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Les investissements dans la défense sont-ils compatibles avec les principes de l’investissement durable ? Lors d’une conférence à Bruxelles, les réponses allaient de « peut-être » à un « non » catégorique.

L’organisation qui se cache derrière le label belge de durabilité Towards Sustainability a organisé mercredi un débat sur l’un des sujets brûlants du secteur des fonds : les investissements dans la défense sont-ils compatibles avec les critères de durabilité ESG (écologie, social, gouvernance) ? 

En réponse à l’invasion russe de l’Ukraine, la Commission européenne a fait de l’investissement dans la défense l’une de ses principales priorités, d’autant plus que l’alliance de l’Otan avec les États-Unis a été mise sous pression à l’ère Trump II. Mais les gouvernements européens étant à court d’argent, la Commission espère que les investisseurs privés se lanceront eux aussi dans l’aventure de la défense.

Ce financement supplémentaire peut-il être obtenu par le biais de fonds durables ? Selon Pablo Fernandez-Cras, chargé de mission à la Commission européenne, la réglementation européenne en matière d’ESG n’exclut aucun secteur par définition, pas même celui de la défense. Il a souligné que certains textes européens affirment que les investissements dans la défense promeuvent la paix et donc la durabilité sociale, ce qui pourrait ouvrir la voie à l’inclusion des actions de défense dans les fonds ESG.

Ne cause pas de préjudice important

Mais Wim Van Hyfte, responsable des investissements ESG chez Candriam, voit les choses différemment. Pour lui, les actions de défense n’ont pas leur place dans les fonds ESG pour des raisons de principe. « Les investissements durables reposent sur des principes fondamentaux. L’un des plus importants dans le cadre européen est le principe de l’absence de préjudice important. Il semble difficile pour les entreprises de défense de se conformer à ce principe. »

Son deuxième contre-argument est le manque de transparence dans le secteur de la défense, qui va également à l’encontre de la philosophie de l’investissement durable. « Le secteur de la défense est notoirement opaque. Par exemple, sur la question de savoir quelle partie est le client final des armes, ou en termes de gouvernance. »

Jürgen Verschaeve, directeur des investissements de KBC Asset Management, considère lui aussi qu’il s’agit d’un obstacle majeur.

« Par nature, le secteur de la défense ne sera jamais aussi transparent que n’importe quel autre secteur », a déclaré Jan Pie, secrétaire de l’ASD, qui regroupe les entreprises européennes du secteur de la défense. Il va de soi, par exemple, que les gouvernements veulent garder secrètes certaines technologies militaires.

Mais l’ASD se dit ouverte au dialogue pour que les entreprises de défense qui le souhaitent puissent se conformer aux critères des investissements ESG. « Nous vous invitons donc à nous donner les critères que nous devons respecter. »

Ce que les acteurs de la défense veulent surtout éviter, c’est l’exclusion complète de l’ensemble du secteur et le fait d’être mis dans le même panier que des secteurs interdits tels que les producteurs de tabac et d’alcool ou l’industrie des jeux de hasard.

Certains estiment que, compte tenu de son rôle unique dans la société, la défense devrait faire l’objet d’une catégorie d’actifs distincte. Mais pour M. Van Hyfte, un tel statut exceptionnel est difficilement compatible avec la philosophie ESG. « Nous ne pouvons pas travailler avec deux poids, deux mesures. En tant que gestionnaires de fonds ESG, nous devrions être en mesure d’imposer exactement les mêmes exigences pour la défense que pour des secteurs comme l’énergie ou les biens de consommation. »

« Y a-t-il des armes ? »

Marnix Arickx, CEO de BNP Paribas AM pour la Belgique, affirme qu’il n’exclut pas a priori toutes les entreprises de défense des fonds durables. Mais le passage de la « possibilité théorique » à l’investissement réel n’est pas évident.

« En tant que banque, nous nous sommes engagés à financer le secteur européen de la défense. La défense a effectivement un rôle social. Mais avant qu’une entreprise de défense puisse être intégrée dans l’un de nos fonds ESG, elle devra satisfaire aux 35 critères ESG que nous imposons. La défense est un secteur complexe à cet égard, au même titre que l’exploitation minière ou le secteur du diamant. »

Outre les grands principes éthiques et les subtilités des réglementations européennes en matière de durabilité, Jürgen Verschaeve aborde également la question d’un point de vue purement pratique.

« La majorité de nos clients particuliers qui souhaitent investir de manière durable ne connaissent pas les réglementations européennes. En général, ils ne me posent que deux questions : « Y a-t-il du pétrole ? » et « Y a-t-il des armes ? ». En d’autres termes, les exclusions permettent de transmettre un message clair », déclare le responsable de KBC.

Selon M. Arickx, même certains clients institutionnels, tels que les fonds de pension, utilisent ces règles empiriques simples.

Une issue possible

Pour aider les gouvernements à financer le secteur européen de la défense, M. Verschaeve estime qu’il est plus avantageux d’émettre des obligations d’État que de lever des capitaux privés par l’intermédiaire de fonds (durables).

Certains responsables politiques européens ont déjà préconisé l’émission d’obligations d’État dont le produit serait exclusivement affecté à des investissements dans le domaine de la défense. Le grand avantage est que le gouvernement restera seul responsable de ces investissements dans la défense et ne laissera pas ces décisions sensibles à des actionnaires privés.

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