Monaco
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Le fait qu’il existe une taxe des millionnaires, alors que l’impôt sur les plus-values n’a même pas encore été introduit, explique pourquoi un nombre croissant de Belges fortunés envisagent, voire initient, un déménagement à l’étranger. Des cabinets d’avocats spécialisés comme Tiberghien le confirment.

« Nous constatons que certains déménagent à l’étranger et que des clients nous demandent d’examiner ce scénario », explique Griet Vanden Abeele, associée et experte en planification patrimoniale et successorale chez Tiberghien. Au début du mois, le cabinet d’avocats Tuerlinckx Tax Lawyers a également déclaré avoir reçu de tels signaux.
« Il s’agit de personnes fortunées qui ne sont pas satisfaites de l’évolution du système fiscal belge et qui ne croient plus en un climat stable », explique Mme Vanden Abeele.

Car plus encore que l’impôt sur les plus-values en soi – le nouvel impôt très discuté qui entrera en vigueur le 1er janvier – ou une éventuelle taxe sur les millionnaires – une idée lancée récemment par le parti au pouvoir Vooruit lors des négociations budgétaires, le manque de stabilité fiscale est la proverbiale goutte d’eau qui fait déborder le vase, comme elle l’entend très souvent.

« Si l’on considère objectivement l’impôt sur les plus-values dans sa forme actuelle, il faut se dire qu’il n’est pas si mauvais que cela. Et pourtant, il y a des clients qui disent aujourd’hui : je veux partir. Cela s’explique par la crainte que les taux augmentent à l’avenir ou que le gouvernement cherche d’autres moyens de taxer le patrimoine. Et ce qui est parfois décisif pour ces clients, c’est l’impression que certaines mesures fiscales sont tout simplement mal conçues. Un exemple est la taxe de sortie sur les sociétés, qui est manifestement contraire à de nombreux principes internationaux. »

Griet vanden AbeeleMonaco

Un argument entendu dans les partis de gauche : relativement peu de millionnaires s’installent réellement à l’étranger, une taxe sur les millionnaires offre donc la perspective de recettes fiscales stables pour le gouvernement. « La fuite des capitaux existe bel et bien, même si elle est minimisée », indique Griet Vanden Abeele. « Cela ne concerne peut-être pas un très grand nombre de personnes, mais peut représenter des sommes importantes. En tant que gouvernement d’un petit pays doté d’une économie très ouverte, il n’est peut-être pas judicieux de chasser ces personnes. »

« En tant que gouvernement d’un petit pays doté d’une économie très ouverte, il n’est peut-être pas judicieux de chasser ces personnes. »

Griet Vanden Abeele, Tiberghien

Où s’installent les Belges fortunés insatisfaits ? « Cela dépend principalement de leur situation personnelle. Dans de nombreux cas, il s’agit d’un pays qu’ils connaissent déjà. Par exemple, j’ai un client qui est très actif au Portugal et qui organise actuellement son déménagement. La Suisse reste une destination traditionnelle car les gens la considèrent comme une juridiction stable. Il y a aussi Monaco, bien sûr, même s’il n’est pas facile d’y louer ou d’y acheter une propriété. De plus, les Monégasques sont très stricts en ce qui concerne les permis de séjour, qui ne s’obtiennent pas du jour au lendemain. L’Italie est également très prisée en ce moment. »

Les cabinets Tiberghien et Tuerlinckx constatent l’effet dans l’autre sens : les riches étrangers réfléchissent à deux fois avant de s’installer en Belgique ou rayent notre pays de leur liste de destinations possibles. 

« En tant que petit pays, nous avons tout intérêt à attirer les riches étrangers pour qu’ils investissent dans notre économie. Mais dans les faits, la Belgique n’est plus aussi attrayante, déclare Mme Vanden Abeele. Bien que les politiciens entendent assouplir le régime des expatriés, on peut se demander si cette approche aura beaucoup d’effet, compte tenu de l’introduction de mesures irréfléchies et d’une faible stabilité. »

Registre du patrimoine

Le rôle du PCC, le point de contact central des comptes, sera un sujet brûlant. Cette base de données de la Banque nationale recense tous les comptes et contrats financiers, dans le but officiel de lutter contre la fraude fiscale. L’accès au PCC est limité par la loi à un groupe restreint de bénéficiaires de l’information, tels que les notaires, la cellule anti-blanchiment ou les juges d’instruction. Les autorités fiscales n’y ont donc pas accès.

Au fil des ans, le PCC a été progressivement élargi et comprendra bientôt les comptes-titres et les comptes crypto. Le PCC disposera ainsi théoriquement de toutes les données nécessaires à la perception d’un impôt des millionnaires – dans la proposition de Vooruit, un impôt progressif en pourcentage sur les actifs financiers. Cela fait craindre que le PCC – une fois ouvert aux autorités fiscales – fonctionne comme une sorte de registre du patrimoine, ce qui est une question très sensible pour les personnes fortunées. Un nouveau projet d’exploration de données mené par certains départements du SPF Finances pour détecter des schémas de fraude alimente encore davantage ces craintes. L’exploration des données se ferait avec des données anonymisées.

Le député et ex-ministre Vincent Van Quickenborne (Open Vld) a récemment affirmé au Parlement, que « le au ministre des Finances a déjà fait le pas vers un registre du patrimoine ». Mais pour Jan Jambon (N-VA), « le PCC est loin d’être un registre de patrimoine à des fins fiscales » et un tel registre ne peut pas exister.

En tant qu’avocat fiscaliste, que pense Griet Vanden Abeele ? « Le PCC s’oriente néanmoins vers un registre partiel du patrimoine, à savoir pour les actifs financiers et non pour les actifs immobiliers. Au fur et à mesure que les gens y ajoutent de nouvelles informations financières personnelles, le PCC commence à prendre l’allure d’un registre du patrimoine. Bien sûr, il est vrai que l’accès est encore limité pour le moment. Mais si les résultats de la recherche anonyme dans le cadre du projet d’exploration de données deviennent un élément déclencheur des contrôles fiscaux, on franchit une nouvelle étape. »

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