Hans Dieperink
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Il y a un an, 85 % des économistes prédisaient une récession pour 2023. Elle n’a finalement pas eu lieu. 

Cependant, sur la base du consensus des économistes, de nombreux employeurs s’étaient préparés en conséquence, réduisant déjà leurs coûts et procédant même à des licenciements. Ils se préparaient à la récession la plus annoncée de l’histoire – laquelle, en fin de compte, ne s’est jamais produite. Tous ces économistes ont accès à des informations difficilement accessibles au grand public. Ils sont souvent très compétents dans le traitement des données et des statistiques. De plus, ils ont un penchant pour les réunions et siègent dans une pléthore de commissions et comités consultatifs. Pourtant, ils se trompent fréquemment. 

Leur incapacité récurrente à prédire correctement une récession est devenue un lieu commun, mais ils commettent également des erreurs flagrantes dans leurs prévisions inflationnistes. L’année dernière, ils ont même déclenché une crise bancaire car de nombreuses banques régionales croyaient que les taux d’intérêt resteraient bas plus longtemps. Ces banques ont acheté des obligations d’État à long terme financées par des dépôts à court terme. Lorsque les taux d’intérêt sur ces dépôts se sont mis à augmenter rapidement, la valeur des obligations à long terme a chuté et, en un rien de temps, le capital des banques a disparu en fumée. 

Auraient-ils pu prévoir qu’en dépit des guerres, de la volatilité des prix, de l’accès historiquement difficile au logement, de l’incertitude des marchés et du retard des salaires sur l’inflation, les consommateurs américains continueraient à dépenser des sommes historiquement élevées ? L’atterrissage en douceur qui en a résulté était pour de nombreux économistes un scénario inimaginable. Peut-être pensaient-ils la patience est une vertu, mais dans le monde de l’économie, il s’agit d’argent réel. À chaque fois, il est apparu que leur réflexion était erronée. C’est une leçon essentielle pour les investisseurs : veiller à bien réfléchir. En effet, les marchés financiers sont impitoyables. Certains économistes continuent malgré tout de conseiller, voire de diriger une banque centrale, accumulant les erreurs jusqu’à ce que leur crédibilité soit remise en question. Toutes ces erreurs nuisent à l’économie et impactent même les marchés boursiers.

De par ces erreurs persistantes, les économistes se révèlent souvent être d’excellents indicateurs contraires. Dans les années 90, un économiste actif dans un bureau d’études indépendant d’une banque (ce qui est en soi un oxymore) avait réussi en se trompant à timer à plusieurs reprises les hauts et les bas du marché. Lorsque le marché était au plus bas, il avait conseillé de vendre les actions et d’acheter des obligations à long terme. Un an plus tard, la majorité des investissements dans ces obligations s’étaient évaporés et il conseillait de réinvestir au sommet du marché, juste avant une correction inévitable.

Lorsqu’on prédit une récession, elle ne se produit généralement pas. Il s’agit là aussi d’une information précieuse. Après l’échec de 2023, les économistes sont devenus subitement plus prudents dans leurs prévisions pour cette année. Ils essaient de se couvrir en envisageant les deux scénarios. La première moitié de l’année sera difficile, avec une légère récession possible, tandis que la seconde sera marquée par une expansion économique, une baisse de l’inflation et, finalement, une baisse des taux d’intérêt. En somme, l’année 2024 s’annonce à double facette. Sur le marché boursier, de telles prévisions ne fonctionnent jamais. Quiconque prétend que le marché boursier va d’abord baisser, puis remonter, devrait directement acheter des actions. En effet, le marché boursier anticipe généralement les tendances avec six mois d’avance. 

La Bourse semble parfois conçue pour tromper le plus grand nombre (ou plutôt, d’économistes). L’erreur fréquente des économistes est d’oublier que les marchés financiers ont tendance à intégrer les évolutions futures dans leurs prix. Investir est en réalité plus simple, car l’investisseur doit seulement déterminer ce qui est déjà pris en compte dans le cours. Quand la très grande majorité des économistes est pessimiste, il est temps d’adopter une vision plus optimiste. 

Cette année, les économistes ont trouvé une cible qu’ils jugent facile et qui leur est favorable en termes d’attention médiatique. Malgré leur prudence dans leurs prévisions économiques, ils se sont montrés beaucoup plus catégoriques concernant le phénomène des Sept Magnifiques. Presque unanimement, ils se sont accordés à dire qu’il s’agissait d’une bulle et ont appelé à la plus grande prudence. Les conséquences sont faciles à deviner. Emmenés par Nvidia, les Sept Magnifiques caracolent déjà en tête cette année. En effet, les économistes qui regardent toujours en arrière voient un ratio cours/bénéfice de 80, tandis que ceux qui sont tournés vers l’avenir voient un ratio cours/bénéfice de 23 pour cette année, ce qui n’est pas vraiment un niveau caractéristique d’une bulle. 

Les économistes pourraient beaucoup apprendre de John Maynard Keynes. Bien que célèbre, ce dernier n’était pas un très bon économiste (je préfère l’école autrichienne), mais un bon investisseur. Lorsque John Keynes ne parvenait pas à expliquer quelque chose, il se référait aux « esprits animaux », reconnaissant ainsi l’importance la narration (l’« histoire »), encore plus prégnante en Bourse qu’en économie. Quitte à se plonger dans les livres, les économistes pourraient se pencher sur l’ouvrage de Charles P. Kindleberger, qui détaille les ingrédients nécessaires à la création d’une hype : changement de paradigme, promesse dans un avenir lointain, élargissement du groupe d’investisseurs et abondance de liquidités. Ces bulles ont une fonction bénéfique dans le capitalisme, car elles permettent une concentration des ressources financières sur la nouvelle innovation, accélérant ainsi sa mise en œuvre. Aujourd’hui, cette innovation se nomme intelligence artificielle et promet de bouleverser la productivité mondiale. Pour de nombreux économistes, un défi d’ores et déjà complexe à résoudre.
 

Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank en Schretlen & Co.

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