Par le passé, la forme de la courbe des taux d’intérêts américains a toujours été un bon indicateur d’une récession imminente aux États-Unis. L’expansion économique américaine actuelle semble battre le record du plus long cycle, qui avait précédé l’éclatement de la bulle Internet. Plus le cycle est long, plus sa fin est proche.
Tel est ce que déclare Mathias Van der Jeugt, économiste de KBC, lors de son entretien avec Investment Officer. Il a effectué l’analyse avec son collègue tchèque Jan Cermák. « Selon les économistes, une forme inversée de la courbe, avec des rendements à court terme (deux ans) dépassant le niveau des rendements à long terme (dix ans), a correctement prédit les sept récessions américaines précédentes ; la dernière fausse alerte remonte à 1967 », déclare Van der Jeugt.
Record battu ?
L’expansion économique américaine actuelle dure depuis 107 mois. Selon l’économiste, il s’agit du deuxième cycle le plus long depuis 1885. La relance budgétaire tardive du président Trump renforce la probabilité que le record précédent soit battu. Ce précédent record est celui du cycle de 10 ans qui avait commencé dans les années 90 et avait finalement abouti à la bulle Internet des années 2000.
Selon Van der Jeugt, tant l’an dernier que cette année, les investisseurs ont sous-estimé le rythme du cycle de resserrement de la Fed. D’où, selon l’économiste, la hausse rapide des taux d’intérêt à 2 ans. La Banque centrale américaine a atteint son double objectif d’emploi maximal et de stabilité des prix et poursuit la normalisation de sa politique.
« La hausse du taux d’intérêt à 10 ans a été nettement plus lente. Le fait que la Fed a déjà revu à plusieurs reprises sa prévision du taux d’intérêt neutre à la baisse (à 2,875%) agit comme une sorte de plafond et peut également être le signe d’une croissance de la productivité plus faible qu’avant la crise financière. Récemment, l’inquiétante escalade du conflit commercial international, qui peut peser sur la consommation et l’investissement, a suscité une agitation supplémentaire. »
Sous-estimation du risque de récession
Selon l’économiste, la politique fiscalement stimulante du président américain Trump poussera les États-Unis vers des déficits budgétaires de 5 % du PIB et plus dans les années à venir. Selon lui, cette augmentation du besoin de financement, et donc l’augmentation des obligations d’État américaines, arrive à un mauvais moment ; en effet, la banque centrale américaine réduit son bilan.
« À compter du quatrième trimestre de cette année, elle cessera de refinancer les obligations d’État à l’échéance à un rythme de 50 milliards de dollars d’obligations d’État. À l’heure actuelle, il s’agit de 30 milliards de dollars par mois. Ce portefeuille obligataire a été constitué par la Fed au lendemain de la crise dans le cadre de son programme d’assouplissement monétaire quantitatif. Un deuxième grand acheteur d’obligations d’État américaines, la Chine, menace également de réduire ses achats, voire même de les arrêter, en guise de mesure de rétorsion dans la guerre commerciale. »
Selon Van der Jeugt, la baisse de la demande et l’augmentation de l’offre pourraient entraîner une hausse des taux d’intérêt américains à long terme en raison d’une prime de risque de crédit plus élevée. « Si la hausse des taux d’intérêt à long terme n’est plus causée par des perspectives positives de croissance et d’inflation, elle pourrait fausser le spread 10y-2y et peut-être sous-estimer le scénario de récession dans le modèle économique, ce à quoi les investisseurs et les décideurs politiques doivent être attentifs. »
Les économistes de KBC affirment que selon le modèle économique actuel (avec un US Treasury 10y-2y spread de 20 points de base d’ici la fin de l’année), une probabilité de récession de 19 % est attendue d’ici la mi-2020. Dans le cas d’une courbe de taux d’intérêt plate, cette probabilité est de 34 %.
Van der Jeugt : « Selon notre modèle, un US Treasury 10y-2y spread légèrement négatif de -16 points de base un an et demi plus tard indique déjà une probabilité de récession de 51 %. Si la courbe des taux d’intérêt devait s’inverser à la mi-2019, cela signifierait qu’une récession économique américaine vers la fin 2020 serait tout sauf un scénario impossible. »
L’analyse complète est disponible ici :