La chute du gouvernement du Premier ministre Michel Barnier a suscité le chaos sur le plan politique et fortement accru les tensions sur les marchés obligataires européens. Pour les opérateurs, le Danemark est devenu l’exemple des bonnes pratiques à suivre au sein de la zone euro.
Après seulement trois mois au pouvoir, le gouvernement Barnier est tombé mercredi soir, après l’adoption d’une motion de censure. Ce revers fait suite à une tentative infructueuse de faire adopter un budget de 60 milliards d’euros destiné à maîtriser des déficits en constante augmentation. Les spreads obligataires français ont atteint leur plus haut niveau depuis la crise de la dette souveraine européenne en 2012, tandis que le Danemark prend le statut de refuge.
Mercredi, le rendement des obligations d’État françaises à 10 ans (OAT) a grimpé à 2,92 %, soit 84 points de base au-dessus de celui des Bunds allemands. Cet écart, le plus marqué depuis plus d’une décennie, témoigne du manque de confiance des investisseurs dans l’économie française.
La fin du freeride
Pour Raphaël Gallardo, chef économiste chez Carmignac, cette crise marque la fin du freeride de la France. Des années de mauvaise gestion, couplées à une forte dépendance vis-à-à-vis des créditeurs étrangers (55 % de la dette publique française est détenue par des investisseurs étrangers) ont sensiblement accru la vulnérabilité du pays.
« La France ne dispose plus du contrôle de sa monnaie et de sa politique monétaire, si bien que les réformes nécessaires devront s’opérer via des variables réelles, telles que la croissance et les mesures d’austérités », a-t-il déclaré.
Cette vulnérabilité est encore renforcée par l’impasse politique. L’absence d’accord sur le budget témoigne de la faiblesse structurelle du système politique français, constate Léo Barincou, économiste senior chez Oxford Economics. « Sans majorité parlementaire ni consensus entre les partis, la France s’enfoncera dans un cycle de déficits et d’instabilité ».
L’exemple danois
Contrastant avec les difficultés de la France, le Danemark fait de plus en plus office d’exemple pour l’Europe. Les obligations danoises ont profité de la rigueur budgétaire, couplée à une devise indépendante et à l’absence de resserrement quantitatif. Anders Svendsen, responsable de l’analyse chez Nordea Markets, souligne que la banque centrale danoise détient des réserves équivalentes à plusieurs années d’émission, garantissant ainsi une stabilité même dans des scénarios défavorables.
« Les obligations souveraines danoises (DGB) sont devenues un cas d’école témoignant des avantages d’une gestion budgétaire saine », affirme-t-il. À l’inverse de la France, point de double déficit et de turbulences politiques au Danemark. Logiquement, les spreads entre les obligations danoises et les Bunds allemands se sont resserrés.
« Ce contraste avec la France illustre le scepticisme du marché quant à la résilience de la zone euro », analyse Raphaël Gallardo, en référence à la récente vigueur relative des obligations danoises.
Le spread entre les obligations danoises à 10 ans et leurs homologues allemandes est devenu négatif ces dernières semaines. Jeudi dernier, il s’inscrivait à -25 points de base. L’écart de rendement entre les obligations néerlandaises et allemandes s’est aussi réduit la semaine dernière ; il atteint désormais 22 points de base, contre 24 il y a un mois.