
Après mes deux chroniques précédentes sur la sélection des gestionnaires, je vais maintenant aborder une classe d’actifs individuelle et discuter de deux types de gestionnaires qui, selon moi, se distinguent des autres. Je vous laisse le soin de décider si vous souhaitez intervenir. Je ne cite pas de noms, je parle du style d’investissement et de la manière de l’analyser.
Tout d’abord, il y a le gestionnaire à haut rendement (ou high yield / HY en anglais) qui a un penchant pour la dette crossover, c’est-à-dire pour les dettes BB et BBB. L’idée bien connue ici est que les « anges déchus », qui sont rétrogradés de BBB, doivent être vendus par les gestionnaires investment grade (IG) après un court laps de temps. Cette contrainte conduirait donc à des prix (trop) bas pour ces obligations. La règle « on ne rattrape pas un couteau qui tombe » ne s’applique donc pas ici. Un gestionnaire HY, qui achète régulièrement ces « anges déchus », peut ainsi générer de l’alpha.
Même si l’approche opposée est adoptée, dans le cas d’un reclassement du segment HY vers le segment IG, des performances supplémentaires peuvent être obtenues si le secteur IG adopte (à nouveau) un tel nom. D’où la stratégie crossover, avec un risque de crédit inférieur à la moyenne. La catégorie B est souvent encore incluse, mais un tel gestionnaire ne voit généralement que peu d’avantages dans la catégorie C, plus spéculative.
Sur des marchés volatils, un tel gestionnaire obtient surtout des résultats plus stables. En effet, les contre-performances dans les catégories B et C peuvent être spectaculaires : au début de la crise du Covid-19, en mars 2020, le marché HY normal a connu une baisse de 15 %. Cette évolution est principalement due à la combinaison de l’élargissement des spreads et de la duration : pour une duration normale de trois à quatre ans et un élargissement des spreads de 4 à 5 %, une telle perte est facilement explicable.
Doit-on alors parler d’alpha ou de bêta ? Je pense que le biais de style est essentiellement un choix bêta, donc différent du bêta HY normal. Mais il peut y avoir de l’alpha s’il provient principalement d’une bonne sélection de crédit individuel. Bien sûr, l’attribution des performances n’est pas plus facile, mais elle est fascinante.
Mais que se passe-t-il si le marché HY continue d’augmenter et que les spreads, même dans les notations simple B et C, continuent de baisser ? Une telle situation peut se révéler très pénible pour un tel gestionnaire HY défensif : un client peut supporter une sous-performance pendant un ou deux ans, mais après cela, le stress augmente et le gestionnaire peut parfois capituler. On achète alors du bêta par le biais d’une allocation en B ou C. Le biais crossover est ainsi dilué et le style d’investissement choisi/préconisé est compromis. Il s’agit généralement d’un signal d’alarme pour le client ou le sélectionneur de fonds, car une limite a été franchie : le gestionnaire du fonds lui-même ne croit apparemment plus à son propre style et à sa philosophie d’investissement. Si le marché s’effondre maintenant, comme on l’espère en vain depuis des années, cela ne fournira pas la surperformance ou la protection promise. Bref, le gestionnaire s’est mis dans une situation difficile. Le bêta a été partiellement abandonné et si l’alpha, la sélection, n’offre pas de compensation supplémentaire, elle devient une proposition difficile pour le client.
Haut rendement à échéance courte
La contrepartie de ce style d’investissement est le haut rendement à échéance courte (shortdated high yield) : avec une duration d’un à deux ans, le pull to par est si fort que l’on peut prendre plus de risques de crédit. Au lieu d’une notation moyenne de B à BB pour le HY « normal », le gestionnaire de fonds investit davantage dans les catégories B- et C+. Le désir ou la nécessité pour les émetteurs de refinancer leur dette (encore à court terme) constitue un avantage potentiel de ce style d’investissement. Pour cela, ils sont heureux de payer la prime de remboursement qui s’applique lors du remboursement et du refinancement anticipés de cette dette.
En termes de risque/rendement, j’ai été positivement surpris par les bons résultats du gestionnaire que nous avions sélectionné. J’avais surtout sous-estimé l’effet positif des primes de remboursement perçues en cas de remboursement anticipé. Ainsi, même le marché HY plus large, avec une duration normale, a souvent été conservé en période de baisse des taux d’intérêt. Bien sûr, c’est aussi une question d’alpha, de bien évaluer et sélectionner les entreprises qui, à un moment donné, auront besoin d’argent pour se développer ou pour refinancer leur dette.
Même si cela se passe mal, la courte durée limite la duration du spread, c’est-à-dire essentiellement le bêta d’une classe d’actifs HY. Pendant la crise du Covid-19, il y a effectivement eu une baisse de 9 %, mais comparée aux -15 % de la moyenne du marché, c’est une bénédiction. Mais quel est le bon indice de référence pour cette forme de HY ?
Le gestionnaire lui-même ne le savait pas encore. Heureusement, il existe aujourd’hui suffisamment de gestionnaires à courte échéance pour que l’on puisse progressivement se forger sa « propre » référence. Dans ce cas, cela pourrait être repris dans une allocation stratégique d’actifs.
Enfin, on m’a posé quelques questions sur mes conditions d’emploi, sur les 30 milliards que le FD m’a versés récemment. Certains ont estimé que ce n’était pas assez conforme au marché. Heureusement, cela a été revu à la hausse à un trillion, du moins si j’écris un trillion de colonnes au cours des 10 prochaines années. On voit souvent ce genre de chiffres… Vous voyez, les motivations sont là, alors je vais me remettre au travail !
Wouter Weijand a travaillé dans la gestion d’actifs de 1983 à 2025, dont plus de quarante ans en tant que gestionnaire de portefeuille (principal) dans les domaines des obligations, des actions, de l’immobilier, des investissements non liquides et finalement en tant que CIO.