
De janvier à avril 2025, l’indice Morningstar Emerging Markets Corporate Bond (10 % China Capped) a perdu 6,9 %. Les obligations d’entreprises des marchés émergents ont subi de fortes pressions en mars et avril, en partie à cause de la nouvelle série de droits de douane imposés par Donald Trump. Les spreads se sont creusés, les émetteurs à haut rendement étant particulièrement vulnérables. Dans le même temps, les inquiétudes concernant un ralentissement de la croissance mondiale ont continué de peser sur le sentiment.
Dans cette optique, deux stratégies notées par les analystes se distinguent dans la catégorie Morningstar des Obligations Marchés Émergents Emprunts Privés : Loomis Sayles Short Term Emerging Markets Bond et Ninety One GSF Emerging Markets Corporate Debt. Les deux stratégies ont une note Average pour le pilier Process et un score Above Average pour le pilier People de Morningstar.
People
Chez Loomis Sayles, l’équipe d’investissement se distingue par son expérience et la profondeur de ses analyses. La stratégie est gérée par une gestionnaire principale, Elisabeth Colleran, et deux co-gestionnaires, Eddy Sternberg et David Rolley. Mme Colleran s’appuie sur M. Sternberg pour la sélection de titres ascendante, tandis que M. Rolley fournit des informations macroéconomiques dans une perspective descendante. Le trio cumule en moyenne plus de trente ans d’expérience commune, ce qui renforce la complémentarité. Ses trois membres peuvent également compter sur treize analystes de crédit et sept analystes spécialisés dans les obligations d’État qui se concentrent spécifiquement sur les marchés émergents, ainsi que deux analystes quantitatifs. La stratégie dispose ainsi d’une expertise impressionnante.
Chez Ninety One, la stratégie est dirigée par Victoria Harling et Alan Siow. Bien que ce duo ait légèrement moins d’expérience que ses homologues de Loomis Sayles, il a réussi à traverser plusieurs cycles de crédit. Son travail est étayé par onze analystes d’obligations d’entreprises des marchés émergents, qui posent les bases du processus de sélection ascendant.
Chez Loomis Sayles, l’augmentation du taux de rotation des analystes est une préoccupation en 2023 et 2024. Ninety One a souffert du même problème entre 2018 et 2022, mais l’a désormais résolu. Dans l’ensemble, les deux équipes se distinguent positivement de leurs pairs, ce qui justifie leur note Above Average.
Process
Bien que les deux stratégies reçoivent une note Average pour le pilier Process, les similitudes s’arrêtent là.
L’équipe de Loomis Sayles se concentre sur les entreprises présentant des flux de trésorerie stables et des perspectives de croissance structurelle, sans suivre étroitement les indices de référence. Toutefois, des analyses descendantes sont prises en compte pour ajuster l’exposition globale au risque, entre autres, en fonction des régions géographiques et des prix des matières premières. L’univers d’investissement de cette stratégie est cependant 15 % moins diversifié que celui de ses pairs, car il se limite aux obligations d’entreprises des marchés émergents avec une échéance maximale de six ans, une notation de crédit minimale de B- et une taille minimale de 200 millions de dollars. Ces limitations rendent difficile la concurrence avec les pairs du secteur sur certains fronts.
En revanche, l’équipe de Ninety One adopte une approche ascendante axée sur les valeurs qui conduit souvent à une concentration des positions de risque. Une méthodologie de sélection quantitative aide l’équipe à identifier la valeur relative en fonction de la durée, de la qualité du crédit, du secteur et du pays. Cela réduit l’univers à environ deux cents émetteurs. L’équipe analyse ensuite en profondeur la gouvernance, la gestion du capital, les flux de trésorerie et la position concurrentielle de chaque entreprise afin de sélectionner les opportunités les plus attractives. Toutefois, cette forte conviction se traduit par une volatilité plus élevée par rapport à ses pairs, ce qui voile quelque peu notre confiance dans cette stratégie.
Portefeuille
Étant donné que Loomis Sayles limite la durée des positions, la duration du portefeuille est généralement comprise entre 2,2 et 2,7 ans. C’est considérablement plus court que les 4,5 ans habituels chez les pairs du secteur. À titre de comparaison : la duration de Ninety One est beaucoup plus proche de celle de l’indice JPMorgan CEMBI Broad Diversified, qui s’élevait à 4,43 ans en septembre 2024.
En termes de qualité de crédit, Loomis Sayles évite les investissements inférieurs à une note B-. L’équipe utilise toutefois l’allocation à haut rendement – généralement comprise entre 25 et 45 % – pour gérer de manière flexible le profil de risque. Ninety One, en revanche, recherche délibérément de la valeur dans les crédits à haut rendement, ce qui conduit à une exposition relativement élevée aux obligations de qualité inférieure. Entre 2019 et 2024, cette part était d’environ 60 %.
Au niveau du portefeuille, la stratégie de Ninety One est plus concentrée que celle de Loomis Sayles, avec environ 80 à 110 émetteurs contre une moyenne de 150 chez Loomis Sayles.
Performance
En raison de ses caractéristiques uniques, la stratégie de Loomis Sayles s’intègre moins bien dans la catégorie standard des obligations d’entreprises des marchés émergents. En période de hausse des taux d’intérêt, cette stratégie a tendance à surperformer en raison de sa moindre sensibilité aux taux d’intérêt, comme en 2022, lorsque l’environnement mondial de hausse des taux a entraîné une surperformance relative. Toutefois, sur les marchés haussiers des crédits de qualité inférieure, cette approche axée sur la qualité reste dans l’ombre de ses pairs sectoriels. Dans l’ensemble, cela offre néanmoins aux investisseurs une expérience plus fluide.
Chez Ninety One, la tolérance aux positions concentrées conduit à une volatilité plus élevée (mesurée en écart type) que celle de ses pairs et de l’indice de référence. Si l’on y ajoute l’exposition au secteur immobilier chinois, cela a conduit à une sous-performance entre 2021 et 2023, impactant négativement les résultats à long terme. Toutefois, la forte phase de reprise en 2024 – portée par une bonne sélection de titres et un redressement de certains titres immobiliers chinois – montre que l’équipe est capable de récupérer les pertes lorsque le marché se redresse.
ElbiElbie Louw (titulaire du CFA et CPIM) est Senior Analyst Manager Research chez Morningstar Benelux. Morningstar est membre du panel d’experts d’Investment Officer.