Les investissements durables ciblent généralement les actions de croissance. Or, un portefeuille équilibré se doit aussi d’inclure des actions axées sur la valeur. Dans cette catégorie toutefois, les fonds durables se font rares. Une évaluation à l’aune du Carbon Risk Score offre donc une alternative intéressante.
Pour les investisseurs soucieux de placer leur argent de manière durable, 2022 a été un cru difficile, puisque les actions de croissance ont fortement déçu. Or, la plupart des investissements durables se trouvent davantage dans cette catégorie. Pour que le portefeuille soit équilibré, il convient donc d’y inclure des actions axées sur la valeur. Les fonds durables se font toutefois rares dans la catégorie. Une alternative pourrait être d’envisager les fonds qui se démarquent sur les aspects durables, ce que reflète notamment le Carbon Risk Score, baromètre des risques encourus par les entreprises dans leur transition vers une économie pauvre en carbone.
L’un des principaux défis, pour les investisseurs durables, consiste à contrôler le style d’investissement de leur portefeuille. Les portefeuilles durables relèvent généralement plutôt du style croissance. Les actions des entreprises jugées durables semblent ainsi souvent afficher des caractéristiques plutôt associées aux entreprises en croissance. Et cela peut avoir des conséquences en termes de rendement, par exemple lorsque ce style est boudé par les investisseurs, comme cela a été le cas en 2022. Le MSCI World Growth a ainsi abandonné pas moins de 24,57 %, contre un recul de 12,78 % pour le MSCI World. En revanche, le MSCI World Value n’ a perdu que 0,39 %.
Afin d’équilibrer leur portefeuille, les investisseurs durables doivent donc aussi s’exposer aux actions axées sur la valeur. Or, seuls quelques fonds d’investissement durables investissent dans la sphère. Sur les 156 fonds que compte la catégorie Morningstar des actions internationales de grandes capitalisations valeur, seuls 17 possèdent un mandat durable.
Pas explicite
Dès lors, les investisseurs durables peuvent ajouter à leur portefeuille des fonds axés sur la valeur qui n’adoptent certes pas explicitement une approche durable, mais qui affichent néanmoins des notes correctes sur les critères de durabilité, et notamment l’empreinte carbone des entreprises en portefeuille. Cette dernière peut être mesurée par le Portfolio Carbon Risk Score de Sustainalytics, qui mesure le risque de matérialité encouru par les entreprises dans leur transition vers une économie pauvre en carbone. Un score faible témoigne d’un risque moindre.
L’indice MSCI World affiche un score moyen de 7,54, mais les divergences entre les entreprises le composant sont grandes. Sans surprise, le secteur énergétique, et surtout les compagnies pétrolières et gazières (BP, ExxonMobil, Shell…) font partie des entreprises les plus risquées, avec des scores qui varient entre 30 et 60. L’industrie automobile (avec, en particulier, General Motors, Nissan Motors et Subaru, les cancres sectoriels en matière de Carbon Risk Score) et aéronautique (Air Canada, Lufthansa et Southwest Airlines) affichent aussi des scores élevés. Ces actions présentent toutes des caractéristiques du style « valeur ».
De l’autre côté du spectre figurent des acteurs actifs dans les services de communication (Netflix et The Walt Disney Co), la santé, (Danaher, Thermo Fisher Scientific et UnitedHealth Group) ou encore la technologie (Advanced Micro Devices, Keyence et Nvidia). Nombre de ces entreprises ont même un Carbon Risk Score nul.
Producteurs de tabac
Si nombre d’actions durables affichent des caractéristiques plutôt imputables au style de croissance, il reste toutefois assez de titres susceptibles d’être classés comme actions axées sur la valeur, et qui affichent donc un Carbon Risk Score faible. Toutefois, certaines ne seront pas admissibles pour un portefeuille durable. C’est notamment le cas des producteurs de tabac Altria Group, British American Tobacco et Philip Morris International, même s’il reste assez de possibilités, pour les investisseurs durables, d’ajouter de la valeur à leurs portefeuilles. Au sein du MSCI World, 213 actions ont ainsi un Carbon Risk Score plus faible que celui de l’indice (7,54) ; pensons notamment à Cisco Systems, Comcast ou encore Johnson & Johnson.
Le top 5
Le top 5 de cette semaine reprend les cinq fonds affichant le Portfolio Carbon Risk Score le plus faible (et donc, le plus favorable) de la catégorie Morningstar des actions internationales de grandes capitalisations valeur. Seuls ont été sélectionnés les fonds dont les données de portefeuille disponibles chez Morningstar ne sont pas antérieures à trois mois.
La première place revient au fonds Nordea 1 - Global Stable Equity – le seul du classement à ne pas être géré selon un mandat ESG. La stratégie est pilotée depuis 2005 par Claus Vorm et Robert Næss, un duo expérimenté à l’origine d’une approche quantitative qui met l’accent, en premier lieu, sur la stabilité des bénéfices et une volatilité faible à modérée des actions.
Si la stratégie n’a donc pas de mandat de durabilité explicite, les notes ESG des entreprises sont tout de même prises en compte. Cette approche quantitative privilégie clairement les services de communication, la consommation défensive, la santé et la technologie. L’énergie, les services financiers, les matières premières et l’industrie sont en revanche sous-pondérées. Parmi les titres affichant le Carbon Risk Score le plus bas figurent, entre autres, The Cigna Group, CVS Health et Elevance Health.
La deuxième place revient au fonds Schroder ISF Global Sustainable Value, lancé en décembre 2021 seulement, et géré depuis par Roberta Barr, Liam Nunn et Simon Adler. Le trio fait partie de l’équipe Schroder Global Value, qui gère plusieurs stratégies de dividendes et de valeur régionales et internationales, et compte 12 gérants et analystes.
Outre ce fonds, Liam Nunn et Simon Adler gèrent également le Schroder ISF Global Recovery, noté Bronze par les analystes de Morningstar. Cette stratégie durable investit dans des actions de valeur d’entreprises considérées par l’équipe comme des leaders de durabilité au sein de leur secteur. Avec 35 à 40 positions environ, le portefeuille est concentré. Le fonds n’est pas exposé aux matières premières, à l’énergie et aux services aux collectivités. En revanche, les services de communication sont fortement surpondérés, avec plus de 25 % du portefeuille. Manpower, ProSiebenSat1 Media et WPP affichent les meilleures Carbon Risk Score.
Ronald van Genderen est Senior Manager Research Analyst chez Morningstar. Morningstar analyse et évalue les fonds d’investissement sur la base d’études quantitatives et qualitatives. Partenaire d’Investment Officer, Morningstar propose chaque semaine un classement des cinq meilleurs fonds ou prestataires d’un secteur ou thème donné.