« En l’absence d’un signal clair de la part des banques centrales, nous prolongeons notre séjour sur le banc de touche. Dans le cadre cette stratégie défensive, il cependant est tout à fait possible d’opter pour une sélection de titres agressive et opportuniste. C’est aujourd’hui plus important que le positionnement sectoriel pur, car certaines entreprises vont se retrouver réellement en difficulté », déclare Tom Simonts, économiste en chef chez KBC.
Tom Simonts et ses collègues de KBC se disent « assez fiers » de leurs prévisions pour la période écoulée. « Presque tout ce que nous avions anticipé s’est réalisé. Nous avons embarqué il y a six mois déjà dans le train d’une hausse continue des taux d’intérêt. En suivant notre principe défensif, nous avons cependant manqué une partie du rebond de l’IA. Nous avions également anticipé que nous flirterions avec une récession aux alentours du quatrième trimestre, avec un atterrissage en douceur. Cela semble se concrétiser. »
Pivot
La vision de KBC n’a pas changé depuis un certain temps, poursuit Tom Simonts. « Le fil conducteur actuel reste qu’un investisseur prudent en vaut deux. Nous avons déjà constaté un certain regain d’optimisme récemment, en raison de la baisse des taux d’intérêt. Depuis le rebond de l’IA au deuxième trimestre, les marchés sont retombés en dessous de leur pic, avec une plus grande volatilité. Nous ne nous joignons pas à cet optimisme provisoire et prolongeons notre séjour sur le banc de touche. Cette stratégie devrait prendre fin lorsque l’inflation aura clairement diminué de manière structurelle et que les banques centrales le reconnaîtront en ouvrant la voie à des baisses de taux d’intérêt pour redonner un peu d’oxygène à l’économie. Nous attendons avec impatience le moment « Kobe Bryant », un légendaire basketteur spécialiste du pivot. »
Tom Simonts voit le marché spéculer sans fin sur la politique des taux d’intérêt depuis environ quatorze mois. « Mais aujourd’hui, une stratégie basée sur l’espoir ne fonctionne pas. Il faut attendre les faits. Nous prévoyons la première baisse des taux d’intérêt américains pour l’été 2024 au plus tôt. En ce qui concerne l’Europe, le troisième trimestre, et plutôt la fin de ce dernier, sont plus réalistes. Bien entendu, il s’agit d’une cible mouvante. S’il se révèle que l’inflation reste très faible dans les mois à venir et que la pression disparaît, nous pourrons procéder à un ajustement. Après le pivot, nous croyons d’ailleurs à un lent mouvement de baisse des taux plutôt qu’à un scénario de la montagne de la Table. »
Chercher la croissance
Entre-temps, l’économiste en chef observe une grande volatilité sur les marchés, avec un faible volume de transactions. « Il n’y a pas de panique, mais pas d’euphorie non plus. Nous nous trouvons dans un marché particulièrement hostile où le moindre ajustement peut avoir des conséquences. Il y a beaucoup de place pour l’exagération, certes des deux côtés, mais surtout à la baisse. Même dans le cadre d’une stratégie défensive comme la nôtre, il est tout à fait possible d’opter une sélection de titres agressive et opportuniste. Dans la situation de marché actuelle, c’est plus important que le positionnement sectoriel pur. Ainsi, nous surpondérons certains secteurs technologiques, comme les logiciels, tout en restant à l’écart du matériel technologique. Rester à l’écart ne signifie pas rayer Alibaba et Nvidia de notre liste. Une société comme Alphabet, par exemple, n’est absolument pas cotée à un prix élevé. Il faut chercher la croissance là où elle se trouve, même si on est défensif. Cela explique aussi pourquoi les valeurs technologiques continuent de bien performer. »
Pas plus tard qu’en juillet, Tom Simonts avait déclaré « se tenir provisoirement à l’écart des positions cycliques ». Existe-t-il maintenant des opportunités de les acquérir à bas prix ? « Le marché des petites capitalisations, et en particulier l’Europe industrielle, a déjà été durement sanctionné. Il est actuellement très bon marché en termes relatifs et historiques. On peut y trouver quelques rallyes, mais pour nous, ce ne sont pour le moment rien de plus que des rebonds de marché baissier. Selon notre vision, nous sommes loin de la fin d’un mouvement économique baissier, c’est pourquoi les valeurs industrielles et cycliques ne sont pas encore sur notre radar. Certaines entreprises vont réellement se retrouver en difficulté, que ce soit au niveau de leur bilan ou de leur position concurrentielle. Mais même si vous excluez certains secteurs de votre portefeuille, vous pouvez encore choisir les meilleurs acteurs de ces secteurs. Certaines entreprises ont été injustement affectées, il suffit de penser à tout ce qui touche de près ou de loin aux énergies alternatives, y compris les constructeurs d’éoliennes. C’est ici que nous anticipons bientôt des opportunités d’achat. Un investisseur devrait s’intéresser davantage à l’efficacité du modèle d’entreprise plutôt qu’au secteur dans lequel l’entreprise opère. »
Japon
KBC continue de s’intéresser à la région Asie-Pacifique. « Nous avons quelque peu réduit nos positions sur la Chine, car les chiffres restent décevants. Nous nous concentrons principalement sur le Japon. L’inflation y reste limitée et, grâce au yen bon marché, les exportations continuent de bien se porter. Certains marchés émergents, dont l’Inde, ne se comporteront certainement pas mal. Cela repose également sur notre vision du dollar. Nous pensons que le dollar s’est trop apprécié au cours du mois dernier en raison de la forte hausse des taux d’intérêt. »
« Les obligations conservent également notre attention. Nous nous concentrons sur des échéances relativement courtes, en particulier sur les obligations d’entreprise à un ou trois ans. On trouve déjà des obligations dont le rendement est de 4 %. Cependant, en raison de l’affaiblissement des indicateurs économiques, les obligations d’État européennes se présentent de plus en plus comme des candidats au portefeuille, y compris à plus long terme », conclut Tom Simonts.