Trends Investment Summit 2024 debat
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« De manière générale, nous devons nous garder de tout optimisme excessif », a déclaré Philippe Gijsels, chief investment officer (CIO) chez BNP Paribas Fortis, lors du Trends Investment Summit.

Lors de ce congrès des investisseurs dressant l’état de l’économie et des marchés financiers, qui s’est tenu le 13 mars à Bruxelles, CIO et stratèges en investissement de quatre grandes banques belges – Jürgen Verschaeve (KBC Asset Management), Maud Reinalter (Belfius Asset Management), Steven Vandepitte (ING Belgium) et Philippe Gijsels (BNP Paribas Fortis) – ont débattu de la gestion d’actifs en 2024.

Une économie américaine forte

Pour Steven Vandepitte, les considérables dépenses publiques consenties aux États-Unis maintiendront l’économie américaine dans le vert. « L’an dernier, le déficit public de 6 % a empêché une récession et, en cette année électorale de 2024 encore, le président Joe Biden perpétuera, voire creusera ce considérable déficit. Il n’y aura pas d’atterrissage en douceur, et même pas d’atterrissage du tout », plaisante le stratège en chef d’ING

Maud Reinalter reste positive vis-à-vis des États-Unis en raison de leur économie forte, mais son regard se tourne à présent vers les entreprises américaines résilientes, de taille moyenne, plutôt que vers les grands noms, devenus coûteux. « Nous favorisons les États‑Unis par rapport à l’Europe, car ici, la croissance est décevante, notamment en raison de la faiblesse des exportations. »
Actuellement, la stratège de Belfius allège ses portefeuilles de positions onéreuses du secteur technologique, tandis qu’elle renforce les positions dans les soins de santé et d’autres secteurs défensifs comme les biens de consommation. Selon elle, les soins de santé constituent un thème de croissance structurelle, et ce à des prix relativement bon marché.

Pour Philippe Gijsels, le marché semble enfin s’élargir et ne plus exclusivement se focaliser sur les Sept Magnifiques, les sept grandes actions technologiques américaines que sont Amazon, Alphabet, Apple, Meta Platforms, Microsoft, Nvidia et Tesla. « L’indice américain des petites capitalisations, le Russell 2000 se ressaisit, à l’instar de nombreuses Bourses européennes. » 

Jürgen Verschaeve a quant à lui adopté une posture plus prudente vis‑à‑vis des actions américaines compte tenu de leurs fortes valorisations, et est neutre sur les actions technologiques.

Maud Reinalter note par ailleurs que le Mexique profite de la bonne santé économique américaine. Parmi les pays émergents, le voisin méridional des États-Unis peut ainsi compter sur sa bienveillance. 

L’inflation demeure un risque

Jürgen Verschaeve avertit que les dépenses publiques américaines, trop élevées, pourraient bien relancer l’inflation. « L’augmentation des prix des matières premières peut également intensifier la dépréciation monétaire, impactant les marges des entreprises », ajoute Maud Reinalter. Philippe Gijsels s’attend à davantage de volatilité, en particulier si l’inflation repart et si les taux d’intérêt restent élevés pendant longtemps : « Selon moi, un tel environnement se prête à une gestion active. » 

Le stratège de KBC Jürgen Verschaeve est du même avis. « De nombreux risques se profilent à l’horizon, l’un d’entre eux étant une inflation persistante. Il faut faire attention aux entreprises trop endettées. Un gestionnaire qui fait correctement son travail saura faire la différence. »

Tout sauf la Chine

Du fait de sa prudence vis-à-vis des actions américaines, Jürgen Verschaeve a récemment « légèrement renforcé » la position de KBC en actions européennes et, surtout, renforcé sa position en Asie, « notamment au Japon ». « Nous laissons en revanche la Chine totalement de côté. Certes, elle est bon marché, mais ce n’est pas sans raison. La fin de la crise immobilière n’est pas encore en vue, et cela pèse sur la confiance des consommateurs », développe le stratège de KBC

Steven Vandepitte sous-pondère légèrement la Chine, le pays étant en conflit avec les États-Unis. « En ce moment, on entend l’acronyme ABC circuler à Wall Street : Anywhere But China. Cela en dit long. » 

Garder un œil sur le yen

En Asie, le stratège d’ING s’intéresse plutôt au Japon, en particulier à la façon dont le yen réagirait à un potentiel revirement de la politique monétaire de la Banque du Japon. Il développe en outre le volet cyclique de ses portefeuilles en y renforçant encore davantage les valeurs industrielles. 

