Les taux d’intérêt étant de jour en jour plus susceptibles d’augmenter que de baisser, chacun se demande quel pourrait être l’impact sur les sociétés immobilières réglementées (SIR) ou les fonds immobiliers en général. L’impact d’une hausse des taux d’intérêt peut se faire sentir à différents niveaux. Le premier niveau, le plus direct, se situe sur le plan du coût financier, ou des intérêts à payer sur les dettes financières.
Financement bancaire
La majeure partie du financement des SIR belges consiste en un financement bancaire dont le taux d’intérêt est l’Euribor (Tibeur) à 3 ou 6 mois, plus une marge de 1,5 à 2 %. Avec un point de départ de 0 % (et donc, pas l’Euribor négatif), cela implique un coût financier compris entre 1,5 et 2 %. En outre, de nombreuse SIR utilisent également des billets de trésorerie, ou commercial paper dans le jargon spécialisé, afin de profiter encore davantage des très bas taux d’intérêt à court terme. Dans l’analyse des résultats semestriels des SIR belges, nous avons constaté que 3 des 17 SIR étaient confrontées à un coût financier plus élevé.
Wereldhave Belgium
C’est l’augmentation de 0,9 à 1,24 % chez Wereldhave Belgium qui a été la plus prononcée, en raison de l’émission d’une obligation verte avec une maturité de 5 ans et un coupon de 3,25 %. L’impact de cette opération sur le résultat courant n’est pas négligeable. Les petites SIR qui souhaitent effectivement se couvrir à plus long terme contre un taux d’intérêt plus élevé devront bon gré mal gré accepter un taux d’intérêt plus élevé. Étrangement, nous remarquons une évolution différente chez les plus grandes SIR. Grâce à leur taille, éventuellement associée à une notation de crédit, elles parviennent à réduire encore davantage leurs coûts financiers déjà faibles. Avec sa notation de crédit BBB de S&P, Aedifica a par exemple émis une obligation verte à 10 ans de 500 millions d’euros avec un coupon de seulement 0,75 %. Montea a quant à elle levé 235 millions d’euros en différentes tranches avec des échéances de 10, 12 et 15 ans à des taux d’intérêt allant de 1,28 % à 1,44 % ! D’une manière générale, nous ne voyons pas de problèmes ou défis majeurs dans le domaine du financement pour la plupart des SIR pour les 4 à 5 prochaines années.
Volatilité des taux d’intérêt à long terme
Indirectement, la volatilité des taux d’intérêt à long terme peut influencer l’évolution du cours des SIR. La réaction ou la corrélation n’est pas toujours proportionnelle, mais il y a un impact sous-jacent. Dans notre livre sur les SIR, nous avons illustré cela avec un graphique de la période allant de mai 2012 à août 2017. Nous avons placé l’indice EPRA Belgique (composé des plus grandes SIR belges) en regard de l’évolution du rendement des obligations OLO à 10 ans, inverse. Dans la période considérée, la corrélation est donc très élevée. Dans d’autres périodes, nous remarquons par contre une forte corrélation avec l’indice Bel-20, par exemple dans les périodes de forte baisse des cours.
En examinant l’évolution des cours de certaines SIR belges au cours de l’année 2021, nous avons également cherché des explications possibles, d’autant plus que la volatilité des cours nous semblait plus élevée qu’auparavant. Comme raison possible, nous avons vu les nouveaux bonds des taux d’intérêt belges à long terme. Il y a manifestement des parties qui arbitrent constamment entre certaines SIR et les taux d’intérêt à long terme.
Cette corrélation avec les taux d’intérêt à long terme est l’un des risques d’un investissement dans les SIR. L’immobilier emballé dans un fonds constitue donc plus un produit financier qu’un produit immobilier. Et en tant que produit financier, il est en concurrence avec les obligations, entre autres. Non que nous vendions toutes nos SIR lorsque le taux d’intérêt belge à long terme augmente de 0,10 %, mais pour les traders, cela semble être un joli ‘petit jeu’.
Étant donné que les banques centrales réduisent progressivement leurs achats d’obligations et que, dans une deuxième phase, elles initieront une réduction de leur bilan explosé, il n’est pas irréaliste de s’attendre à une hausse des taux d’intérêt à long terme dans quelques mois. Nous espérons néanmoins que la croissance du résultat courant par action de nos SIR sera suffisante pour résister à ce vent contraire.
Gert De Mesure est un analyste indépendant et un stratège en matière d’investissement. C’est sa première contribution mensuelle. Nos autres experts sont Jan Longeval, Tiberghien Advocaten, Gertjan Verdickt et Stefan Duchateau.