Selon un rapport sur la compétitivité du secteur financier européen réalisé par l’OMFIF en collaboration avec Luxembourg For Finance, la part de marché mondiale du secteur financier européen a considérablement diminué au cours des 15 dernières années, en particulier dans le domaine de la gestion de patrimoine.
Afin d’éviter un nouveau déclin, les auteurs du rapport soulignent que l’Europe doit parvenir à une base d’investisseurs plus diversifiée et plus avancée, en particulier sur le marché de détail. À cet égard, l’éducation financière et les réformes des pensions peuvent contribuer de manière significative à la croissance des fonds d’investissement européens. « Le marché des investisseurs de détail en Europe est relativement petit et sous-développé, ce qui a également contribué à la stagnation actuelle des gestionnaires de patrimoine européens », notent les auteurs.
La part de l’Europe dans le top 100 des gestionnaires de patrimoine mondiaux est passée de 47,1 % en 2007 à 21,9 % en 2022. Seuls trois des vingt plus grands gestionnaires d’actifs au niveau mondial et trois des vingt plus grandes banques en termes de capitalisation boursière sont basés sur le Vieux Continent.
Le Forum Officiel des Institutions Monétaires et Financières (Official Monetary and Financial Institutions Forum ou OMFIF), un groupe de réflexion indépendant basé à Londres se consacrant à la politique monétaire, économique et aux investissements publics, a réalisé ce rapport en collaboration avec Luxembourg For Finance, une agence gouvernementale chargée de promouvoir le secteur financier.
« À la traîne »
Clive Horwood, directeur général adjoint de l’OMFIF, souligne l’écart croissant entre l’Europe et les États-Unis depuis la crise financière de 2008. Les gestionnaires de fonds américains dominent désormais le marché mondial avec une part de plus de 70 %, contre 22 % pour l’Europe. « L’Europe a pris beaucoup de retard sur les États-Unis depuis la crise financière mondiale », déclare-t-il en avant-propos.
Nicolas Mackel, CEO de Luxembourg For Finance, considère ce rapport comme une référence pour la politique future en matière de services financiers en Europe. Il souligne l’importance d’efforts conjoints pour surmonter la fragmentation des marchés financiers européens, notamment en achevant enfin les projets d’union des marchés de capitaux et d’union bancaire.
Le rapport attribue le recul des services financiers en Europe à des facteurs tels que la faible croissance économique, la fragmentation, la réglementation excessive et la participation modérée des investisseurs particuliers. Selon le rapport, l’achèvement de l’union des marchés de capitaux peut remédier à la fragmentation, mais la préférence des investisseurs pour leur propre pays restera longtemps un obstacle.
Le rapport compare les habitudes d’investissement des ménages européens et américains et constate d’importantes différences. Les données de l’OCDE indiquent qu’en 2022, seuls 13 % des actifs financiers des ménages américains étaient détenus sous forme de devises et de dépôts, contre une moyenne de 38 % pour l’Europe. Selon les données de l’European Capital Markets Institute, les fonds d’investissement et les actions représentaient 30 % des actifs financiers des ménages de l’UE, contre 47 % aux États-Unis.
Facteurs culturels
Le rapport évoque également des facteurs culturels pour expliquer en partie cette différence : les États-Unis affichent une culture entrepreneuriale plus développée, et le risque est davantage encouragé qu’en Europe, ce qui se traduit par des investissements plus diversifiés. Par ailleurs, les investisseurs asiatiques ont le potentiel de dépasser l’Europe en raison de leur meilleure adoption de la numérisation.
Cependant, le rapport souligne que les fonds européens ont un avantage en matière de finance durable, grâce aux cadres et aux normes de l’UE tels que ceux définis dans le règlement sur la divulgation en matière de finance durable (SFDR). « Le leadership européen en matière de normes et de réglementation ESG confère aux gestionnaires d’actifs européens un avantage pour introduire des innovations et les développer à l’échelle mondiale », indique le rapport OMFIF-LFF.
En outre, l’Europe a l’opportunité de jouer un rôle prépondérant en ce qui concerne les monnaies numériques des banques centrales, la technologie des registres distribués et l’intelligence artificielle. Un cadre holistique et clair pour l’Europe peut être « fructueux » s’il parvient à trouver un équilibre entre clarté réglementaire et promotion des nouvelles technologies, indique l’étude.
« Stimuler les marchés financiers européens de cette manière aurait des retombées positives pour les gestionnaires de patrimoine. Le défi consiste à trouver un équilibre entre promouvoir la sécurité et la résilience sans étouffer l’innovation », concluent les auteurs.