Avec l’émergence de robots-conseillers plus avancés, la distinction entre gestion discrétionnaire et conseil s’estompe de plus en plus, ce qui rend le conseil robotisé plus intéressant pour les banques privées traditionnelles offrant un haut niveau de service.
Tel est ce qu’affirme Ken van Eesbeek (photo) de Gambit Financial Solutions lors d’un entretien avec Investment Officer. Avec BNP Paribas Asset Management comme actionnaire majoritaire depuis décembre 2017, Gambit fournit la technologie de conseil robotisé à plusieurs banques et gestionnaires d’actifs.
Le robot devient un véritable conseiller
« Le conseil robotisé ne relève en principe pas du conseil, mais de la gestion discrétionnaire. Les robots-conseillers établissent un profil de risque à partir d’un questionnaire, qu’ils utilisent pour constituer un portefeuille standardisé, généralement composé d’ETF. Je pense qu’à l’avenir, nous nous dirigerons vers des portefeuilles plus personnalisés, le robot prenant en charge le travail qui est encore effectué par un conseiller physique. »
Selon Van Eesbeek, nous nous dirigeons vers un modèle offrant au client un plus grand pouvoir décisionnel. Autrement dit, un vrai conseil.
« Le rééquilibrage d’un portefeuille suite à l’évolution de certains marchés en est un exemple. Pour l’instant, cette opération se déroule encore automatiquement : les clients reçoivent une notification, mais ne peuvent pas agir eux-mêmes. Nous travaillons actuellement à une fonctionnalité avec laquelle le client doit fournir une validation en cas de rééquilibrage du portefeuille. Du point de vue de Mifid, il s’agit d’un conseil, qui doit donc être payé séparément. »
Selon Van Eesbeek, ces personnalisations supplémentaires rendent les robots-conseillers plus attrayants pour les banques privées et les petits gestionnaires d’actifs, qui n’ont actuellement presque jamais recours aux conseils robotisés.
B2B ou B2C ?
« Les grandes banques sont nos clients naturels. Ce sont des acteurs qui développent beaucoup de choses en interne. » Le cœur de métier de Gambit réside principalement dans le développement de la technologie à destination des banques et gestionnaires d’actifs. « Nous fournissons un algorithme à la banque, qui ajoute ensuite elle-même ses propres produits ainsi que les paramètres permettant de définir le rendement et le risque. »
« La plupart des robots-conseillers sont généralement des plates-formes B2C et font maintenant leurs débuts en version B2B, plus facile à faire évoluer qu’une plate-forme B2C. Mais nous avons justement effectué le mouvement inverse, et n’avons lancé que plus tard un conseiller B2C [voir encadré] », explique Van Eesbeek.
Gambit considère ce conseiller B2C, appelé Birdee, comme un ‘laboratoire’ permettant d’acquérir une expérience directe dans le service aux clients retail. L’idée est que les clients les plus importants de l’entreprise (banques et gestionnaires d’actifs) puissent ainsi être mieux servis au bout du compte.
International
Van Eesbeek, chief business development chez Gambit, s’est rendu aux Pays-Bas la semaine dernière, mais a déclaré qu’il n’avait « aucun plan concret à court terme » en vue d’une activité aux Pays-Bas en tant que plateforme retail.
Les clients de Gambit sont provisoirement avant tout de grandes banques en Belgique (Beobank et AXA Bank) et en France (Groupe BPCE). « Il s’agit de banques disposant d’un réseau relativement important de conseillers, qui utilisent notre technologie pour créer des profils de risque pour les clients, analyser leur situation financière et leur fournir sur cette base un conseil approprié. »
Commissions de distribution
Ces banques versent des frais de licence annuels à Gambit, qu’elles répercutent sur leurs clients. Cela peut se faire par le biais d’une commission de gestion fixe, mais en Belgique et en France, cela se fait encore généralement par le biais de commissions de distribution. Contrairement à ce qui est le cas aux Pays-Bas, celles-ci y sont encore autorisées pour le conseil non indépendant.
Van Eesbeek : « Par exemple, Beobank ne facture pas directement les clients pour le conseil, mais via les frais du fonds. »
Selon Van Eesbeek, l’interdiction de commission telle qu’elle est en vigueur aux Pays-Bas devrait, en principe, parler en faveur des conseillers-robots. En l’absence de commissions de distribution, les frais de conseil doivent en effet être imputés directement au client. C’est souvent le cas aujourd’hui pour les conseillers-robots en Europe.
« Pour les gestionnaires d’actifs, c’est une incitation à mieux prouver à un client pourquoi il doit payer pour un conseil, et donc un argument de poids en faveur de la digitalisation. »
CADRE
Gambit Financial Solutions a été fondée en 2007 par un groupe de scientifiques de l’Université de Liège. Dès le début, elle s’est concentrée sur la conception de logiciels de gestion du risque et d’optimisation de portefeuille à destination des institutions financières. Depuis 2016, la société est également au service de clients retail avec Birdee, une solution de robot-conseiller basée au Luxembourg. En décembre 2017, BNP Paribas Asset Management a acquis une participation dans Gambit, dont les clients sont établis en Belgique et au Luxembourg ainsi qu’en France et en Suisse. Le siège se trouve toujours à Liège.