La probabilité que Donald Trump soit réélu président des États-Unis a augmenté après la tentative d’assassinat de samedi. Et celui-ci envisage d’augmenter les droits de douane de 60 % sur toutes les importations chinoises. Les économistes craignent une Trump Trade War 2.0 et mettent en garde contre un choc inflationniste. La probabilité d’une baisse des taux d’intérêt deviendrait alors nulle.
ASi Donald Trump l’emporte, tous les produits importés seront frappés d’un droit de douane de 10 % minimum. Pour les importations en provenance de Chine, les entreprises américaines devront même payer un droit de douane de 60 %. Selon les économistes et les investisseurs, ces droits de douane risquent d’accroître l’inflation et de freiner la croissance, aussi bien aux États-Unis qu’à l’échelle mondiale.
À l’heure où les banques centrales tentent de réduire l’inflation, cette situation est problématique. Les guerres commerciales peuvent paralyser les investissements des entreprises, comme ce fut le cas immédiatement après le début de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine en 2018. Selon Rogier Quaedvlieg, Senior Economist United States chez ABN Amro, le droit de douane de base de 10 % pourrait déjà provoquer à lui seul un choc initial d’inflation de 1,5 à 2 %.
Les secteurs fortement dépendants des importations, comme l’industrie manufacturière, seront particulièrement touchés. Dans le scénario d’une Trump Trade War 2.0, il est probable que la Réserve fédérale doive maintenir les taux d’intérêt à des niveaux très restrictifs pendant une période prolongée, déclare l’économiste à Investment Officer.
Des droits de douane plutôt qu’un impôt sur le revenu
Selon Rogier Quaedvlieg, les investisseurs doivent réaliser que l’ampleur des droits de douane à l’importation proposés est bien plus importante que lors de la précédente guerre commerciale. À l’époque, les droits de douane concernaient environ 10 % du total des importations mondiales aux États-Unis, principalement en provenance de Chine. « Maintenant, il s’agit de tous les biens importés aux États-Unis », explique-t-il.
Lors de la précédente guerre commerciale, la valeur des actions américaines avait chuté de 1700 milliards de dollars. Selon les données de l’Institut Brookings, les annonces de guerre commerciale avaient fait baisser de 6 points de pourcentage le cours des actions de près de 3000 entreprises cotées en Bourse. Rogier Quaedvlieg a également identifié des dommages mesurables dans divers secteurs de l’économie, tels que l’agriculture, les transports et l’industrie manufacturière.
Donald Trump a indiqué vouloir réduire drastiquement, voire supprimer, l’impôt sur le revenu. Il en a informé les républicains de la Chambre des représentants lors d’une réunion à Washington DC le mois dernier.
Étant donné que l’impôt sur le revenu représente la moitié des recettes de l’État américain, l’ancien président souhaite, s’il est réélu, s’attaquer de nouveau à la politique commerciale des États-Unis. Selon les derniers sondages, cette réélection semble plus probable qu’une victoire des démocrates.
Donald Trump envisage de retirer à la Chine le statut de « nation la plus favorisée », ce qui permettrait aux États-Unis de ne plus être obligés de traiter les produits chinois de la même manière que ceux provenant d’autres pays. Un plan quadriennal sera adopté pour éliminer progressivement toutes les importations chinoises de produits essentiels, tels que l’électronique, l’acier et les produits pharmaceutiques. Les contrats fédéraux seront interdits aux entreprises qui externalisent leur production en Chine.
Choc inflationniste
Le fait que Donald Trump ne recule pas devant une guerre commerciale n’est pas nouveau. En 2018, il avait augmenté les droits de douane sur divers produits en provenance de Chine. Avant la guerre commerciale, les droits de douane américains moyens sur les importations chinoises étaient d’environ 3 %, contre près de 20 % aujourd’hui.
L’administration Biden a maintenu la quasi-totalité des droits de douane sur les produits chinois, et augmenté ceux sur l’acier, l’aluminium, les équipements médicaux, les batteries lithium-ion et les cellules solaires en mai2023.
Bien que les mesures protectionnistes conduisent généralement à une croissance économique mondiale moins optimale, elles ne se sont pas révélées être un obstacle à long terme pour le marché boursier au cours du premier mandat de Donald Trump.
Le S&P 500 a clôturé le 31 décembre 2019 avec une hausse de plus de 28 % par rapport à l’année précédente. Les investisseurs obligataires ont bénéficié de la guerre commerciale grâce aux fortes baisses des rendements des obligations d’État des marchés développés. L’indice Bloomberg Global Aggregate Bond a terminé l’année 2019 avec un gain de 8,9 % et le dollar américain s’est apprécié de 5 % au cours de l’année.
Kristina Hooper, stratégiste en chef chez Invesco, a néanmoins observé un impact négatif évident à court terme sur les actions en 2018, l’année où Donald Trump avait annoncé les droits de douane. Le S&P 500 avait alors chuté de plus de 6 %. Le marché boursier a fini par s’adapter à l’environnement changeant et a progressé les années suivantes, mais en cas de nouvelle guerre commerciale, les actions « subiront une pression importante », estime la stratège, « et en particulier les actions chinoises ».
La stratège estime que les mesures envisagées auraient un impact beaucoup plus significatif et durable sur l’économie, y compris sur la productivité. Cependant, la réaction du marché pourrait être de plus courte durée, car les marchés se sont habitués à un environnement de guerre commerciale », déclare-t-elle à Investment Officer.
« Dans les mois à venir, nous verrons comment ces plans évoluent et quel sera leur impact réel. Les investisseurs doivent se préparer à une éventuelle volatilité des marchés et à une hausse de l’inflation », a conclu Kristina Hooper.
Tentative d’assassinat
Après la tentative d’assassinat dont a fait l’objet Donald Trump, candidat à l’élection présidentielle, samedi en Pennsylvanie, le bitcoin a franchi la barre des 63 000 dollars. Le taux des titres du Trésor américain à 30 ans a pour la première fois dépassé celui des titres à deux ans lundi. Les investisseurs anticipent la victoire de Donald Trump et estiment que la politique qu’il mènera va stimuler la croissance, a conclu Bloomberg lundi.
« Si la tentative d’assassinat de Donald Trump a choqué, en soi, et ravivé les craintes d’un clivage fort de la société américaine, où la violence politique dominerait, cet événement a, selon PredictIt, fait augmenter la probabilité d’une victoire du candidat en novembre, de 61 % avant le tir à 67 % après », affirme l’analyste Ipek Ozkardeskaya, chez Swissquote Bank. « Au cours de l’histoire, de tels événements ont constitué une bénédiction pour les candidats aux élections ».
D’autres analystes sont également d’avis que la probabilité d’une victoire de Donald Trump a augmenté. Bloomberg affirme ainsi « The Trump trade is gaining momentum » (les investisseurs sont de plus en plus nombreux à se positionner pour une victoire de Donald Trump).