Les chances que les portefeuilles d’investissement ne soient quelque peu impactés par la saga politique aux États-Unis semblent nulles. Même si Donald Trump gagne.
« Imaginez un instant que Donald J. Trump remporte les élections présidentielles. Certains lecteurs de cette colonne frémiront à cette idée, et pourraient même bien arrêter ici leur lecture. Mais que se passera-t-il au juste le lendemain ? Pour les marchés ? Pour l’économie ? » écrivait le New York Times un mois avant que Donald Trump, contre toute attente, ne remporte les élections en 2016.
Le journal citait alors l’économiste du MIT, Simon Johnson, selon lequel la présidence de Donald Trump « provoquerait certainement un krach » sur le marché boursier « et plongerait le monde dans une récession ».
Investment Officer avait alors également sondé les spécialistes. Les investisseurs, professeurs et analystes consultés avaient qualifié une éventuelle victoire de Trump d’« inquiétante » et de potentiellement dangereuse. Pour la réélection qui n’a finalement pas eu lieu en 2020, on prévoyait même « le chaos, des guerres commerciales et un désastre existentiel ».
Nous savons à présent que les marchés boursiers américains ont réalisé d’excellentes performances sous la présidence de Trump. En dépit du recul du marché pendant la pandémie, le S&P500 a enregistré un rendement annuel moyen de plus de 13 %.
L’ex-président - qui s’estimait responsable du succès des marchés - avait prédit, il y a trois ans, un krach sur les marchés si le président démocrate Joe Biden accédait à la Maison-Blanche. Là encore, il ne s’est finalement agi que d’inepties.
Niveau record pour le S&P 500
Le mois dernier, Donald Trump s’en est pris aux nouveaux records atteints par les marchés boursiers en affirmant que ces derniers « ne faisaient qu’enrichir encore les riches ».Malgré ses prévisions, le S&P 500 a atteint un niveau record historique pendant la troisième année de mandat de Joe Biden.
Les marchés ne se soucient donc sans doute pas de qui occupe la Maison-Blanche, et n’affichent pas de préférence marquée pour un certain président. Mieux encore : d’après le bureau d’études Ned Davis Research, le S&P 500 a, au fil de l’histoire, enregistré ses meilleures performances alors que la côte de popularité du président était plutôt basse.
Pourtant, beaucoup d’individus fortunés craignent que leurs investissements soient affectés par la saga politique qui se profile aux États-Unis. Une enquête menée auprès de mille investisseurs ayant au minimum 250 000 dollars d’actifs à investir révèle que la moitié des sondés sont « très inquiets » quant à l’impact des prochaines élections américaines sur leurs portefeuilles. L’inflation, l’apparition d’une récession ou des taux d’intérêt plus élevés les préoccupent moins, si l’on en croit l’étude menée par Janus Henderson Investors.
Selon Matt Somer, directeur du Specialist Consulting Group de Janus Henderson Investors, ces inquiétudes sont « probablement alimentées par l’avalanche de gros titres autour des élections de 2024, comme cela avait été le cas en 2020 », mais un examen des précédents cycles électoraux depuis 1937 suggère qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter au sujet de celui qui s’annonce.
Pour Matt Somer, « si l’on observe les performances du S&P 500 entre 1937 et 2022, on constate que son rendement annuel moyen est de 9,9 % les années d’élections présidentielles, et de 12,5 % pendant les autres années. »
« Les rendements ont beau montrer plus de variabilité, ces constats illustrent néanmoins le fait que les performances du marché ne sont pas déterminées de façon régulière et prévisible par une politique républicaine ou démocrate, ou par un gouvernement divisé », commente-t-il.
La composition de l’économie américaine est restée constante depuis des dizaines d’années. Même les périodes de domination d’un certain parti n’ont pas entraîné de changements profonds, comme l’écrit le stratège de marché Invesco Brian Levitt dans un message à ses clients. « Le pourcentage de propositions de loi « substantielles » par mandat du Congrès n’augmente pas lorsqu’un seul parti détient le pouvoir exécutif et législatif », constate-t-il.
Budget
Selon Marko Papic, stratège en chef chez ClockTower Group, une victoire de Donald Trump cette année mènerait vers un « nouveau niveau de prodigalité fiscale » si le Congrès se trouvait dominé par les républicains. « Trump est un nationaliste et un populiste, il dépensera sans la moindre retenue et réduira les impôts », soutient Marko Papic dans le Financial Times. « Cela fera s’envoler les prévisions inflationnistes et tirera les prix des obligations vers le bas. »
Par le passé, cependant, le marché ne s’est que peu soucié de la domination d’un parti ou d’un autre, comme le révèle l’étude de Janus Henderson Investments. Le rendement annuel moyen des périodes pendant lesquelles le gouvernement était dominé par un seul parti était de 11,5 % sous un gouvernement démocrate contre 16,1 % sous les républicains.
Les performances du S&P 500 en périodes de gouvernement divisé ont permis d’obtenir un rendement moyen annuel de 15,9 % sous un président démocrate, et de 9,4 % sous un président républicain.
La relation entre économie et politique est donc bien moins étroite que l’imaginent généralement les investisseurs, comme le constatent les économistes de New York Life Investments, et notamment la stratège multi-actifs Lauren Goodwill.
Les dépenses fédérales ont, la plupart des années et sous la plupart des gouvernements, augmenté plus vite que les impôts et autres sources de revenus gouvernementaux, et cela n’a posé, jusqu’à présent, aucun problème pour les investisseurs. Les deux partis s’accordent sur le fait que la gestion de la dette à long terme est importante, mais aucun des deux ne se penche sur cette question une fois au pouvoir.
Les titres du Trésor américain n’ont pas perdu leur réputation de valeur refuge au cours des précédents cycles électoraux présidentiels, même à présent que le niveau de la dette fédérale et les coûts liés à sa gestion atteignent de nouveaux pics.
Fed
Un autre problème bien connu évoqué par les journalistes et autres commentateurs est la possibilité d’un nouveau président pour la Réserve fédérale sous un éventuel nouveau régime ; contrairement au locataire de la Maison-Blanche, cette institution exerce bel et bien une influence sur les marchés.
Selon Lauren Goodwill, la politique monétaire américaine est délibérément apolitique ; bien que le président de la Réserve fédérale soit nommé par le président américain, son financement provient d’investissements propres et non du budget fédéral.
Historiquement, cependant, les influences sont plutôt inversées. La popularité des présidents, à l’instar des marchés, est influencée par la politique monétaire. Les présidents Ronald Reagan et Bill Clinton ont bénéficié d’une baisse continue des taux d’intérêt, tandis que George H.W. Bush et George W. Bush ont été pénalisés par des durcissements de la Fed, une courbe des taux inversée et une récession. BaBarack Obama a profité de taux d’intérêt favorables pendant son mandat, et Donald Trump a été la malheureuse victime d’une politique plus stricte pendant ses deux premières années. Enfin, pendant la présidence de Biden, la banque centrale a augmenté les taux 11 fois dans une tentative de contenir l’inflation.
« Considérez la nature indépendante du cycle économique lui-même », conseille Lauren Goodwill. « La politique fiscale et monétaire peut créer un système de mesures incitatives, comme la réduction des impôts et des taux d’intérêt afin de favoriser l’activité économique, mais cela peut seulement encourager un certain comportement chez les consommateurs et entreprises, pas l’imposer. »