Depuis le lancement du Green deal européen, l’ESG est devenu un amalgame de compromis reposant sur des catégories arbitraires basées sur un concept fondamentalement incohérent et probablement contre-productif.
Cela a commencé dès la phase de préparation. Les lobbies représentés dans les différents groupes de travail étaient si nombreux qu’il était nécessaire d’inventer encore plus de règles pour satisfaire tout le monde. Comme souvent dans ce genre de processus, on perd de vue l’objectif initial et on se concentre principalement sur les mauvais détails.
Pour les Pays-Bas, le Green Deal représente un retour en arrière. Les entreprises qui auparavant ne méritaient pas d’être qualifiées de durables sont désormais à nouveau classées sous l’article 8 de la SFDR, maintenant mieux connu comme l’article « écoblanchiment ». De plus, la SFDR était en réalité l’aboutissement d’une combinaison de directives dans le cadre du Green Deal, tandis que la directive concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) devait fournir les données nécessaires.
Aujourd’hui, des rapports en matière de durabilité sont exigés, mais les grandes entreprises européennes ne rendront ces chiffres disponibles que dans le courant de l’année 2026 seulement. Les plus petites entreprises européennes suivront un an plus tard. Et plus tard encore, seront concernées les entreprises établies en dehors de l’Union européenne et réalisant au moins 150 millions d’euros de chiffre d’affaires dans l’Union européenne, alors que les entreprises n’exerçant pas d’activités au sein de l’Union européenne n’auront pas l’obligation de rapporter.
Cependant, dans toute cette agitation, on a oublié que ces entreprises font également partie d’un portefeuille d’investissement bien diversifié. Un reporting transparent et fiable d’ici 2030 est donc impossible. Ce type de réglementation n’augmente pas l’adhésion à la durabilité.
SFDR
La SFDR avait pour objectif d’améliorer la transparence, mais il apparaît que de nombreux investisseurs ne sont pas particulièrement intéressés par la durabilité. Leur principale préoccupation est de se conformer aux lois et aux réglementations, c’est pourquoi ils se sont empressés d’utiliser la SFDR pour établir une distinction entre les investissements durables et ceux qui ne le sont pas. Bien entendu, la combinaison des nombreuses règles, parfois incompréhensibles, et du désir de se conformer à la réglementation crée un terrain de jeu idéal pour les consultants, qui ne sont que trop heureux de facturer grassement leurs services, tout en devant reconnaître qu’ils ne savent pas toujours comment s’y prendre.
Il est vrai qu’il existe des programmes qui prétendent être en mesure de fournir des rapports en conformité avec la SFDR, mais comme les données ne sont pas encore disponibles, les entreprises qui ne fournissent pas de données sont traitées par analogie avec des entreprises similaires qui fournissent des données. Encore un exemple d’écoblanchiment…
Jusqu’à présent, la mise en œuvre du Green Deal n’était guère plus qu’un hobby coûteux. Les coûts de la transition énergétique pour l’Europe avaient été estimés à 5000 milliards d’euros. Entre-temps, les taux d’intérêt ont augmenté et de plus en plus d’entreprises durables rencontrent des difficultés. Il a récemment été annoncé que Siemens Energy, l’un des plus grands producteurs d’éoliennes au monde, recevra un renflouement du gouvernement allemand pour un montant d’environ 16 milliards d’euros.
Énergies renouvelables
Le gouvernement allemand a trop investi politiquement et financièrement dans les énergies renouvelables et se trouve contraint de fournir un soutien financier. Il ne peut pas se permettre de laisser tomber de telles entreprises. Pour information, Siemens enregistre cette année une perte d’environ 4,8 milliards d’euros et a également prévenu que ses problèmes financiers pourraient persister pendant de nombreuses années. Grâce aux subventions publiques, Siemens a reçu de nombreuses commandes, mais les banques ne sont plus disposées à financer une entreprise en difficulté financière.
