ces deux choses m’ont permis de tenir le coup. »

Décès de ma mère

« Le deuxième moment de crise est arrivé de manière inattendue : le décès de ma mère. Cela a été un choc énorme pour moi. Je souffrais d’hypertension, j’étais hyper nerveux et j’avais une patience très limitée. Le conseil d’administration et mes collègues ont fait preuve de beaucoup de patience à mon égard. Dans d’autres circonstances, ils auraient pu me pousser à démissionner en tant que CEO, car je n’étais pas en mesure de travailler comme tel. Finalement, j’ai réussi à surmonter cette épreuve en écrivant mon deuxième livre. Un voyage de trois semaines en Afrique m’a également aidé à déconnecter complètement. Pas d’alcool, pas de cigares et pas d’internet. Là-bas, j’ai été confronté à moi-même. Et quand je suis rentré, j’étais à nouveau le Rudi d’avant. »

Approche différente

« J’étais là pour mes enfants quand il le fallait, mais j’étais aussi souvent absent. Mon petit-enfant me permet de compenser un peu. Bien sûr, si je pouvais recommencer, j’aimerais m’y prendre différemment. Mais honnêtement, je ne sais pas si j’y parviendrais. Ça demande en effet d’être extrêmement critique envers soi-même et d’oser dire non de manière très stricte. Il faut beaucoup de volonté et de discipline. Je ne peux pas affirmer que j’en serais capable. J’ai toujours été trop enclin à vouloir faire plaisir : je veux toujours bien faire pour tout le monde. Il ne faut pas aller trop loin sur cette voie. »
 

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