Les nouvelles plateformes réseau poussent comme des champignons, mais elles ne sont pourtant pas toutes identiques. Elles n’ont ni le même modèle économique, ni la même viabilité. Comment sélectionner les gagnants de demain ? James Gautrey, Portfolio Manager Global and International Equities chez Schroders, tente de répondre à ces questions.
Plus le nombre d’utilisateurs d’un réseau est élevé, plus ce réseau devient important et plus il attire de nouveaux utilisateurs. Cet effet réseau génère un potentiel de croissance énorme et relève fortement le seuil d’accès pour les concurrents. Au cours des siècles passés, le déploiement des réseaux traditionnels, comme les chemins de fer et les télécommunications, nécessitait beaucoup de capitaux, de temps et d’efforts. Au XXIe siècle, l’attractivité d’un réseau est plus grande que jamais et sa mise en place est hyper rapide grâce au cloud et aux smartphones.
Les réseaux modernes n’inventent en général pas de nouveaux produits ou services. Ils utilisent en revanche les ressources existantes et ont un effet disruptif sur des modèles économiques utilisés pour la plupart d’entre eux depuis des décennies. Cela génère une valeur énorme, dont les développeurs de la plateforme veulent profiter. Les frais de plateforme varient, mais tournent en moyenne autour de 30 % des dépenses des consommateurs. Comme les réseaux modernes fonctionnent sur un modèle asset light, ils ont la capacité de croître rapidement, ce qui est une condition de réussite. On pense souvent que les marges sont très élevées, alors que ce n’est pas toujours le cas.
Similitudes et différences
Ces réseaux présentent un certain nombre de similitudes. Par exemple, le pouvoir du client (pouvoir d’achat) est faible parce qu’il s’agit d’articles produits en masse, les coûts de changement de fournisseur sont faibles et la menace de l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché est faible d’un point de vue technique, mais elle est élevée compte tenu du potentiel du marché.
Mais il y a aussi des différences en termes de pouvoir du fournisseur : les fournisseurs peuvent exercer une pression en augmentant les prix, en réduisant la qualité ou en limitant la disponibilité des produits. Il s’agit d’un facteur crucial dans la détermination de la marge brute ou de la valeur ajoutée.
Duopole
La plupart des plateformes sont des duopoles, composés de deux parties qui offrent le service et se font concurrence. Cela engendre des coûts élevés de vente et de marketing. Compte tenu de la difficulté de fidéliser la clientèle et du faible coût pour passer à la concurrence, l’essentiel est de ne pas perdre des clients. Toutes les plateformes ont pour objectif à long terme d’être des monopoles. Dans la pratique, elles devront très probablement se contenter d’une part de 50 % (un niveau auquel il n’y a aucune incitation à baisser les prix) d’un duopole lucratif. Bien que cela fasse l’affaire du consommateur, cela serait une frustration pour les investisseurs à la recherche d’une rentabilité à court terme pour prouver que le concept fonctionne.
Pour ceux qui ont des horizons à plus long terme, les plateformes déficitaires d’aujourd’hui restent un investissement intéressant. Il faut mettre en balance la valeur à long terme, d’une part, et les pertes inévitables et la dilution à court terme, d’autre part. L’estimation du bénéfice n’est que le premier volet à prendre en considération et il faut aussi tenir compte du bénéfice par action.
Quels seront les gagnants de demain ?
Chaque plateforme doit être jugée en fonction de ses mérites spécifiques. La tendance à utiliser un acronyme pour les regrouper (FANG, BAT) est trompeuse parce que ces entreprises technologiques sont très différentes les unes des autres. En général, Schroders est plus positif à l’égard des entreprises qui offrent plus de valeur ajoutée. À plus long terme, ces entreprises se trouveraient dans une position plus forte.
Un autre facteur à prendre en compte est la mise en œuvre opérationnelle. Celle-ci est peut-être difficile à évaluer, mais elle peut jouer un rôle déterminant pour la réussite de l’entreprise, en particulier pour les entreprises à faible marge. Hormis la mise en œuvre opérationnelle, les avantages structurels sont eux aussi difficiles à évaluer dans une phase de forte croissance. Mais une analyse approfondie peut révéler des différences intéressantes.