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Avant de devenir CEO de Moonfare, Steffen Pauls a été aux commandes de KKR, en Allemagne, pendant plus de 11 ans. Il a quitté la société d’investissement américaine e 2015, mû par un nouvel objectif : rendre les marchés privés accessibles aux particuliers. Et il ne comprend que trop bien que ce groupe cible puisse avoir quelques préoccupations éthiques vis‑à‑vis du secteur. 

Steffen Pauls s’est entretenu avec Investment Officer depuis son appartement munichois. Un rare moment de calme pour le CEO, qui partage en principe son temps entre des bureaux européens, américains et asiatiques. Son entreprise Moonfare, l’une des premières plateformes de capital-investissement pour les investisseurs de détail, compte plus de 4 000 clients et est active dans 22 pays - comme Steffen Pauls, donc.

Recommandez-vous une vie telle que la vôtre ?

« L’un de mes fils m’a récemment dit qu’il souhaitait lui aussi faire carrière dans le capital-investissement. Ce n’est pas une mauvaise idée en soi, du moment qu’il ne le fait pas seulement pour l’argent. La vie est courte, et on peut gagner de l’argent de toutes sortes de façons. » 

« Mais j’apprécie vraiment mon travail. En outre, les gens oublient parfois que notre travail est aussi bénéfique à la société », rappelle Steffen Pauls, également fondateur et CEO de 7 Global Capital, une boutique de capital-investissement avec 40 millions de dollars sous gestion, basée au Luxembourg, mais opérant depuis la Silicon Valley. 

Comment aidez-vous la société ?

« Depuis le début du siècle, le pourcentage d’entreprises demandant une cotation en Bourse est en baisse aux États‑Unis. À ce jour, 88 % des entreprises américaines dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 milliards de dollars sont des entreprises privées. Ainsi, et quoique certains investisseurs pensent le contraire, la très grande majorité des possibilités d’investissement se trouve sur le marché privé. Ce que nous faisons ici, c’est démocratiser ce marché : permettre à davantage de personnes d’accéder à des actifs qui, encore récemment, n’étaient achetés que par les investisseurs institutionnels. » 

Investir uniquement en Bourse n’est donc plus suffisant pour les investisseurs de détail ? 

« Pas si vous voulez vaincre le marché. Si vous sélectionnez les meilleures entreprises de private equity, le quartile de tête, vous vaincrez le S&P 500 de quelques points de pourcentage de façon assez constante. Ce qu’on ne peut pas faire, c’est se contenter d’investir une coquette somme dans beaucoup d’entreprises, et espérer une surperformance. »

« La gestion active est indispensable si l’on veut générer de l’alpha, et c’est une chose qui n’est presque plus faisable sur les marchés publics. Les acteurs majeurs du buy-out, comme KKR, Carlyle ou Blackstone, ont, en tant que propriétaires, les moyens et l’expertise nécessaires pour mettre en œuvre des améliorations opérationnelles et influencer l’agenda de l’entreprise. » 

D’aucuns comparent parfois les grandes entreprises de capital-investissement à des pillards. Comprenez-vous ce reproche ?

« Ce reproche est bien connu, et pas totalement injustifié. Il fut un temps où les entreprises de private equity étaient effectivement des pillards. Les sociétés des portefeuilles étaient compartimentées, beaucoup d’actifs étaient vendus et, une fois les bonus attribués, elles laissaient ces sociétés pour mortes.

« Les choses ont cependant fondamentalement changé pour la majeure partie du secteur, et en particulier pour les grands noms que j’ai cités. Toutes sont des blue chips cotées extrêmement surveillées.

« Les investisseurs institutionnels sont toujours plus exigeants concernant certaines normes sociétales ou éthiques. Les entreprises qui ne respectent pas ces critères finiront par faire faillite. 

« Il restera toujours des moutons noirs qui passeront sous le radar, et certains d’entre eux n’ont pas un très bon impact sur les entreprises de leur portefeuille, la société, ou la réputation du capital-investissement. »  

De nombreux organismes, dont l’IMF et la BCE, mettent régulièrement en garde contre les risques systémiques liés aux investissements du private equity, et surtout du crédit privé. Craignez‑vous parfois qu’ils aient raison ? 

« Le crédit privé est devenu tendance. Ces 18 derniers mois, les investisseurs ont injecté de gigantesques sommes d’argent dans ce marché. De très nombreuses entreprises vont tirer profit de ces prêts mais, les capitaux étant devenus extrêmement onéreux, le rendement en pâtira, et cela démultiplie les risques de défaut de paiement des entreprises de portefeuille des sociétés du private equity. » 

« Il est donc parfaitement juste que l’on mette les investisseurs en garde contre les risques inhérents au marché du crédit privé. La plus grosse bombe à retardement est le secteur immobilier commercial aux États‑Unis, comme nous avons tous pu le lire. À mon avis, nous allons assister à de plus en plus de défauts de paiement. C’est inévitable. »

Cela signifie-t-il également que c’est aux États‑Unis que la déception sera la plus grande ?

« Non, au contraire. Je pense que l’atterrissage se fera en douceur aux États‑Unis, ce qui tient du miracle. Les attentes liées à l’économie européenne étaient, à l’inverse, exagérément positives lorsque ces investissements de crédit ont été réalisés. Les investisseurs n’ont, selon moi, pas assez tenu compte du ralentissement économique en Europe. »

La période à venir s’annonce passionnante.

« Je pense que 2024 et 2025 entreront dans l’histoire comme deux des meilleures années pour le capital-investissement. Les valorisations sur les marchés privés ont environ 12 à 18 mois de retard par rapport aux marchés publics, et nous y avons vu d’incroyables pics. En outre, pour le moment, les multiples des marchés privés sont très raisonnables de manière générale. Nous allons probablement bientôt voir des plus‑values significatives. »

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