L’hésitation et le scepticisme sont fréquents quant à la question de savoir si la biodiversité peut être un thème d’investissement. L’importance de la préservation de la biodiversité est incontestable. Mais cet objectif peut-il faire l’objet d’un investissement ? Selon Hans Stoter d’AXA IM, oui.
Chaque pas est un pas ; tout vaut mieux que l’inaction. Hans Stoter, responsable mondial d’AXA Investment Managers Core, connaît naturellement la question de l’impact réel des deux véhicules d’investissement axés sur la biodiversité que le grand gestionnaire d’actifs français propose depuis l’année dernière. En général, cette question suscite des réserves considérables : l’affirmation selon laquelle les fonds contribuent à la conservation de la biodiversité peut-elle être réellement étayée ? En effet, il n’existe pas de normes claires et un ensemble de règles et d’accords concernant, par exemple, l’établissement de rapports - comme pour la lutte contre le changement climatique - est encore loin d’être mis en place. Stoter : «Il est vrai que c’est difficile. Mais est-ce une raison pour ne pas commencer ? Nous pensons que beaucoup de choses peuvent être réalisées dès maintenant.
Bien entendu, la comparaison avec les investissements destinés à lutter contre le changement climatique n’est pas fortuite. La biodiversité en est le prolongement, mais c’est aussi une question beaucoup plus vaste et plus complexe», explique M. Stoter. Lorsqu’il s’agit du changement climatique, un seul critère suffit : nous pouvons mesurer la contribution des investissements dans cette catégorie par les émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre. Mais la biodiversité est liée à toute une série de facteurs liés à l’utilisation des terres et de l’eau. Pollution, surpêche, déforestation, demande de viande, économie circulaire, etc. Il est donc extrêmement difficile de quantifier sans ambiguïté les effets des investissements dans ce domaine».
Empreinte de biodiversité
AXA IM utilise désormais une «empreinte de biodiversité» développée par son partenaire Iceberg Data Lab, qui prend en compte le plus grand nombre possible des facteurs susmentionnés (et d’autres). Stoter : «Grâce à cette mesure, nous avons pu élaborer une stratégie dont l’empreinte est inférieure à celle du marché». Cette empreinte plus faible peut être obtenue de plusieurs manières : en se concentrant sur les entreprises qui s’améliorent, par exemple en s’efforçant de remplacer les technologies nocives, en excluant les entreprises dont l’impact négatif est supérieur à la moyenne, ou en choisissant des entreprises dont les produits ou services visent à conserver ou à restaurer la biodiversité, par exemple dans le domaine de l’épuration de l’eau.
En dessous de la ligne
De grands investisseurs et de grandes banques - notamment Rabobank et ABN Amro - ont déclaré ce printemps que s’ils étaient intéressés par des produits qui contribuent réellement à la conservation de la biodiversité et à la croissance, ils n’étaient pas intéressés par des produits remplis d’investissements qui font «moins mal». Les sociétés de gestion qui gèrent des fonds de biodiversité, telles que Schroders et ASN Impact Investors, ont réagi à l’époque en déclarant que le pool deviendrait alors très mince pour le moment. En effet, même les actions cotées en bourse qui répondent aux exigences élevées de l’ASN en matière de développement durable ont un impact négatif sur la biodiversité. L’ASN ne compte qu’une poignée d’entreprises cotées en bourse - uniquement des petites capitalisations ou des microcapitalisations - qui ne nuisent pas à la nature.
AXA IM investit déjà plusieurs centaines de millions d’euros pour ses clients dans l’ETF et le fonds d’investissement sur la biodiversité, tous deux lancés en 2022. En tant que directeur de la division Core, M. Stoter est responsable d’environ 500 milliards d’euros d’investissements. Même de ce point de vue, on peut se demander s’il ne s’agit pas là d’une goutte d’eau dans l’océan.
Obligations vertes
Pourquoi donc toute cette attention pour à peine 0,1 % des actifs sous gestion ? Nous n’en sommes qu’au début», affirme M. Stoter. Les obligations vertes ont également connu des débuts hésitants, mais il y a une dizaine d’années, elles ont soudainement fait une percée majeure. La biodiversité n’est pas un sujet facile, mais nos clients, et en particulier les fonds de pension, nous disent qu’ils sont à la recherche d’opportunités dans ce domaine. L’importance de la biodiversité n’est plus guère débattue. Allez savoir pourquoi : on estime qu’environ la moitié du produit brut mondial est liée à une biodiversité saine. Dès que la qualité de celle-ci tomberait en dessous d’un seuil critique, non seulement notre vie deviendrait beaucoup plus difficile, mais nous serions tous confrontés à des coûts énormes».
Cette prise de conscience est en train de se faire, et nous constatons que les fonds de pension cherchent désormais des moyens concrets de contribuer à empêcher que cela ne se produise. Après tout, ils doivent également prendre en compte les intérêts non financiers de leurs participants : lorsqu’ils seront bientôt à la retraite, ils espèrent aussi un monde vivable.
Des pertes importantes
Incidemment, AXA IM a également un «double intérêt» similaire à promouvoir cette nouvelle classe d’actifs. La société mère AXA (qui représente 55 à 60 % des actifs gérés par AXA IM) est l’un des plus grands assureurs au monde et se targue d’avoir un profil social et environnemental fort. Tout le monde sait que les assureurs sont très motivés pour investir dans la réduction des émissions», a déclaré M. Stoter. Si le changement climatique peut être atténué, il y aura moins d’inondations, par exemple. De même, la perte de biodiversité peut entraîner des pertes importantes. Investir dans la préservation de la biodiversité est donc bon pour le monde, mais aussi pour l’assureur. Pour nous aussi, c’est une motivation supplémentaire».