Philippe Gijsels estime que les études de marché ne mentionnent pas assez l’extrême faiblesse du yen. « Une forte hausse de la devise japonaise pourrait transformer le carry trade, avec à la clé de lourdes conséquences sur chaque aspect des marchés. » Selon lui, il est à nouveau temps d’examiner chaque pays individuellement, en particulier au sein du monde multipolaire qui est aujourd’hui le nôtre. 
 

Le retour des obligations

Steven Vandepitte apporte une réponse claire à la question de l’évolution prochaine des obligations. « Les obligations sont de retour et attirent actuellement d’immenses capitaux. » Philippe Gijsels souligne qu’il est de nouveau possible de fonctionner avec un portefeuille 60/40, la partie obligataire pouvant à nouveau être complétée. Pour le CIO de BNP Paribas Fortis, c’est une bonne chose. « Nous sommes tout de même assez prudents vis‑à‑vis du haut rendement, les spreads étant relativement faibles. Le risque supplémentaire n’est pas vraiment payant ici. »

Jürgen Verschaeve partage ce point de vue et ajoute que des refinancements se profilent pour de nombreuses entreprises à faible solvabilité, avec à la clé, potentiellement, quelques surprises. À noter qu’il préfère opter, de manière générale, pour des obligations très qualitatives que pour des actions, et qu’il préconise une gestion active de la duration. 
Maud Reinalter préfère quant à elle se tenir loin de cette dernière et joue plutôt la sécurité. « Nous tendons vers le milieu de la courbe afin de nous couvrir en cas de retour de l’inflation. » 
 

Investir dans la défense ?

À présent que l’Europe fait face à des tensions géopolitiques et a lancé un lourd programme d’investissement pour sa défense, quelle est la position des gestionnaires d’actifs vis-à-vis de ce secteur ? Jürgen Verschaeve considère le programme européen comme un plan de relance général dont, selon lui, bien plus d’entreprises profiteront que la seule allemande Rheinmetall. « Nous constatons en outre, comme pour le Pacte vert européen, que, s’il s’agit là de montants considérables, cet argent n’est finalement injecté qu’au goutte-à-goutte dans l’économie », avertit-il. 

Philippe Gijsels constate par ailleurs qu’il n’y a actuellement pas un seul établissement financier où l’on ne débat pas autour de la défense. « Si les banques aimeraient s’en tenir à des motivations ESG, nous n’en vivons pas moins dans un monde très dangereux et devons être en mesure de nous défendre. La décision de financer ou non l’industrie de la défense doit être prise au niveau sectoriel. Une seule banque ne peut pas prendre cette décision, et le moment semble bien choisi pour se réunir et examiner cette question de concert. » 

Récolter les fruits de l’intelligence artificielle

Pour Maud Reinalter, les investissements dans l’IA ne se cantonnent pas aux grands noms bien connus de tous. « Nous avons massivement investi dans le secteur des semi-conducteurs ces derniers mois, y compris en Europe, et c’est notre façon d’essayer de miser sur ce thème. » 

Philippe Gijsels, pour sa part, reconnaît qu’il faudra du temps avant que nous puissions véritablement récolter les fruits de l’IA, même si les choses vont vite. « La technologie doit d’abord largement intégrer l’économie, puis les entreprises commenceront à en profiter. En d’autres termes, nous devons avoir des exemples concrets d’un fort impact sur les chiffres, comme pour Domino’s Pizza, par exemple, qui s’était développée en étant la première entreprise à appliquer la technologie 4G dans la pratique. » 

Jürgen Verschaeve s’est fait remarquer auprès du public, mais aussi du reste du panel, en annonçant que KBC avait deux fonds gérés par IA, mais aussi un stratège IA fictif qui participe aux meetings stratégiques, et présente et défend systématiquement sa propre stratégie. 

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