Filmproduktie. Foto via Unsplash.
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Les fonds luxembourgeois sont de plus en plus utilisés comme véhicules pour financer des productions cinématographiques internationales indépendantes. Le Take Two Fund, géré par Align Group, basé à Los Angeles, utilise ainsi le Grand-Duché pour soutenir un portefeuille diversifié de projets cinématographiques. De même, à Chypre, des structures RAIF sont désormais employées comme véhicules de financement de films.

PolitowskiLe Take Two Fund est un fonds fermé géré par Align, dont Adrian Politowski est président exécutif et cofondateur. Son encours, selon la société, est de 32 millions d’euros, avec un objectif de 50 millions d’euros pour la levée de fonds en cours.

Take Two est l’une des nombreuses sociétés de financement de films structurées sous la forme d’un fonds luxembourgeois. Le fonds a été enregistré en mars 2022 et fonctionnera en tant que fonds fermé pendant quatre ans, suivis de deux ans de distribution. Le fonds cinématographique relève de la structure Take One Fund SCA SICAV-RAIF, avec Funds Avenue comme société sous supervision luxembourgeoise. Jusqu’à présent, il a distribué quatre millions d’euros aux investisseurs et dispose d’un portefeuille de prêts diversifié.

« Lorsque nous avons examiné le paysage, la structuration au Luxembourg en tant que RAIF s’est imposée comme une évidence », explique Adrian Politowski à Investment Officer. « Un des avantages du Luxembourg est qu’il offre une expertise et une compréhension des classes d’actifs alternatives, ce qui facilite nos activités de financement de films à partir de ce pays. »

Netflix accélère la croissance

« Le raisonnement sous-jacent est le suivant : lorsqu’un secteur connaît une croissance rapide et que celle-ci est catalysée par l’essor de plateformes de streaming comme Netflix, la croissance s’accélère », explique Adrian Politowski.

Le prédécesseur de Take Two, Take One, a levé 42 millions d’euros entre 2018 et 2020 via la structure luxembourgeoise RAIF. En 2023, Take One a sorti des films tels que 10 Lives, un film d’animation sur un chat gâté nommé Beckett, et Le Fantôme de Canterville, un film d’animation « fantastique ».

Le fonds offrait « une forte protection contre les baisses, malgré la pire période de l’histoire du secteur ». Environ 70 % des investisseurs de Take One sont aujourd’hui investis dans Take Two.

Encore actif

Take One est encore en phase de distribution et reste opérationnel malgré le lancement de Take Two. « Bien que nous ayons traversé la pire période de l’histoire du secteur, nous avons une valeur nette d’inventaire positive et le rendement attendu devrait être positif pour les investisseurs », déclare Adrian Politowski.

Dans une présentation à Investment Officer, la société a rapporté un distritution to paid-in capital (DPI) de 51 %. Ce ratio, également appelé multiple de réalisation, indique le montant qu’un fonds de capital-investissement a reversé à ses investisseurs par rapport à leur investissement initial.

Take One était l’un des RAIF précédemment gérés par Fuchs Asset Management, qui a fait faillite en 2023. Les fonds pour lesquels cette société agissait en tant que GFIA (Gestionnaire de Fonds d’Investissement Alternatifs) relèvent maintenant de Funds Avenue.

Subsides et avantages fiscaux

« Les projets proviennent des États-Unis, de l’UE, du Royaume-Uni et de l’Australie, mais ils peuvent être tournés ou financés dans de nombreux pays, souvent là où des subsides et des avantages fiscaux sont disponibles », ajoute Adrian Politowski. « Le Luxembourg offre un financement subventionné pour les projets », déclare-t-il en évoquant Film Fund Luxembourg, une agence gouvernementale de financement du cinéma.

Parmi les autres acteurs présents au Luxembourg, on trouve notamment la société française BAC Films, liée à Cinéma S.C.A, et SICAV-RAIF, un autre fonds d’investissement alternatif à capital variable créé en 2022. Les tentatives d’Investment Officer pour joindre les différents responsables de ces entités ont été infructueuses.

Numérique et classique

Dans son rapport annuel 2022, BAC Films explique que « BAC finance des films adaptés à la fois aux salles de cinéma et aux plateformes. Beaucoup de nos films sortent de manière classique ou sont directement exploités en numérique, et la plupart sont diffusés en salles, sur des chaînes TV payantes ainsi que sur des plateformes. »

La société a rapporté un « résultat film » de 1 054 688 euros, soit une hausse de 116 % par rapport à 2021. Le chiffre d’affaires pour 2022 s’élevait à 8,5 millions d’euros, une nette progression par rapport aux 3,4 millions de l’année précédente. L’entreprise note que son chiffre d’affaires reste inférieur aux 9,4 millions de 2019, avant la crise du Covid.

Grâce à son véhicule RAIF, BAC Films a notamment financé en 2022 la production de films tels que Triangle of Sadness, qui a remporté la Palme d’Or à Cannes.

Approche structurée

Adrian Politowski explique que Take Two est le deuxième millésime de sa société. Le Take One Fund s’est moins bien comporté en raison de la pandémie. « Il est vraiment né des opportunités que nous avons perçues pour fournir des prêts et des investissements de manière très structurée dans le secteur », explique-t-il.

