La vague inflationniste à laquelle nous assistons actuellement dans la zone euro et surtout aux États-Unis n’est pas de nature temporaire. Elle est due aux prix élevés de l’énergie et aux effets de second tour, qui ne se sont pas encore vraiment manifestés. Cependant, la BCE semble bien déterminée à juguler l’inflation.
Les anticipations d’inflation dans la zone euro, mesurées par les swaps de taux 5 ans/5 ans, ont atteint à l’approche de la réunion de la BCE leur plus haut niveau depuis 2014.
L’inflation de base reste également bien supérieure à l’objectif de 2 % de la BCE.
Nous en sommes même arrivés au point où les marchés s’attendent maintenant à près de trois relèvements des taux d’intérêt par la BCE cette année, après que l’inflation dans la zone euro a atteint 5,1 %. Avec un taux d’inflation annuel de près de 7 %, la Belgique est même la ‘championne de l’inflation’.
Cependant, l’inflation passera de 5 % actuellement à 1,5 % d’ici la fin de l’année. C’est ce qu’écrit Nicola Mai, Portfolio Manager chez Pimco, le plus grand investisseur obligataire au monde, dans les perspectives régionales pour 2022.
Selon Mai, la croissance économique de la zone euro sera encore modérée au cours des premiers mois de l’année en raison des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, de la hausse des prix de l’énergie et des restrictions liées à la pandémie. Pour que l’économie se normalise par la suite, elle devra afficher une ‘croissance assez solide’ au printemps, notamment grâce à l’excédent d’épargne et à l’important mouvement de rattrapage de la demande.
Selon Mai, l’inflation dans la zone euro devrait encore atteindre 5 % en glissement annuel au début de cette année, mais tombera ensuite à 1,5 % en 2022.
« Cette baisse est en partie due à d’importants effets de base négatifs des prix de l’énergie, à l’atténuation des effets des goulets d’étranglement du côté de l’offre, ainsi que l’effet de l’ouverture des économies sur les prix de base. »
« L’inflation dans la zone euro est plus faible qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni, en raison de la croissance modérée des salaires et de la trop grande faiblesse de l’inflation dans le passé. Une réaction plus faible des gouvernements de la zone euro constitue également un facteur.
Sticky
Cependant, l’inflation est beaucoup plus ‘sticky’ que ne le supposent ou ne le prévoient généralement les analystes et les banquiers centraux.
C’est ce qu’affirme Frank Vranken (photo), Chief Investment Officer chez Edmond de Rothschild Luxembourg. « Les banquiers centraux américains n’ont d’autre choix que de relever les taux d’intérêt afin de ne pas perdre la face et de maintenir leur crédibilité. L’inflation est beaucoup plus persistante que ce que les analystes et les banquiers centraux avaient prévu. En outre, on constate partout des effets de second tour en termes de revendications salariales et d’augmentations de salaires.
Le coût des marchandises a également augmenté de façon spectaculaire. Les produits finis quittant les portes des usines allemandes ont par exemple augmenté de pas moins de 20 % en peu de temps. Les prix des denrées alimentaires sont également en forte hausse et les négociations entre les supermarchés et les fournisseurs, comme Nestlé, sont de plus en plus âpres. Le consommateur le ressentira. Autrement dit, nous ne sommes pas encore sur le point de voir la fin de tout cela. »
Refroidissement
Vranken déclare que les prévisions de la BCE partent du principe que l’inflation retombera à 2 % dans le courant de l’année prochaine, une hypothèse qui est aujourd’hui mise à mal. « Pour juguler l’inflation, nous avons besoin d’une série de hausses des taux d’intérêt mensuelles ne dépassant pas 0,2 %. Cela ne s’est pas produit depuis un certain temps, et ce n’est pas dans le pipeline à court terme. La BCE peut-elle donc prétendre que tout va bien et s’en tenir à ses dernières déclarations et positions ? Les marchés ne semblent pas le croire. »
Les hausses de taux d’intérêt sont maintenant déjà intégrées par incréments de 10 points de base par hausse. Le taux implicite de l’Euribor 3 mois pour décembre 2022 est de -17,5 points de base, ce qui représente une hausse d’environ 38 points de base par rapport au niveau actuel.
Classes d’actifs
De manière sous-jacente, de nombreux dommages ont été causés aux indices comme le S&P 500 et le Nasdaq. À première vue, les dégâts ne sont pas trop importants, mais le pourcentage d’actions se négociant au-dessus de leur moyenne à 200 jours au Nasdaq est passé sous la barre des 25p le 19 janvier, pour la première fois depuis avril 2020. Aujourd’hui, elles s’échangent autour de 14,2 %.
La valeur, en revanche, brille comme jamais.
Les actions de valeur européennes ont connu le meilleur mois relatif… de tous les temps.
Les dégâts sont également importants parmi les petites capitalisations. Selon JP Morgan, les valorisations des petites capitalisations sont à leur plus bas niveau depuis vingt ans. Le re-rating post-pandémie ait été complètement anéanti.
Frank Vranken reconnaît que ce sont surtout les actions de croissance à duration longue, dont les bénéfices futurs sont artificiellement gonflés par des taux d’actualisation extrêmement bas, qui sont en difficulté et perdent du terrain au profit d’actions plus défensives et de la valeur. « Chez Edmond de Rothschild, nous avons considérablement remanié nos portefeuilles et ajouté des actions à dividendes plus durables. Celles-ci devraient pouvoir résister à la vague inflationniste, à côté des obligations indexées sur l’inflation. »
Enfin, Philippe Gijsels, stratégiste en chef chez BNP Paribas Fortis, maintient une stratégie ‘barbell’ entre croissance et valeur, et souligne également les atouts des actifs réels, comme les métaux précieux et l’immobilier.