Maria Luis Albuquerque
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Les fédérations sectorielles EFAMA et Insurance Europe s’opposent à la réglementation supplémentaire que l’Europe envisage de mettre en place. La vague de déréglementation initiée aux États-Unis sous la présidence de Donald Trump influence également l’état d’esprit du Vieux Continent. 

Les régulateurs financiers manifestent une certaine préoccupation à l’égard des institutions financières dites non bancaires, ou IFNB. En tant que sources de financement ou prêteurs aux entreprises, ces acteurs constituent une alternative aux banques de plus en plus prisée, tout en échappant aux règles strictes qui s’appliquent à ces dernières. Les IFNB regroupent un large éventail de secteurs, allant des assureurs aux gestionnaires d’actifs en passant par les fonds de pension, les family offices et les sociétés de capital-investissement.

« Même risque, même réglementation »

« L’importance des IFNB ne fera que croître dans les années à venir, au sein de l’Union des marchés de capitaux que l’UE souhaite mettre en place. Dans un scénario idéal, ces acteurs joueraient un rôle complémentaire à celui des banques et contribueraient à renforcer la stabilité financière. Cependant, leur interconnexion avec d’autres acteurs financiers, combinée à leur transparence moindre, engendre des risques macroprudentiels », a averti Francesco Mazzaferro, chef du secrétariat du CERS (Comité européen du risque systémique), lors d’un congrès à Bruxelles en début de semaine.

« Le principe de base devrait être le suivant : Même activité et même risque ? Alors, même réglementation. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Par exemple, les exigences de liquidités imposées aux banques diffèrent de celles qui s’appliquent aux assureurs. »
L’Italien appelle ainsi à « démystifier ces inconnus bien connus » en exigeant davantage de transparence de la part des IFNB, notamment en matière de liquidités. « Nous devrions envisager des obligations de reporting allant au-delà du cadre actuel », a-t-il déclaré en se référant spécifiquement au secteur de la gestion d’actifs.

Le CERS, chargé de veiller à la stabilité du système financier en Europe, préconise également un renforcement des exigences de liquidité pour les fonds du marché monétaire (FMM), ces véhicules d’investissement très prisés qui permettent aux entreprises de placer leurs réserves à court terme. « Nous devons veiller à ce que les FMM soient capables de faire face à des conditions de marché difficiles », a déclaré Francesco Mazzaferro.

L’essor des IFNB et les risques macroéconomiques potentiels figurent également sur le radar de la Commission européenne. Un important cycle de consultations réunissant régulateurs, gouvernements et acteurs du secteur financier vient tout juste de s’achever. Reste maintenant à voir quelles conclusions politiques Maria Luis Albuquerque, la nouvelle commissaire européenne aux Services financiers et à l’Union de l’épargne et de l’investissement, en tirera.

Opposition

Lors du congrès à Bruxelles, organisé conjointement par le Forum financier belge et la plateforme européenne SUERF, les organisations sectorielles européennes concernées ont déjà exprimé une vive opposition à l’idée d’une éventuelle réglementation supplémentaire.

« Nous trouvons la définition négative – « non bancaire » – très étrange. Une NBFI, cela n’existe pas. Les secteurs concernés ont chacun leur spécificité et doivent être abordés comme tels par les régulateurs », a déclaré Thea Utoft Høj Jensen, la nouvelle directrice générale d’Insurance Europe.

Le secteur de l’assurance estime que le cadre réglementaire spécifique à son domaine, Solvabilité II, est déjà suffisamment contraignant et qu’il n’est pas nécessaire d’y ajouter une réglementation générale applicable aux IFNB. « Le risque de liquidité dans le secteur de l’assurance est déjà sous surveillance et constitue rarement un problème, grâce au modèle économique spécifique aux assurances », a argumenté Thea Utoft Høj Jensen.

L’EFAMA, la Fédération européenne de l’Asset Management, partage le même point de vue. « Les gestionnaires d’actifs ne sont pas des concurrents des banques, mais travaillent de manière complémentaire et sont très différents. Il existe déjà suffisamment de réglementations pour contrer les risques systémiques. Mettons la réglementation on hold », a déclaré Federico Cupelli, directeur de la politique réglementaire à l’EFAMA.

Et si les décideurs politiques souhaitent néanmoins introduire une réglementation supplémentaire, Federico Cupelli suggère de s’inspirer de l’approche britannique du SWES (system-wide exploratory scenario). « Cette approche se concentre uniquement sur l’impact des IFNB réellement critiques et implique de nombreuses interactions et discussions avec les secteurs et entreprises concernés. » Il ne s’agit donc pas d’une approche top-down lourde, mais d’une approche bottom-up flexible. »

Matti Leppälä, de PensionsEurope, a souligné, à l’instar de ses collègues des autres secteurs financiers, que le secteur des fonds de pension est déjà écrasé par une réglementation trop lourde. « Nous devons rédiger des rapports que vraiment personne ne lit. Nobody cares. Passer à un système harmonisé au niveau de l’UE serait également une mauvaise idée. En ce qui concerne les fonds de pension, les règles nationales fonctionnent bien. »

L’ombre de Trump

Les tensions entre les régulateurs européens et le secteur financier sont exacerbées par la vague de déréglementation initiée par le nouveau président américain Donald Trump. Un exemple révélateur : Travis Hill, le nouveau président de l’agence FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation), a placé la déréglementation tout en haut de sa liste de priorités. Il veut passer au crible « toutes les réglementations, directives et guides ».

ELes institutions financières européennes craignent que les coûts élevés liés à la réglementation européenne ne les placent dans une position concurrentielle désavantageuse. Cependant, Federico Cupelli (EFAMA) estime que « l’état d’esprit commence à évoluer vers une déréglementation en Europe également, et ce, avant même l’arrivée de Donald Trump ». Il cite en exemple les assouplissements concernant les fonds européens d’investissement à long terme  (ELTIF).

Jean-Paul Servais, président de l’OICV, l’Organisation internationale des commissions de valeurs, a reconnu lors du congrès que si de nouvelles réglementations devaient être introduites, d’autres devraient disparaître, « afin de réduire la charge nette de reporting pour les acteurs financiers ».

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