Actif dans le financement de films depuis deux décennies, Adrian Politowski a levé avec ses collègues environ 650 millions d’euros et produit plus de 450 films.

Lauréats des Oscars

Parmi ces films figurent The Artist, qui a remporté cinq Oscars, La Famille Bélier, qui en a remporté trois, ainsi que John Wick, L’amie prodigieuse, Mandy et En eaux troubles.

De grands studios financent leurs productions, comme les films de super-héros et les franchises de plus de 100 millions de dollars. Selon Align, la plupart des projets cinématographiques sont indépendants et nécessitent un financement externe. Environ 80 % des films ayant remporté l’Oscar du Meilleur film sont des productions indépendantes.

« Une certaine niche »

Adrian Politowski décrit le secteur du cinéma et de la télévision indépendants comme étant « une certaine niche ».

« Il est plus difficile d’industrialiser le processus comme le ferait une banque dans d’autres secteurs », explique-t-il. « Cela crée un environnement très intéressant, avec une forte demande et peu d’autres financements disponibles pour un fonds médiatique comme le nôtre. »

Bien que la production cinématographique ne soit pas corrélée aux marchés traditionnels, il est clair qu’elle est intrinsèquement risquée. « Nous nous concentrons sur les senior trends, c’est-à-dire sur le financement qui se situe dans le spectre beaucoup moins risqué. »

Take Two vise un taux de rendement interne (TRI) de 12 % pour ses investisseurs, déclaré Adrian Politowski. Pour les investissements plus sûrs, le taux s’élève à 11 à 13 %, tandis que les investissements plus risqués rapportent environ 20 % par an.

Gestion des risques

« Le cœur de notre stratégie consiste à de ne prendre aucun risque sur la performance finale du film », explique Adrian Politowski, qui illustre son propos par deux productions récentes. Le premier long métrage produit par Take Two Fund après la pandémie était Mes rendez-vous avec Leo, avec Emma Thompson dans le rôle principal : un petit projet, avec un très bon rapport risque-rendement et une équipe de production performante, selon les dires du président.

Paws of Fury

Un autre projet récent d’Align est le film d’animation Paws of Fury. Il s’agissait d’un grand projet, avec des acteurs connus comme Samuel Jackson et Ricky Gervais, mais il n’a connu qu’un succès modeste.

Pour Adrian Politowski, il convient toutefois d’étudier le rendement des films : « di nous regardons le rendement que nous avons obtenu grâce à la composante dette, il était légèrement supérieur à 15 % ». Le film Paws of Fury, qui a connu un succès beaucoup plus mitigé, a obtenu un TRI d’environ 16 %. « La performance est donc très similaire. »

Facile à structurer

« Notre approche offre les avantages d’un écosystème qui rend très faciles la structuration d’un plan et l’intégration des bons partenaires autour de celui-ci », ajoute-t-il.

Edouard Nouvellon, Managing Director d’Align Group, explique qu’après la pandémie, la société a négocié un equity kicker en raison d’une forte demande. Il s’agit d’une incitation en actions, par laquelle le prêteur accorde un crédit à un taux d’intérêt inférieur en échange d’une prise de participation dans l’entreprise emprunteuse.

« C’est la seule manière pour un family office d’investir dans ce type de produits », explique Edouard Nouvellon, faisant référence à l’approche très structurée, avec une structure d’investissement commune pour chaque film.

Les RAIF chypriotes également utilisés pour le financement de films

L’intérêt pour l’utilisation de structures de fonds telles que les RAIF luxembourgeois se retrouve ailleurs en Europe. Ainsi, un GFIA (gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs) basé à Chypre a utilisé un RAIF local pour le financement de productions cinématographiques.

Eleon Capital Management a créé le Cordelia Cinema Fund, conforme à la version chypriote de la réglementation européenne sur les fonds, en tant que sous-fonds RAIF de son RAIF local OneWorld. La Cyprus Securities and Exchange Commission supervise le fonds. Chypre étant membre de l’UE, le fonds peut proposer ses fonds dans toute l’UE en vertu de la législation sur la distribution transfrontalière des fonds.

Coûts réduits

Selon Marina Kassianides, le centre de fonds chypriote offre une réduction intéressante par rapport aux frais relativement élevés au Luxembourg.

Le fonds Cordelia a été créé après qu’Eleon a été contacté par Varcale Entertainment, a déclaré Marina Kassianides, directrice d’Eleon Capital. Les propriétaires de Varcale ont une expérience dans le domaine du cinéma et du financement de productions cinématographiques.

Pas encore mainstream

Marina Kassianides considère les structures de fonds comme un moyen de protéger les industries alternatives telles que le financement de films, mais ajoute que cette approche n’est pas encore mainstream.

« Nous sommes quasiment en train d’intégrer un secteur encore non réglementé dans une approche structurée offrant l’environnement parfait pour le réglementer et le contrôler pleinement, avec une structure qui doit être à toute épreuve », déclare Marina Kassianides.

La version originale de cet article est parue sur InvestmentOfficer.lu.

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