L’hypothèse du marché efficient affirme que le prix des actions reflète toutes les informations. Qu’est-ce que cela signifie en réalité ? Quel rôle jouent les journalistes dans cette histoire ? Quelle est l’importance des médias (inter)nationaux ? Et quel regard devons-nous porter sur la tendance des médias sociaux et des forums financiers ? Malédiction ou bénédiction ?
Les actualités sont omniprésentes et plus rapides que jamais. Quel est leur impact sur les cours des actions ? Les recherches montrent qu’elles ne sont pas totalement sans importance. Tout d’abord, les journaux vont plus vite écrire quelque chose à propos de grandes actions caractérisées par une volatilité plus élevée, mais aussi (ce qui est beaucoup plus important) moins suivies par les analystes et plus présentes dans les portefeuilles des investisseurs particuliers.
Cela n’a peut-être rien d’inattendu : les journaux doivent se vendre. Ainsi, en s’adressant davantage aux lecteurs proprement dits, ils augmentent leurs chances d’être plus vendus. La question est cependant de savoir si cela a également un effet sur le marché boursier. Les actions qui n’apparaissent pas dans les journaux ont un rendement attendu plus élevé (également appelé prime de risque) par rapport aux actions qui apparaissent souvent dans les médias.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Un rendement attendu plus élevé signifie que les entreprises ont un coût du capital plus élevé (c’est-à-dire qu’elles pourront moins vite lever des fonds ou lancer un nouveau projet). Étant donné que la couverture médiatique est un choix des rédacteurs, ce résultat n’est pas sans importance. Mieux encore, il peut même être retracé jusqu’au 19e siècle.
Les journaux adaptent leurs actualités aux investisseurs particuliers, ce qui a un impact sur les cours des actions.
Deuxièmement, les journaux ajustent aussi délibérément leurs propos lorsqu’il s’agit de leurs propres entreprises. Un bon exemple pour illustrer ce fait : les constructeurs automobiles sont souvent la véritable fierté nationale. Un article récent a montré que les actualités sont écrites de manière beaucoup plus positive dans le pays concerné que dans d’autres pays. Il suffit de penser à l’affaire du Dieselgate qui a touché Volkswagen.
Cette nouvelle a été couverte par les médias d’une manière différente (plus positive) en Allemagne par rapport aux États-Unis, par exemple. Là encore, cela dépend entièrement du journal proprement dit : la rédaction peut donner une certaine tournure aux histoires. Cependant, la question est ici également de savoir si cela a un effet sur les marchés financiers. Une fois encore, la réponse est oui. Lorsque qu’un événement de l’actualité bénéficie d’une tournure plus positive dans le pays concerné, les rendements augmentent considérablement. Cependant, l’effet n’est visible qu’à court terme. À plus long terme, nous assistons à une mean-reversion, ou retour à la moyenne. En d’autres termes, il y a donc une volatilité supplémentaire due à la tournure positive que donnent les journaux à certains événements de l’actualité.
Les journaux orientent leurs informations vers le marché national, ce qui a un impact sur la volatilité.
Enfin, les canaux de médias sociaux et les forums financiers ont pris actuellement une importance considérable. En 2021, par exemple, l’épisode important avec GameStop ainsi que d’autres ‘meme stocks’ sont apparus dans les actualités. Ce flux supplémentaire d’informations génère un phénomène important : par le passé, personne n’était vraiment en mesure d’influencer personnellement le marché boursier.
L’investisseur moyen était alors preneur de prix, et non fixateur de prix. Mais grâce à Reddit et WallStreetBets, les investisseurs sont en mesure de mieux communiquer entre eux et de se coordonner– ce dont le short squeeze de GameStop constitue l’exemple le plus célèbre. Cependant, cette coordination leur permet (1) de devenir fixateurs de prix et d’ainsi influencer le marché de manière positive et négative, et (2) de dissuader les shorters.
Ce dernier point est très important car les shorters fournissent des informations supplémentaires (ce que nous appelons la price discovery) : ils offrent en effet une vision alternative du marché. Lorsque nous repoussons les shorters (et n’autorisons ainsi que les opinions positives), les marchés fonctionnent moins efficacement.
Les médias sociaux peuvent donc avoir un impact très négatif sur le fonctionnement des marchés financiers.
Gertjan Verdickt est professeur d’économie financière à la KU Leuven et expert en connaissances chez Investment Officer.