Regine Debeuckelaere, director private banking & wealth management, KBC
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En raison de la réglementation plus stricte, il est difficile pour les conseillers de communiquer facilement avec les clients et de répondre rapidement à leurs souhaits. Tel est ce qu’affirme Regine Debeuckelaere, directrice de la banque privée et de la gestion de patrimoine chez KBC. « Les clients attendent une réponse rapide à leurs questions, ce qui n’est plus possible à cause de toutes les nouvelles lois et directives qui submergent le secteur. » 

Selon la banque privée, la recherche d’un nouvel équilibre entre de bons conseils et la philosophie de la MiFID II doit offrir aux clients une meilleure compréhension de l’univers complexe des investissements d’aujourd’hui.

Suite aux nouvelles règles européennes, comme MiFID II et le RGPD, la banque privée et la gestion de patrimoine se retrouvent encore plus en transition que bien d’autres formes de prestations de services financiers. Avec la directive européenne en vigueur depuis le 3 janvier de cette année, le conseil en investissement exige significativement plus de travail. Les conseillers et gestionnaires de la relation client sont ceux qui ont le plus à faire sur le plan administratif, les nouvelles règles les obligeant, pour chaque ordre et chaque conseil, à signer une déclaration d’adéquation.    

Une fois par an – et encore plus souvent pour les profils plus élevés –, ils doivent également indiquer en quoi les transactions effectuées sont adaptées à tel client spécifique. Ce processus peut être centralisé dans le cas d’une gestion discrétionnaire, mais pas pour les portefeuilles sur mesure. C’est la raison pour laquelle certaines banques privées dispensent leurs conseils moins facilement, voire cessent totalement de le faire.   

Beaucoup de chemin parcouru

KBC conserve toute la gamme de l’execution only, la gestion discrétionnaire et le conseil, affirme Debeuckelaere. Elle aussi constate la pression grandissante qui pèse sur l’utilisation que les gestionnaires de la relation client peuvent faire de leur temps. D’après elle, la complexité des nouvelles règles n’est pas une sinécure, même pour les grandes banques. « Je soutiens à 100 % la philosophie de MiFID II, qui oblige les acteurs de la finance à mieux informer leurs clients quant au monde de l’investissement. Le fait que les clients puissent mieux s’informer et que les établissements financiers gagnent en transparence est une bonne chose. Mais ces nouvelles règles pèsent extrêmement lourd sur le secteur bancaire : soit vous investissez, soit vous ne le faites plus. À cet égard, je suis heureuse que nous soyons une grande banque. »  

Comme tout établissement financier, KBC a beaucoup travaillé, ces derniers temps, à l’implémentation de MiFID II. Selon Debeuckelaere, certains détails restent encore à régler au niveau sectoriel : « Certaines décisions concernant la règlementation européenne sont arrivées très tardivement, ce qui a également retardé l’implémentation locale. Certaines questions du secteur ont mis très longtemps à recevoir une réponse, l’autorité de surveillance FSMA attendant elle-même des réponses de l’ESMA, le ‘chien de garde’ européen. Le secteur a cependant déjà parcouru bien du chemin, c’est une belle performance. »  

Pour les banques, ce retard persistant sur certains points est synonyme d’un manque de clarté, par exemple pour ce qui concerne la définition de certains profils de clients numériques. Si les banques souhaitent joindre leurs clients par le biais d’un canal numérique, elles doivent là encore suivre certaines règles qui manquent encore de précision, comme l’explique Debeuckelaere. « Il ne sera possible de programmer le logiciel nécessaire à cet égard qu’une fois que l’interprétation de la législation sera parfaitement claire. Il faut donc attendre encore un peu pour cela, mais tous les gros problèmes ont d’ores et déjà été résolus. » 

Des conseils inutilement complexes

Debeuckelaere est en revanche préoccupée par les contacts entre les gestionnaires de la relation client et leurs clients. Elle estime que les nouvelles règles n’aident pas à maintenir des relations humaines et naturelles, et constate en outre dans la pratique que toutes ces règles rigoureuses sont sources d’incertitudes pour le gestionnaire, qui garde constamment à l’esprit qu’il doit penser à attirer l’attention de la personne en face de lui sur toute une série de clauses et avertissements. De plus, les banquiers privés reçoivent régulièrement des plaintes de leurs clients au sujet du fonctionnement fastidieux qu’impose MiFID II.

« N’oublions pas que MiFID II n’est qu’une partie des nombreux changements survenus dans le secteur, au même titre, par exemple, que le RGPD. Qui plus est, ce qui rend toutes ces règles aussi complexes, c’est le grand nombre de législations et interprétations directes et indirectes, qu’il faut comparer et assembler entre elles. Ce travail réduit considérablement le temps que le gestionnaire de la relation client peut effectivement consacrer à la gestion de la relation. On obtient, d’une part, un gestionnaire de la relation client qui a peur de faire des erreurs et, d’autre part, un client qui se demande ce qu’il est advenu des entretiens amicaux qu’il menait avec sa personne de contact. » 

 Des ordres inexécutables

En effet, MiFID II prévoit tous les entretiens destinés aux conseils, et notamment que toute transaction par téléphone requiert, pour ainsi dire, un quart d’heure d’explications, poursuit Debeuckelaere. De surcroît, il reste encore 35 pour cent de la clientèle des banques privées qui ne sont pas passés au numérique en raison de leur âge. À présent donc que les ordres passés par téléphone sont quasiment inexécutables, la banquière privée estime qu’il ne reste plus, pour ses gestionnaires de la relation client, qu’à prendre leur voiture. 

« On s’imagine aisément ce que cela signifie. Tout ceci est dépassé. Même les clients disent : Arrêtez ça, je n’ai pas le temps. Je m’inquiète sincèrement de savoir si nous pourrons vraiment réaliser de cette manière l’objectif final de MiFID II, à savoir servir et protéger le client. Il me semble que cette directive est allée trop loin. »

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