Ces dernières années, le capitalisme a fait l’objet de nombreuses critiques. Elles visaient principalement le néolibéralisme, qui repose sur la capacité de résolution du marché libre.
Dans la pratique, de nombreux néolibéraux ont pris leurs distances avec l’idée d’un marché libre « naturel ». Pour ces néolibéraux, le marché existe grâce à un État qui réglemente le droit de propriété, prend des dispositions pour le commerce international et stimule également l’esprit de concurrence. Tout et tout le monde doit être en concurrence, y compris dans le domaine des services publics et de l’État-providence.
Cependant, il n’est pas facile de libéraliser entièrement le mécanisme du marché. En effet, le marché a été transformé par des positions de monopole et des accords de cartel, et c’est précisément là que l’État n’intervient pas suffisamment. De plus, les personnes n’agissent absolument pas de manière rationnelle et doivent souvent être protégées contre elles-mêmes. Par exemple, un État est nécessaire pour garantir une pension à chacun.
Depuis l’avènement du néolibéralisme dans les années 80, la taille de l’État a augmenté de manière spectaculaire. Selon l’idée originale de John Maynard Keynes, l’État devrait épargner davantage en période de prospérité afin de pouvoir dépenser en période de récession. Si les dépenses ont bien été réalisées, l’épargne n’a pas suivi. Grâce aux déficits publics, l’économie a été constamment stimulée. L’augmentation des dettes a rendu l’État dépendant du marché « libre ». Après le krach de 1987, la banque centrale a commencé à soutenir le marché, qui est ainsi devenu moins libre. Au cours des années suivantes, la situation s’est encore aggravée jusqu’à ce qu’en 2008, il ne soit plus possible d’abaisser les taux d’intérêt, contraignant les banquiers centraux à recourir à une politique monétaire non conventionnelle.
Toujours plus de règles
Les néolibéraux ont aussi régulièrement prôné la déréglementation, mais en fin de compte, nous n’avons eu que davantage de nouvelles règles. Par conséquent, nous sommes aujourd’hui très éloignés du capitalisme originel. Cela signifie également que la critique du capitalisme est plutôt une critique des conséquences d’un État trop important, de trop nombreuses règles et d’un marché libre qui ne fonctionne pas, ce qui rappelle davantage la critique du socialisme, voire du communisme.
La force du capitalisme réside dans la prospérité qu’il génère. Ce capitalisme – tout comme la démocratie – mérite d’être soigneusement préservé. La crise du capitalisme réside aujourd’hui principalement dans un État trop actif. Les principales lacunes de cette nouvelle interprétation du capitalisme (comme une croissance plus lente, ainsi que moins équitablement répartie) sont de plus en plus importantes. L’ancien président de la Fed, Alan Greenspan, était fier d’avoir pu lisser le cycle économique, mais en évitant une récession, il a également aplani la reprise qui s’en est suivie, entraînant ainsi un ralentissement de la productivité.
La cause doit être recherchée principalement dans un environnement où les entreprises sont soumises à de nombreuses réglementations et où l’endettement est élevé. Un environnement où les grands monopoles et oligopoles prospèrent grâce à leurs relations avec l’État. Trois industries sur quatre sont aujourd’hui des oligopoles, et de la pire espèce : celles qui survivent en faisant pression sur les organismes de réglementation pour éliminer les concurrents au lieu d’innover.
Zombies
L’État est désormais là pour tout et pour tous. Bienvenue dans l’utopie communiste. Avec tous ces déficits et ces dettes croissantes, des entreprises sont maintenues à flot alors qu’elles ne gagnent même pas suffisamment pour couvrir les intérêts de leurs dettes. Elles ne peuvent survivre qu’en contractant de nouvelles dettes. Jusqu’au tournant du millénaire, de telles entreprises (qualifiées de « zombies ») n’existaient qu’au Japon. Aujourd’hui, aux États-Unis, une entreprise cotée sur cinq est zombie. Elles sont faibles et non rentables, mais elles gênent leurs concurrents dans le même secteur. Un tel environnement, avec d’un côté de grands monopoles et oligopoles et de l’autre des zombies, ne permet pas à la destruction créatrice de faire son œuvre. Il n’y a plus de marché et donc, plus de capitalisme.
Malheureusement, ce processus est renforcé par les investisseurs passifs. Pour eux, peu importe qu’une entreprise innove ou puisse commencer à gagner beaucoup plus. Tout ce qui compte, c’est le poids de l’entreprise dans l’indice, ce qui leur permet de profiter du travail des investisseurs actifs. Cependant, ces derniers ont de moins en moins d’influence sur la composition de l’indice. Les zombies, les monopoles et les oligopoles sont principalement soutenus par les investisseurs passifs.
Retrouver la liberté
Il incombe désormais à l’État de libérer à nouveau le marché. En période de récession, l’État peut aider les chômeurs et veiller à ce que les marchés de capitaux continuent de fonctionner, mais il doit cesser de stimuler l’économie pendant les périodes de reprise. Les entreprises doivent à nouveau pouvoir faire faillite normalement. Il faut abandonner la quête de l’utopie de la croissance infinie. Moins de réglementations, moins d’État et laisser la main invisible du marché libre faire à nouveau son travail.
Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.