Les discussions qui s’éternisent concernant les normes relatives aux exigences de liquidité dans le cadre de la nouvelle réglementation européenne sur les fonds d’investissement à long terme (ELTIF) retardent le lancement de nouveaux fonds. L’incertitude qui en résulte jette une ombre sur la collecte, car le marché adopte une attitude attentiste.
Selon Tim Boole, responsable Product Private Equity chez Schroders Capital, qui a lancé un fonds l’année dernière conformément aux règles ELTIF initiales de 2015, l’Europe risque de perdre un temps précieux dans la réforme du marché ELTIF si cette incertitude persiste. Lors d’un entretien avec Investment Officer, il met en garde contre les conséquences pour les investisseurs privés de l’UE, qui auraient ainsi moins de choix et d’accès aux fonds.
DLa mise à jour des ELTIF 2, visant à rendre l’investissement sur les marchés privés plus accessible aux investisseurs particuliers et fortunés, est officiellement entrée en application le 10 janvier. Cependant, la Commission européenne doit encore approuver les normes réglementaires et techniques (RTS de niveau 2) pour les ELTIF 2. « Je m’attendais à ce que tout se mette en place avec l’entrée en application le 10 janvier et à ce que nous puissions démarrer pleinement, déclare Tim Boole (photo). Ce report a toutefois engendré une grande incertitude. »
Les normes ELTIF, adoptées juste avant Noël par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), sont perçues comme un compromis entre les partisans d’une approche flexible et ceux favorables à des règles plus strictes. Des préoccupations ont été exprimées, en particulier dans les milieux juridiques luxembourgeois, au sujet d’une règle obligeant les investisseurs à respecter une période de rachat de 12 mois lorsqu’ils liquident leurs investissements.
Plusieurs grands gestionnaires d’actifs, dont BlackRock et Schroders Capital, avaient anticipé un régime ELTIF plus souple en 2024 et ont ainsi lancé de nouveaux fonds. Schroders, par exemple, a introduit le Schroders Capital Private Equity ELTIF 2023, avec un investissement initial minimum de 10 000 euros, ciblant les petites et moyennes entreprises européennes.
Cependant, la collecte a été entravée par les discussions prolongées et les points de vue divergents des autorités de régulation nationales en Europe, explique Tim Boole, ajoutant que cette incertitude a constitué un défi supplémentaire lorsqu’il s’agit d’attirer des flux.
Vents contraires supplémentaires
Les marchés réclament avec insistance une clarification de la réglementation ELTIF et, un an après le lancement, Tim Boole explique que le potentiel de collecte de fonds aurait pu être plus élevé s’il n’y avait pas eu d’incertitude concernant le régime ELTIF 2. « Le fait d’être présent sur le marché avec un ELTIF au moment où l’on discute des ELTIF 2 a représenté un vent contraire supplémentaire pour la collecte », affirme-t-il. De nombreux investisseurs ont indiqué apprécier la stratégie, mais souhaiter qu’elle soit plus flexible et plus conforme à la réglementation. »
Les discussions concernant le nouveau régime ELTIF ont donné aux investisseurs l’impression que le changement allait se produire très rapidement, explique Tim Boole. Mais au cours de l’année 2023, les banques privées ont adopté une attitude de plus en plus attentiste lorsqu’il est apparu clairement que les autorités de surveillance nationales européennes avaient des points de vue divergents concernant les normes de surveillance des ELTIF 2.
Dans ce contexte, la collecte pour les nouveaux ELTIF lancés en 2023 est devenue plus difficile, car l’AEMF peinait à trouver un consensus entre les autorités de régulation nationales. « J’ai l’impression que l’écart entre la position de l’AEMF et celle du reste du secteur est beaucoup plus important que ce que l’on pensait », déclare Tim Boole.
Tim Boole souligne la nécessité de rendre les instruments ELTIF simples et accessibles afin de stimuler les investisseurs et de leur offrir un accès aux marchés privés. Il met en garde contre le risque que des règles restrictives en matière des ELTIF puissent être contre-productives et favoriser une politique à deux vitesses : les investisseurs hors de l’UE pourraient alors bénéficier des avantages des marchés privés, alors que ce serait impossible pour les investisseurs de l’UE.