Un événement de trois jours organisé à Bruxelles cette semaine met en lumière l’investissement d’impact. Un cas très médiatisé est le fonds Aquitara, qui collecte du financement pour dépolluer les sols contaminés par l’agent orange toxique pendant la guerre du Vietnam.
L’agent orange était le défoliant largué par les avions et les hélicoptères militaires américains pendant la guerre du Vietnam pour détruire la jungle dense. Il contient d’énormes doses de dioxine qui, plus de 50 ans plus tard, provoque encore des cancers, des malformations congénitales et des troubles nerveux au sein de la population.
« Le problème est énorme. Les estimations concernant les terres contaminées varient entre 100 000 et 1 million d’hectares. À titre de comparaison : la Belgique entière représente environ trois millions d’hectares », explique Franc Bogovic, cofondateur du fonds, qui a récemment quitté son poste de vice-directeur de l’investisseur public finance & invest Brussels et s’installe à Singapour pour se consacrer entièrement à Aquitara.
Ce fonds d’impact collecte actuellement des fonds auprès de family offices, de particuliers et d’investisseurs institutionnels pour financer la dépollution des sols contaminés. Pour ce faire, il compte sur la société bruxelloise Haemers Technologies, qui a développé une technologie de dépollution prometteuse. Tout d’abord, le sol est chauffé jusqu’à ce que la contamination s’évapore, puis le gaz toxique est aspiré hors du sol. La technologie a été testée pour la première fois sur la base aérienne polluée de Bien Hoa en 2022.
Droits fonciers
La compensation pour les investisseurs prend la forme de droits fonciers. Non pas sur les terres dépolluées, mais dans une zone de développement économique de la province de Dong Nai. L’idée est d’y construire des parcs éco-industriels fonctionnant à l’énergie renouvelable.
« En tant qu’investisseur d’impact, cela vous donne une bonne exposition à une économie qui croît de 6 à 7 % par an. Il est important de noter que la propriété privée n’existe pas au Vietnam. Il s’agit de baux renouvelables de 50 ans, explique M. Bogovic. L’accord que nous voulons conclure avec le gouvernement vietnamien est que nous n’achèterons pas directement ces droits fonciers, mais que nous utiliserons le montant équivalent pour investir dans la dépollution des sols ailleurs. »
Aquitara a désormais obtenu 60 millions d’euros de capitaux engagés sous condition (l’accord avec le gouvernement vietnamien n’ayant pas encore été finalisé) auprès d’investisseurs d’impact.
L’aide d’investisseurs internationaux serait bienvenue au Vietnam. Le pays est réticent, par principe, à assumer la responsabilité du nettoyage de la pollution causée par un autre pays, les États-Unis. Cependant, on ne peut plus attendre grand-chose des États-Unis. Un programme de dépollution de l’agence d’aide américaine USAID s’est brusquement arrêté au début de l’année, le président américain ayant fermé le robinet de l’argent pour USAID dans son ensemble. Aquitara offre ainsi une solution privée à un besoin de financement qui serait autrement difficile à satisfaire.
Magasins de proximité
Le projet comporte un troisième volet. Aquitara souhaite également apporter un soutien financier aux victimes de l’agent orange afin qu’elles puissent ouvrir leur propre magasin de proximité et bénéficier ainsi d’un revenu stable. Les trois premiers magasins ont ouvert leurs portes, mais l’ambition ne s’arrête pas là. M. Bogovic parle de 150 magasins de proximité répartis dans tout le pays.
Aquitara espère ainsi faire d’une pierre trois coups avec son fonds d’impact, qui sera structuré à Singapour et alimenté, entre autres, par des pricaf privées belges : dépolluer les terres contaminées, donner aux investisseurs d’impact internationaux un accès à l’économie vietnamienne en pleine croissance et dynamiser les commerçants locaux.
« Les raisons pour lesquelles les investisseurs se joignent à l’histoire varient, explique M. Bogovic. Pour certains, il s’agit principalement d’un impact social, pour d’autres d’un accès à l’économie vietnamienne, et pour d’autres encore d’un mélange des deux. »
Le projet entre dans une phase décisive, après plus d’un an de consultations avec le gouvernement vietnamien sur la technique de dépollution et l’accord financier concernant les droits fonciers. Aquitara espère obtenir le feu vert définitif du gouvernement vietnamien, après les signaux positifs reçus lors de la visite d’État du couple royal en avril dernier.
Une fois que l’accord avec le gouvernement sur les droits fonciers aura été approuvé, l’engagement conditionnel de 60 millions d’euros sera débloqué et de nouveaux investisseurs pourront se manifester. Selon Franc Bogovic, « de gros investisseurs seront bientôt de la partie. Je suis convaincu que nous atteindrons sans problème l’objectif de 100 millions d’euros. »
La Belgian Impact Week (qui ne dure que trois jours) a lieu du 4 au 6 novembre à Tour & Taxis, à Bruxelles.