https://www.investmentofficer.be/fr/actualites/larticle-6-bas-fonds-du-non-durableAprès la grande vague de reclassement de la fin de l’année dernière, rares sont les acteurs qui osent encore associer le label le plus durable à leurs fonds. Le reporting selon l’article 9 du SFDR ne leur apporte aucun avantage commercial. C’est ce qui ressort d’un tour d’horizon réalisé par Investment Officer.
Au début du mois, Fidelity a annoncé élargir sa gamme de fonds en y ajoutant huit fonds relevant de l’article 9 du SFDR. Le gestionnaire d’actifs explique que ces fonds visent à répondre à la demande croissante des clients pour des « investissements dans des entreprises qui contribuent à la transition vers une économie plus durable et en tirent profit ».
Fidelity est actuellement l’une des rares parties à oser revenir à l’article 9 du SFDR après le déclassement de nombreux fonds à la fin de l’année dernière.
« À la fin de l’année dernière, l’autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et la Commission européenne ont clarifié la définition de la durabilité dans le cadre de l’article 9, ce qui donne au marché davantage de confiance pour reclasser les fonds, observe Brunno Maradei, Global Head of Responsible Investment chez Aegon AM. Pourtant, peu de fournisseurs franchissent réellement le pas. »
Exigences élevées et peu claires
Après le grand déclassement, pourquoi la nouvelle course à la reclassification tarde-t-elle à venir ? Selon Jelena Stamenkova van Rumpt, Director Responsible Investment chez Anthos Fund & Asset Management, il est possible que les gestionnaires réalisent qu’ils ne peuvent pas répondre aux exigences strictes et parfois peu claires en matière de reporting. Ils font parfois le choix délibéré de ne pas proposer de produits d’investissement aux clients de l’Union européenne en raison de ces exigences élevées. « De plus, il se peut que les gestionnaires ne veuillent pas prendre trop de risques et optent pour les exigences minimales en raison du manque de clarté de la réglementation. »
Brunno Maradei, d’Aegon AM, observe que des fonds comportant le terme « durabilité » dans leur nom font leur apparition sur le marché, mais ne sont pas commercialisés en tant que fonds article 9. « Il est possible qu’ils ne veuillent pas non plus satisfaire aux exigences élevées en matière de publication d’information de peur de devoir à nouveau déclasser leurs fonds, ce qui nuirait à leur image », déclare l’expert d’Aegon AM.
Informations très subjectives
Brunno Maradei estime que malgré le consensus accru à ce sujet, la définition de la durabilité au titre de l’article 9 du SFDR peut encore être interprétée de manière assez large. De plus, les fournisseurs de fonds dépendent des informations fournies par les entreprises, or celles-ci sont « extrêmement subjectives ». « En réalité, les informations fournies par les entreprises ne sont pas fiables. En effet, ces dernières sont libres de décider elles-mêmes ce qu’elles considèrent comme important à mentionner. »
Une option consiste à examiner plutôt les flux de chiffre d’affaires, mais la logique qui sous-tend cette option est discutable, estime Brunno Maradei. « Si l’on considère uniquement les flux de chiffre d’affaires des entreprises alimentaires, par exemple, elles contribuent en théorie toujours à l’éradication de la faim et à l’amélioration de la sécurité alimentaire. Mais dans la pratique, un grand nombre d’entreprises alimentaires produisent des aliments très peu sains ou fabriquent uniquement des produits destinés aux riches des pays développés. Cette distinction n’est encore pas effectuée correctement aujourd’hui et beaucoup d’entreprises sont donc mises dans le même panier. »
Selon Brunno Maradei, il est donc difficile pour un fournisseur de fonds d’alléguer que toutes les entreprises de son portefeuille contribuent effectivement à la réalisation des objectifs de durabilité.
Absence d’avantage commercial
Selon Brunno Maradei, il n’y a pas non plus d’avantage commercial pour les fournisseurs de fonds à rapporter dans le cadre de l’article 9 du SFDR : « Dans le cadre de la nouvelle réglementation MiFID, nous avons dû cartographier les préférences de nos clients en matière de durabilité. Il est apparu que les propriétaires d’actifs n’attendaient pas nécessairement des investissements durables relevant de l’article 9 du SFDR. »
Selon Brunno Maradei, l’intérêt pour les fonds article 9 n’est pas très élevé. « Les clients institutionnels ont bien compris que si on souhaite investir uniquement dans le segment le plus élevé des entreprises durables, il faut exclure un grand nombre d’entreprises. Or, cela crée un portefeuille très concentré. »
Diversité limitée
La diversité limitée des fonds article 9 du SFDR est souvent évoquée comme la raison pour laquelle les investisseurs choisissent de ne pas opter pour la catégorie de durabilité la plus élevée, notamment dans un rapport récent de MSCI. Ce rapport montre que les investisseurs dans des fonds article 8 peuvent diversifier beaucoup plus leurs investissements en termes de classes d’actifs, de zones géographiques et de secteurs que les investisseurs dans des fonds article 9.
« En ce qui concerne les actions et les obligations d’entreprise, il existe de nombreuses options pour les investisseurs qui souhaitent investir de la manière la plus durable possible, souligne Brunno Maradei. En ce qui concerne les obligations à haut rendement, il y a déjà plus de restrictions, car les activités de ces entreprises ne sont bien souvent pas très durables. » Il ajoute que sur les marchés privés, l’éventail des entreprises pouvant être intégrées dans un fonds article 9 du SFDR n’est pas très large non plus en raison du manque de données. « Dans ce cas, il faut vraiment effectuer des recherches approfondies pour déterminer si une entreprise répond aux normes élevées de l’article 9 du SFDR, ce qui prend beaucoup de temps. »
Les obligations d’État constituent également un point délicat. « Le marché des obligations d’État vertes est limité et on constate que les informations fournies dans le cadre de l’article 9 du SFDR sont principalement axées sur la bonne gouvernance, or il est impossible d’évaluer un pays uniquement sur cette base », déclare l’expert d’Aegon.
Avantage
« Bien que l’avantage commercial du reporting dans le cadre de l’article 9 du SFDR ne soit pas encore avéré, je pense que les parties qui le font bénéficient d’un avantage pour la sélection des fonds », déclare Stamenkova van Rumpt, Director Responsible Investment chez Anthos. « D’après mon expérience, les fonds qui rapportent conformément aux articles 8 ou 9 du SFDR peuvent en effet répondre beaucoup plus rapidement et facilement à nos questions. Et nous ne posons pas des questions différentes depuis le SFDR », ajoute l’experte de chez Anthos.
Stamenkova van Rumpt estime que les investisseurs ne devraient pas trop se focaliser sur le SFDR. « Il existe des fonds d’impact de grande qualité établis en dehors de l’Union européenne qui ne sont pas soumis au SFDR. Les investisseurs qui accordent une grande importance à l’investissement d’impact ne se préoccupent pas tant de l’article sous lequel un fonds est classé, mais souhaitent simplement constater que les fonds ont réellement un impact. Le reporting dans le cadre du SFDR contribue à rendre cela plus clair, mais ce n’est pas un label caractérisant la qualité d’un fonds d’impact. »