Ces résultats décevants s’expliquent par des courbes d’apprentissage courtes dues à une forte demande de nouvelles turbines, ce qui signifie que les coûts de développement croissants ne peuvent pas être récupérés. À cela s’ajoute la concurrence de la Chine. Pour couronner le tout, la plupart des projets d’éoliennes seront bientôt interrompus car ils ne peuvent plus être financés en raison des taux d’intérêt élevés, à moins bien sûr que le gouvernement n’accorde encore plus de subventions.
Siemens Energy ne sera pas la seule entreprise à devoir être sauvée. Dans le domaine des véhicules électriques, les pertes commencent à s’accumuler. La semaine dernière, Ford a conclu avec le syndicat United Auto Workers un accord prévoyant une augmentation salariale de 25 % pour les travailleurs, mais entre-temps, Ford a enregistré une perte de pas moins de 3,1 milliards de dollars sur les voitures électriques au cours des neuf premiers mois de cette année. Tesla a arrêté la construction d’une nouvelle usine au Mexique. General Motors a revu à la baisse ses objectifs de production de voitures électriques. Selon le CFO de Mercedes, tous les constructeurs de voitures électriques ne survivront pas dans les conditions actuelles. Une fois de plus, la concurrence chinoise avec ses voitures électriques bon marché joue un rôle important. Et ce alors qu’ici, les voitures électriques ne se vendent plus que lorsqu’elles sont subventionnées.
Futurs projets éoliens
L’entreprise danoise Orsted fait actuellement pression sur Washington pour obtenir que 50 % des futurs projets éoliens soient financés par des subventions. L’Union européenne souhaite que pas moins de 42,5 % de toute l’énergie soit renouvelable d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif, la capacité éolienne totale devrait passer de 204 GW en 2022 à 500 GW en 2030. De nombreuses critiques s’élèvent contre les subventions accordées par le gouvernement chinois, qui pourraient entraîner l’application de droits de douane, auxquels la Chine répondra en rendant plus coûteux les composants destinés à la production d’énergie renouvelable.
L’industrie a désormais confié à un lobby le soin de faire accepter une hausse de 50 à 64 % des prix de l’électricité. Car parallèlement aux taux d’intérêt, de nombreux autres coûts augmentent également. Sans subventions, pratiquement aucun projet durable n’a de sens. Aux États-Unis, les États de Californie, du Connecticut, d’Hawaï, de l’Indiana, du Maine, du Maryland, du Massachusetts, du Michigan, du New Jersey, du Nouveau-Mexique et de Rhode Island ont demandé des subventions supplémentaires pour les projets durables.
Le lobby durable prétend que l’énergie éolienne et solaire est moins chère que les énergies fossiles, mais cela n’est vrai qu’avec de généreuses subventions et des taux d’intérêt nuls. Les augmentations de prix demandées actuellement par les fournisseurs d’énergie éolienne et solaire rendront cette énergie deux à cinq fois plus chère que l’électricité produite à partir de gaz naturel – si ce n’est que les prix du gaz naturel montent en flèche en raison des attentats terroristes en Israël, ce qui pourrait également sauver l’industrie.
Les sauvetages menés dans le domaine de l’énergie durable rappellent ceux des banques lors de la grande crise financière. N’oublions toutefois pas qu’il y a eu plusieurs renflouements d’institutions financières cette année également, et que ceux-ci découlaient en partie du financement de projets durables par ces banques. La Silicon Valley Bank indique sur son site Web qu’elle a financé pas moins de 1550 entreprises dans le domaine des technologies climatiques et de la durabilité. Il s’agissait souvent de start-ups n’avaient pas encore de produit et brûlaient leur trésorerie, d’entreprises qui n’obtiendraient pas de crédit auprès d’autres banques. En réalité, il s’agit de prêts bancaires à risque élevé (subprimes).
Nous assistons donc à un double sauvetage : celui des entreprises durables, mais aussi celui des institutions financières durables. Et ce sont les contribuables qui paient la note.
Han Dieperink est chief investment strategist chez Auréus Vermogensbeheer. Par le passé, il a aussi été chief investment officer chez Rabobank et Schretlen & Co.