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L’augmentation constante du prix des quotas de carbone semble être une opportunité d’investissement à ne pas manquer, mais la tendance des prix est source de maux de tête. Les investisseurs qui souhaitent participer ne doivent pas être hostiles à un peu de risque».

Les entreprises de l’Union européenne qui émettent du CO₂ sont tenues d’acheter des droits d’émission dans le cadre du système dit de plafonnement et d’échange (SCEQE). Ce système permet à Bruxelles de mettre aux enchères 1,3 milliard de tonnes d’émissions de CO₂ par an afin d’encourager la transition vers les sources d’énergie renouvelables et d’inciter les entreprises à devenir plus durables.

Le plus grand système d’échange de quotas d’émission au monde, d’une valeur d’environ 751 milliards d’euros en 2022, réduit progressivement l’offre de quotas d’émission, dans le but de réduire les émissions de CO₂ à zéro d’ici à 2057. C’est pourquoi les investisseurs s’attendent à ce que le prix des émissions de CO₂ atteigne 295 euros en 2030 pour atteindre les objectifs climatiques de l’Europe. Ils s’appuient sur les estimations de la Banque centrale européenne (BCE) dans le cadre d’un test de résistance au changement climatique réalisé l’année dernière. Le prix d’un quota d’émission, c’est-à-dire le droit d’émettre une tonne de CO₂ dans l’Union européenne, oscille actuellement autour de 93 euros, après avoir brièvement franchi la barre des 100 euros en février.

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Droits d’émission physique

Max Spanjer, cofondateur de Greenstar Capital, investit dans les droits d’émission physiques pour le compte de clients à partir de 100 000 euros, en dehors de la supervision de l’AFM. Il croit en une augmentation du prix à 295 euros d’ici 2030, comme l’envisage la BCE, mais il estime que le marché est limité. L’augmentation du prix encourage le développement de technologies visant à réduire les émissions, mais c’est aussi le risque immédiat. Il se peut que l’investissement soit moins intéressant dans dix ans, car la principale hausse de prix aura eu lieu d’ici là.

Luke Oliver, gestionnaire du KraneShares European Carbon Allowance Strategy ETF, estime également qu’il y a un sentiment d’urgence, «tant du point de vue des investisseurs que de l’importance de l’action climatique». Il s’attend à ce qu’une tarification critique soit mise en place au cours des prochaines années. Je ne pense pas que le marché des émissions aura disparu ou sera moins pertinent dans dix ans.  

La fin du jeu

La littérature scientifique parle d’une «fin de partie». Les quotas d’émission sont progressivement supprimés dans l’UE, le plafond d’émission devant être ramené à zéro d’ici à 2040.

Selon Edwin Woerdman, professeur de marchés et de réglementation à l’université de Groningue, il est «extraordinairement complexe» de déterminer ce qui se passe lorsque les émissions autorisées deviennent nulles. Honnêtement, mes collègues et moi-même n’y parvenons pas tout à fait».  

Selon le document publié en février de cette année, The Emerging Endgame : The EU ETS on the Road Towards Climate Neutrality, il existe un consensus scientifique sur l’augmentation des prix à moyen terme. Cinq des six modèles aboutissent à une estimation comprise entre 130 et 160 euros par tonne de CO₂ en 2030. Cependant, les prévisions à court terme varient considérablement, avec une fourchette de 56 à 111 euros par quota en 2025.

Cette estimation me semble plausible», déclare M. Woerdman. D’autant plus que l’amende pour des émissions supérieures à celles autorisées est actuellement de 100 euros par tonne de CO₂, plus la correction de l’inflation. Elle passera ensuite rapidement à 130 euros en 2030. Outre le paiement d’une amende, les entreprises doivent compenser les réductions d’émissions non réalisées au cours de l’année à venir ; l’ensemble de ces coûts constitue en fait le plafond des prix sur le marché.

295 euros : un vœu pieux

Selon M. Woerdman, l’influence de la politique et de la législation est telle que des prix trop élevés pour les droits d’émission seront rejetés par les pays qui dépendent des industries polluantes. C’est là le plus grand risque».

M. Woerdman est rejoint par Johan Eyckmans, professeur d’économie de l’environnement à la KU Leuven. Il qualifie de «vœux pieux» les chances que la politique européenne autorise le niveau de prix de 295 euros visé par la BCE. Pour développer des technologies climatiques plus avancées, le prix des quotas d’émission doit augmenter au point que les industries à forte intensité de CO₂, telles que l’acier ou le ciment, ne soient plus rentables. Les États membres qui dépendent de ces industries ne l’accepteront pas. Les investisseurs qui veulent participer ne doivent donc pas être hostiles à un peu de risque».

M. Eyckmans estime que les investisseurs qui souhaitent investir dans les droits d’émission sont déjà «en retard». Une grande partie de l’innovation technologique pouvait déjà être réalisée de manière rentable lorsque le prix n’était que de quelques dizaines d’euros. C’était le fruit à portée de main».

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