Si les banques privées et gestionnaires de patrimoine veulent maintenir la croissance de leurs bénéfices, ils devront modifier leur fonctionnement en profondeur. « Adapt or die » : ce sont les mots prononcés Peter Van der Smissen, secrétaire-général de la Private Banking Association - Belgium (PBA-B), au Trends Investment Summit 2019.
Il a commencé sa vision d’avenir pour le secteur en notant que la Belgique était « un pays pauvre avec des habitants riches ». 122 600 d’entre eux sont en effet millionnaires, soit deux fois plus qu’il y a dix ans, et leur patrimoine moyen s’élève à 2,2 millions d’euros.
La plupart des banques privées de Belgique appliquent un seuil d’accès d’1 million d’euros, seuil qui s’élève à 2,5 millions d’euros chez les gestionnaires de patrimoine. Mais certains acteurs offrent leurs services de gestion de patrimoine dès 500 000 euros ou même la moitié, comme BNP Paribas Fortis.
Au total, l’association, qui représente plus de 90 pour cent du marché belge, estime le volume du marché à environ 400 milliards d’euros.
Le marché belge des banques privées et gestionnaires de patrimoine est « très compétitif », avec de nombreux acteurs pénétrant et quittant le marché. Selon Van der Smissen, beaucoup d’entre eux restent discrets quant au patrimoine qu’ils ont sous gestion.
Cependant, De Tijd fait chaque année le point sur la répartition du marché, et distingue trois catégories à cet égard. Les principaux acteurs sont BNP, KBC, ING et Belfius. Au total, ce ‘big four’ gèrerait 280 milliards d’euros.
Viennent ensuite les ‘challengers’, avec un patrimoine sous gestion compris entre 10 et 35 milliards d’euros. Degroof Petercam et Delen Private Bank, qui fait partie d’Ackermans & van Haaren, arrivent en tête de liste, suivis des acteurs étrangers Deutsche Bank et ABN Amro Private Banking, dont le volume sous gestion a doublé l’année dernière (passant de 6 à 12 milliards d’euros) suite au rachat de Société Générale Private Banking. Puilaetco Dewaay, qui fait partie de KBL European Private Bankers, est le cinquième et dernier acteur de ce segment.
Enfin viennent les boutiques, avec des noms comme CapitalAtWork, Mercier Vanderlinden et Bank Nagelmackers. Les principaux acteurs étrangers de cette catégorie sont Van Lanschot Belgique et Banque de Luxembourg Belgique.
Certains noms manquent cependant à la liste. Ainsi, CBP Quilvest, Edmont de Rothschild, Van de Put & Co, Indosuez, Merit Capital et Treetop Asset Management, entre autres, n’ont fourni aucun chiffre relatif à leur patrimoine sous gestion.
Les années d’opulence
Ces dernières années ont été des années fastes pour le secteur, avec 13 pour cent de rendement des capitaux propres. « J’ai un passé dans le secteur de la banque de détail, et un tel pourcentage y est irréalisable », précise Van der Smissen.
Les bénéfices des banques privées et gestionnaires de patrimoine ont connu une croissance moyenne de 5,7 pour cent par an entre 2013 et 2017. Ce qui préoccupe cependant l’administrateur de PBA-B est que cette croissance a essentiellement été motivée par des marchés financiers en hausse, et dans une moindre mesure par les flux entrants.
« Si la croissance est à 60 pour cent due à un facteur externe, cela peut potentiellement poser problème. »
Surtout si l’on tient compte du fait que des rendements supérieurs à la moyenne ont été obtenus ces 30 dernières années sur les marchés financiers et que des acteurs comme McKinsey s’attendent à ce que les 20 années à venir soient nettement plus difficiles.
Ajoutons à cela que la faiblesse des taux d’intérêt (faible marge sur les dépôts), le durcissement de la loi et des réglementations (baisse des rétrocessions), la numérisation (émergence du robo-conseil) et l’évolution des besoins et attentes des clients exercent une pression aussi bien sur le chiffre d’affaires que sur les coûts.
Les gagnants de demain
En réduisant continuellement les coûts, la banque privée européenne moyenne a su stabiliser la marge bénéficiaire autour de 25 pour cent. Mais les gagnants du secteur de demain seront, selon Van der Smissen, ceux qui se concentreront sur le chiffre d’affaires plutôt que sur les coûts.
Générer plus de chiffre d’affaires est entre autres possible par un ‘smart pricing’. « Par exemple, arrêter d’offrir des remises dont le client ne connaît même pas l’existence. » Mais aussi en misant davantage sur une augmentation des entrées nettes, en envisageant des partenariats avec des acteurs non financiers et en dirigeant les clients ‘execution only’ (55 pour cent des actifs sous gestion !) vers le conseil et la gestion.
Il est essentiel, pour un modèle commercial stable, d’offrir aux clients une offre personnalisée à l’aide d’une analyse de données. Van der Smissen : « En ce qui concerne la satisfaction des clients, la confiance est bien sûr la priorité absolue, mais elle est suivie par une prestation de services personnalisée. Ensuite viennent la disponibilité du banquier privé et le nombre de contacts, le ‘confort’ de la prestation de services et le résultat des investissements. »
Le rôle du banquier privé ou gestionnaire de patrimoine doit également être abordé différemment. « Souvent, leur profil ne correspond pas à ce que veut le client. » Les interactions entre banque privée et client doivent être rendues possibles par le biais de différents canaux (multi-channel), et l’accent ne doit pas tant être mis sur les investissements que sur la planification patrimoniale et le fait d’offrir une expérience client spéciale et distinctive.
« Si vous vous concentrez sur les investissements, vous aurez, chaque année, une bonne ou mauvaise discussion avec votre conseiller, en fonction de la direction prise par les marchés. Si vous vous concentrez sur la planification patrimoniale, les discussions ne pourront être que bonnes et vous vous positionnerez ainsi du côté des gagnants. »
Environ 5 000 professionnels sont actifs au sein du secteur belge des banques privées, dont environ 3 000 sont en contact avec des clients.
Van der Smissen a finalement conclu sa présentation par une citation de Charles Darwin : « It is not the strongest of the species that survives, nor the most intelligent, but the one most responsive to change. »