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L’une des tâches d’un analyste boursier est de convertir des informations et des chiffres en opinion claire, en fonction de la société de bourse, de l’achat à la vente. Quelle est l’importance de ces notations ? Mon avis est que la pertinence des analystes boursiers en tant que source d’information est surévaluée. En effet, les analystes se concentrent sur une durée maximale d’un an, alors que l’investissement crée un effet à long terme (par exemple 5 à 10 ans), si l’on tient compte de la relation entre risque et rendement.

En outre, plusieurs études montrent que le simple fait de suivre des notations ne permet pas aux investisseurs d’obtenir un rendement positif constant. Un article récemment publié dans l’éminent Financial Analyst Journal montre qu’entre 1996 et 1999, les investisseurs obtenaient un rendement supplémentaire lorsqu’ils suivaient les notations. Ce supplément venait s’ajouter au risque de marché pris ainsi qu’à d’autres facteurs de risque importants. En revanche, entre 2000 et 2001 (la crise de la bulle Internet), les investisseurs pouvaient se fier aux éclairages et recommandations d’un analyste lorsqu’ils avaient besoin de conseils.

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Le tableau montre les rendements ajustés au marché de portefeuilles réalisés avec des recommandations à l’achat ou à la vente (Barber et al., 2003).

Cela signifie-t-il que les investisseurs doivent ignorer l’opinion des analystes boursiers ? Certainement pas. En effet, il existe une notation assez intéressante qui produit constamment de bons résultats : les ‘top picks’ (ou conviction lists, selon la société de bourse). Contrairement à une recommandation normale, les top picks offrent davantage de liberté à la société de bourse, qui peut mettre en avant certaines actions auxquelles elle croit fortement. 

L’étude analyse plus de 3 500 top picks de 113 sociétés de bourse durant la période 1999-2016. Les résultats parlent d’eux-mêmes : les top picks attirent non seulement davantage l’attention des investisseurs particuliers et institutionnels et de la presse, mais influencent également le comportement des deux types d’investisseurs. Résultat : les top picks affichent en moyenne un rendement plus élevé que les autres actions. De plus, cette étude montre que la carrière d’un analyste boursier dure moins longtemps lorsqu’il recommande de mauvais top picks. Par conséquent, la valeur informative des top picks est nettement supérieure à la recommandation boursière moyenne.

Une autre conclusion de l’étude est que les top picks offrent beaucoup de valeur en plus par rapport aux recommandations à l’achat. Le rendement des portefeuilles ‘top picks’ (ou conviction list) est de 1,3 % par mois, en plus des facteurs de risque existants (par exemple, effets du momentum, de la valeur et de la taille). Surtout si l’on zoome sur la distinction entre les portefeuilles ‘top picks’ et les portefeuilles ‘recommandations à l’achat’, la différence est de près de 1 % par mois (en plus des risques pris). Les top picks ont clairement des informations supplémentaires à offrir.

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Le tableau montre le rendement mensuel ajusté au marché (en fonction du nombre de facteurs de risque) pour les portefeuilles ‘top picks’ ou ‘recommandations à l’achat’ et la différence entre les deux. *, ** ou *** représentent une significativité statistique de 1, 5 et 10 %. Le tableau montre également que les portefeuilles comportant uniquement des recommandations à l’achat ne présentent pas de résultats positifs constants (Birru, Gokkaya, Liu & Stulz, 2020).

Pourtant, les top picks ne sont pas exempts de controverse. Il est vrai que les sociétés de bourse sont plus rapides à donner le label ‘top picks’ à leurs propres clients. Bien que le top pick moyen conduise à un rendement plus élevé, comme le montre le tableau, il existe un lien plus fort entre top picks peu performants et clients. Ainsi, les top picks moins performants après avoir reçu ce label sont plus souvent des clients. Est-ce une mauvaise nouvelle pour les investisseurs ? Pas nécessairement. L’étude montre qu’une plus mauvaise sélection a des conséquences négatives pour l’analyste en question. En effet, sa réputation se trouve solidement entachée, mais même si l’on tient compte de cet aspect, il semble qu’il y ait des informations supplémentaires dans la notation.

Cela signifie-t-il que nous devons suivre aveuglément les analystes boursiers ? Pas du tout. Je maintiens ma position initiale. Premièrement, il y a trop de résultats contradictoires pour les portefeuilles basés sur des recommandations boursières. Deuxièmement, on recourt un peu trop rapidement à une recommandation à l’achat, par exemple pour protéger la relation avec le client (un recommandation à la vente peut conduire à l’irritation de l’entreprise en question, qui pourrait donc être moins encline à donner des informations à cet analyste). À mon avis, bien que les top picks puissent à cet égard se distinguer des notations normales, la preuve des résultats positifs doit encore être apportée. Lorsque les investisseurs agissent rapidement sur la base de ces nouvelles informations, ce rendement fond aussi comme neige au soleil. Cela signifie-t-il que nous ne devons plus accorder d’importance aux analystes boursiers ? Pas du tout. Leurs conclusions continuent de jouer un rôle important, mais ne sont qu’une des nombreuses sources d’information que comptent les marchés financiers.

Gertjan Verdickt est professeur à la Monash University. 

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