« Il y a certainement une part de prophétie auto-réalisatrice dans le rallye d’automne, mais nous avons bel et bien affaire à un cocktail unique de facteurs favorables. Le marché s’attend à un revirement de la politique des taux d’intérêt à court terme, et les élections de mi-mandat américaines renforcent encore cette situation. »
C’est ce que déclare Philippe Gijsels, stratège en chef chez BNP Paribas Fortis, dans le podcast bimensuel ‘Portfolio Update’ d’Investment Officer. « En tout cas, j’accepte ce cadeau », déclare Gijsels, qui présente aux auditeurs les principaux développements boursiers de ce mois.
Habituellement, les investisseurs font de bonnes affaires au cours des deux derniers mois de l’année. Cette année ne semble pas faire exception à la règle : l’indice MSCI World a augmenté de plus de 11 % le mois dernier, tandis que le S&P500 a monté de plus de 6 %.
Gijsels estime qu’en conjonction avec le traditionnel rallye de fin d’année, deux éléments permettent d’obtenir un rendement supplémentaire cette année.
« Tout d’abord, nous avons eu les élections de mi-mandat cette année », explique Gijsels. « Depuis 1950, aucune période entre novembre et décembre suivant des élections de mi-mandat n’a été négative. Le rendement moyen dans les mois qui suivent les midterms aux États-Unis est même de 15,2 %. »
À cela s’ajoute actuellement l’espoir que les banques centrales assouplissent leur politique de taux d’intérêt dans un avenir proche, car le marché semble avoir atteint un pic dans les chiffres de l’inflation, explique Gijsels. « En Amérique, l’inflation diminue plus rapidement que prévu et on peut donc espérer un revirement de la politique des taux d’intérêt. C’est pourquoi les marchés sont maintenant plus positifs. »
Les taux d’intérêt sont comme la gravité
« Cela montre à quel point les taux d’intérêt sont importants », déclare Gijsels. Les taux d’intérêt sont à la finance ce que la gravité est à la terre, explique-t-il. « Sans la gravité, tout s’envole, et c’est ce que font les classes d’actifs lorsque les taux d’intérêt sont nuls. »
Gijsels : « Je serai heureux si les taux d’intérêt restaient au niveau actuel. Le marché devra également s’en accommoder. » Pour Gijsels, une baisse des taux en 2023 semble très prématurée, « mais des relèvements des taux seraient vraiment effrayants », déclare-t-il. Les taux d’intérêt de la banque centrale américaine se situent actuellement entre 3,75 % et 4 %.
Avec le relèvement des taux d’intérêt, BNP Paribas Fortis est de plus en plus sollicitée pour investir dans des actifs à revenu fixe. Gijsels note que la préférence va principalement aux obligations d’entreprises. « Dans certains cas, il y a également une demande pour les obligations à haut rendement, mais si vous êtes prêt à prendre ce risque, vous pouvez également vous lancer dans les actions », ajoute-t-il.
Il y a des opportunités dans l’industrie européenne
Interrogé sur l’impact du conflit en Ukraine, Gijsels se remet en cause. « Je me suis complètement trompé à ce sujet. La veille de l’invasion, j’avais déclaré à la télévision belge que la Russie n’envahirait probablement pas l’Ukraine. Heureusement, nous étions déjà prudemment positionnés en raison de la hausse des taux d’intérêt », déclare Gijsels.
Cependant, aussi terrible soit-il, le conflit n’a pour le moment plus beaucoup d’impact sur les marchés, déclare le stratège. Il n’y a que les prix du gaz qui reflètent encore la guerre qui fait rage, « mais il y a là une opportunité d’investissement à long terme », explique-t-il.
Il existe selon lui des opportunités dans les actions de valeurs industrielles européennes. Beaucoup pensent que l’Europe va perdre son industrie en raison des prix trop élevés du gaz et de l’énergie, mais Gijsels voit les choses différemment.
« Nous nous dirigeons de plus en plus vers une économie qui fonctionne au gaz naturel liquéfié (GNL). L’Europe aura besoin d’installations capables de transformer le GNL en gaz. Une fois qu’on aura suffisamment investi dans ce domaine, quelque chose de très intéressant se produira : le marché du gaz deviendra un marché mondial à terme. »
Selon Gijsels, l’Amérique, qui ne peut actuellement vendre son gaz à l’Europe que dans des volumes limités, pourra à terme exporter davantage vers l’Europe. « Cela signifie que le prix du gaz va baisser en Europe et augmenter en Amérique », déclare Gijsels. « Si le marché réalise que l’Europe se ‘désindustrialise’ moins vite qu’on le prévoit actuellement, voire pas du tout, l’industrie européenne cotée en bourse deviendra soudain très attrayante. »