Le Texas a toujours été considéré comme l’État pétrolier des États-Unis et, grâce à la fracturation, c’est encore le cas. Au Texas, on extrait tellement de pétrole et de gaz de schiste que les États-Unis ne sont plus dépendants de l’énergie étrangère. Le Texas est également leader dans le domaine de l’énergie éolienne.
Il arrive par moments que 60 % de l’électricité soit fournie par l’énergie éolienne, mais en hiver, cette part tombe à environ 25 %. Il y a moins d’un mois, le marché de l’électricité au Texas était considéré comme un exemple pour le reste du monde. Un mois plus tard, ce système doit être remanié, avec une intervention beaucoup plus importante de la part du gouvernement.
Le réseau électrique du Texas a une structure insulaire : il n’y a pas de liaisons avec d’autres États, de sorte qu’aucune surveillance fédérale n’est requise. Les Texans s’en remettent au marché libre. Le réseau électrique est placé sous la responsabilité d’Ercot, qui doit assurer un équilibre entre l’offre et la demande. Mais Ercot n’a pas la possibilité d’intervenir et ne peut pas obliger les parties à livrer.
En raison de la forte concurrence sur ce marché libre, les prix de l’électricité au Texas sont normalement parmi les plus bas du monde. Cela a permis d’optimiser la production afin de produire au coût le plus bas possible. Par exemple, les éoliennes ne disposent d’aucune protection contre le froid extrême. Ce type de protection augmente en effet leur prix de revient, ce qui les rend non concurrentielles en période plus chaude. La panne d’électricité n’est pas directement imputable aux éoliennes gelées, mais le nombre important d’éoliennes et de panneaux solaires fait indirectement partie de l’explication.
Le prix de revient de l’électricité produite par les éoliennes et les panneaux solaires au Texas est si bas que les centrales au gaz et au charbon ne peuvent plus être concurrentielles. En peu de temps, l’énergie éolienne a doublé, tandis que l’énergie du charbon a diminué de moitié. Mais les systèmes énergétiques alternatifs ne peuvent pas être mis en marche et arrêtés comme les centrales électriques à combustibles fossiles. Personne n’est payé pour détenir une capacité de réserve, c’est pourquoi une grande partie des Texans ont été privés d’électricité. Et ceux qui avaient encore de l’électricité partagent la douleur, car leur facture énergétique de la semaine dernière se chiffre rapidement en milliers de dollars.
En raison de la vague de froid, la production pétrolière américaine a chuté de pas moins de 3,5 millions de barils par jour. Pendant l’ouragan Katrina, la production américaine avait diminué de 1,4 million de barils par jour. La production de gaz naturel a également fortement diminué, notamment parce qu’ils dépendent également de l’électricité bon marché produite par les éoliennes. Au total, 185 centrales électriques ont été fermées. Outre les éoliennes gelées, des centrales à gaz et à charbon ont également été fermées. Une centrale nucléaire située près du Golfe du Mexique a même été fermée pendant plus de 48 heures parce que l’eau de refroidissement avait gelé. Il est un peu trop facile d’accuser directement le réchauffement climatique.
Le Midwest des États-Unis a un climat continental et l’air polaire froid peut affluer sans entrave jusque loin dans le Sud. En février 2011, près de 200 centrales électriques avaient également fermé à cause du froid. En janvier 2014, des problèmes étaient également survenus. Mais ces années-là, la panne de courant avait duré de 4 à 8 heures. Maintenant, une grande partie des Texans sont restés sans électricité pendant 72 heures. Ce qui fait une fameuse différence car sans chauffage pendant 72 heures, de nombreuses canalisations d’eau peuvent geler. Le fait que cela ait duré beaucoup plus longtemps est principalement dû au fait qu’il y a beaucoup moins de centrales nucléaires et à charbon qu’en 2011 et 2014. La capacité de réserve d’énergies fossiles était insuffisante.
Les coûts de cette vague de froid sont élevés. Sans électricité ni chauffage, une partie de l’approvisionnement en eau est également perturbé et les canalisations gelées causent beaucoup de dégâts. Une partie de l’eau n’a plus pu être purifiée et il est provisoirement conseillé de la faire bouillir. Et sans eau, pas de toilettes en état de marche. Ce qui, surtout dans les appartements, est plutôt désagréable. Le week-end dernier, Biden a déclaré l’état d’urgence, ce qui signifie que l’aide d’urgence sous la forme de générateurs diesel fédéraux sera désormais disponible pour le Texas.
À l’avenir, la consommation d’électricité va augmenter de façon spectaculaire dans le monde entier. De nombreux réseaux actuels ne sont pas suffisamment adaptés à cette situation. De plus, les petits producteurs sont de plus en plus nombreux, ce qui fait que le réseau doit aussi devenir plus intelligent. Il y aura davantage de chauffage électrique et il faudra aussi recharger les voitures électriques. À cet égard, la vague de froid au Texas n’était pas une publicité pour les voitures électriques. Être privé d’électricité et d’eau est déjà suffisamment grave, mais avec une voiture électrique, il n’y a plus de transport non plus. Et ce, alors que de nombreux Texans ont passé la nuit dans des pick-up à carburant fossile, juste pour se réchauffer.
Les problèmes du réseau électrique ne se limitent d’ailleurs pas au Texas. La Californie a également connu des pannes d’électricité régulières l’année dernière. Non pas à cause du froid, mais de la chaleur extrême. Par conséquent, la demande était très forte le soir, au moment où le soleil ne brillait pas et où il n’y avait pas non plus suffisamment de centrales au charbon et au gaz pour répondre aux besoins en électricité. Le Green New Deal des démocrates s’est engagé dans une politique climatique durable en investissant 3000 milliards de dollars dans la transition énergétique.
Il est probable qu’en raison des développements au Texas, une part beaucoup plus importante de ces investissements sera consacrée à rendre le réseau électrique plus robuste, y compris la sécurité d’approvisionnement. Il est également probable que ce soit une leçon pour les réseaux électriques dans le reste du monde. C’est bien évidemment une bonne nouvelle pour les entreprises qui construisent ces réseaux et peuvent constituer une capacité de réserve. Ce qui est bien, c’est que beaucoup d’entreprises ne sont même pas fortement valorisées, une alternative pour les personnes inquiètes concernant la bulle boursière.
Han Dieperink est investisseur et consultant indépendant. Plus tôt dans sa carrière, il a été chief investment officer chez Rabobank et Schretlen & Co. Il fait part de son analyse et de ses commentaires sur l’économie et les marchés sur Fondsnieuws. Ses articles paraissent le mardi et le jeudi.