
L’objectif de l’investisseur actif est de ‘battre le marché boursier’. Il existe de nombreuses façons d’y parvenir, mais une tendance citée assez souvent ces derniers temps est le ‘smart beta’ ou ‘factor investing’. L’investissement factoriel consiste à trier les actions en fonction d’un facteur tel que la valeur de marché (size), le rendement de l’année précédente (momentum) ou le ratio book-to-market (value). Surtout dans la littérature universitaire, le nombre de facteurs a énormément augmenté ces dix dernières années. Et même tellement qu’on parle de ‘factor zoo’. Qu’en est-il ? J’examine la situation selon deux points de vue : que nous apprend la période précédant et suivant l’annonce du facteur ?
L’un des principaux problèmes pour répondre à cette question est le manque de données, car les normes comptables n’existent que depuis les années 70. Cela signifie que nous ne disposons que d’une période limitée pour tester notre modèle. Cependant, il nous apprend que le rendement de facteurs dérivés de facteurs comptables (il suffit de penser à un facteur d’investissement, introduit par Eugene Fama) n’est pas robuste dans le temps. Il s’avère être un facteur résultant de l’exploitation de données. En revanche, les facteurs basés sur le rendement – tels que l’inversion à court terme et le momentum à long terme – sont très robustes. Ils offrent du rendement aux 19e, 20e et 21e siècles.
Alors, qu’est-ce que cela signifie ? La probabilité qu’un facteur soit persistant, et donc capable de donner un très bon rendement dans le futur, nécessite que les trois conditions suivantes soient réunies :
• Le processus économique sous-jacent – par exemple le risque – ne doit pas changer.
• Pour que le facteur persiste, les investisseurs ne doivent pas sauter en masse dans ce train.
• Le facteur doit fonctionner à tout moment et en tout lieu.
Comme personne n’a de boule de cristal, nous sommes coincés… Ou pas. Nous pouvons examiner le rendement des facteurs une fois qu’ils sont connus – dans une étude au titre génial ‘Did academic research kill return predictability ?’. Et qu’apparaît-il ? Très peu de facteurs persistent une fois qu’ils sont connus. Par exemple, les facteurs basés sur la ‘valuation of fundamentals’ (les facteurs comptables que j’ai mentionnés) ne survivent pas à la post-publication. Alors, qu’est-ce qui survit ? Les facteurs liés au marché, comme le momentum, la taille et la liquidité. La taille et la liquidité, cependant, ne survivent pas à notre premier test (= le regard sur l’histoire). Il ne reste donc pas grand-chose, à part le momentum.
Le momentum est un facteur intéressant. Depuis 1800 (jusqu’à aujourd’hui), il s’avère être une stratégie qui fonctionne bien. L’idée consiste à calculer le rendement de toutes les actions depuis 11 mois jusqu’au mois précédent (pour contrer l’inversion à court terme), puis de les trier en fonction de ce résultat. Nous allons acheter les actions qui ont eu les meilleurs rendements (généralement les 10% meilleures) et vendre les actions qui ont eu les rendements les plus faibles (les 10% les plus faibles). Cette stratégie offre à chaque siècle un rendement positif, qui ne peut être expliqué par tous les autres mouvements du marché. Alors pourquoi persiste-t-elle ? Parce que c’est une stratégie qui implique des frais de transaction très élevés. Elle paraît donc être un facteur qui ne donne pas de (bons) résultats lorsqu’on la met en œuvre. Une autre alternative consiste à appliquer la stratégie via un ETF – bien que la manière dont les ETF appliquent cette stratégie varie énormément (attention !) – et donc, à ne pas exploiter activement la stratégie soi-même.
Y a-t-il des risques ? Absolument. Le ‘free lunch’ n’existe pas. De nombreux universitaires, dont moi-même, sont convaincus qu’on ne peut obtenir un rendement supplémentaire que si l’on prend également des risques supplémentaires. Quel est le risque avec le momentum ? Que le momentum s’effondre. Les périodes de crise, telles que mars 2020 ou l’année 2008, font que les gagnants deviennent en fait les perdants, et vice versa. La stratégie consiste donc à acheter les pires actions et vendre les meilleures, ce qui vous donne un résultat qui devient très négatif. Par conséquent, le momentum peut être un facteur intéressant à jouer, mais il faut être attentif à tous les détails.