Le coût élevé du dollar et le « bruit des gros titres » font de 2018 une année difficile pour les investisseurs dans la dette des marchés émergents. Toutefois, les récentes turbulences ont également permis d’assainir cette classe d’actifs et (de manière sélective) de créer de la valeur.
Tel est ce qu’affirment Giles Bedford, investment manager, et Joanne Baxter, portfolio manager chez JP Morgan AM, dans une interview accordée à Investment Officer. Le fonds JP Morgan Emerging Markets Strategic Bond, qui pèse 1,2 milliard de dollars, a enregistré depuis le début de l’année une performance de -5,7 %, en ligne avec le benchmark.
« C’est une année difficile », reconnaît Baxter. « Nous avons entamé l’année avec des perspectives très constructives, les fondamentaux étaient bons pour les marchés émergents. Mais au fur et à mesure que l’année avançait, des défis venant de l’extérieur se sont présentés, ce qui a affecté notre rendement. »
Dollar
Baxter mentionne le dollar, qui a gagné en force cet été grâce aux mesures de relance américaines. En tant que deuxième déclencheur, elle cite l’escalade des tensions commerciales. « Cette combinaison s’est traduite par un fort vent contraire pour les marchés émergents. L’accélération de l’économie américaine devrait être bénéfique pour les marchés émergents à un niveau fondamental, car elle soutient la demande. Toutefois, les tensions commerciales ont accru l’incertitude. »
Selon Baxter, la hausse des taux d’intérêt américains pose un nouveau défi, car les marchés émergents sont largement tributaires du financement en dollars américains. Pourtant, la gestionnaire de fonds affirme qu’en dépit de ces préoccupations, de la valeur est créée. Les économies émergentes structurellement plus faibles peuvent être éprouvées par la force du dollar, mais elles ne sont pas toutes faibles, estime-t-elle. « N’oubliez pas à quel point ce groupe est diversifié. »
Crise systémique
Bedford et elle estiment que bien qu’on assiste à un ralentissement de la croissance sur les marchés émergents (qui devrait se poursuivre), il n’est pas question de crise systémique. Selon eux, les mouvements de l’année en cours n’entraîneront pas de contamination, comme ce fut parfois le cas les années précédentes.
Selon Baxter et Bedford, les investisseurs ne doivent pas trop se laisser distraire par le bruit des gros titres, visant notamment la situation en Argentine et en Turquie. Bedford : « Les marchés émergents sont une classe d’actifs dans laquelle de nombreux investisseurs considèrent le titre comme « l’histoire ». Ce qu’ils semblent oublier, c’est que depuis la crise financière, cette classe d’actifs a produit un rendement annuel compétitif. Les obligations d’État des marchés émergents offrent actuellement un taux d’intérêt de 7 % pour une classe d’actifs à court terme, ce qui pourrait être bien pire ! »
Baxter et Bedford s’attendent à ce que l’environnement reste difficile dans un avenir proche, mais estiment que cela offre des opportunités à l’investisseur osant lâcher prise. « La volatilité a créé de l’espace, une approche indicielle dans cette classe d’actifs n’offre pas de meilleurs résultats actuellement. » Ou, comme l’exprimait Pierre-Yves Bareau, responsable de l’équipe EMD, dans une publication antérieure : « La soif de rendements simples du marché a fait place à une focalisation plus nuancée sur des fondamentaux durables. »
Préférence pour la qualité
Dans cette publication, Bareau fait référence à la base encore solide des fondamentaux des obligations d’entreprises des marchés émergents. « Nous voulons répondre aux moments de faiblesse du marché et aux titres qui ont été injustement sanctionnés ces derniers mois. »
Bien que les valorisations d’obligations principalement de faible qualité aient été ajustées, l’équipe EM de JP Morgan AM donne la préférence aux titres de qualité supérieure car elle souhaite éviter les ‘pièges de valeur’ de titres fondamentalement plus faibles et susceptibles de s’affaiblir davantage. « Nous aspirons à nous positionner en duration courte parce que nous nous attendons à ce que les taux d’intérêt directeurs augmentent graduellement », indique Bareau.
Il n’y a pas de préférence claire pour des pays ou entreprises émergents. « Notre positionnement sera vraisemblablement déterminé en fonction de considérations tactiques et de liquidité. »