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Début 2018, l’Union européenne a présenté un plan d’action visant à renforcer le rôle joué par le secteur financier dans la transition vers une économie plus durable, en ligne avec les objectifs de l’accord de Paris. Objectif : renforcer la standardisation du secteur.

La Commission européenne préconise la mise en place de labels pour les produits financiers verts. La première étape sera de développer un système de classification uniforme, et notamment de définir les termes utilisés. Ce système permettra notamment de clarifier les incertitudes entourant le terme « durable » et formera aussi la base des labels.

Les gérants d’actifs et investisseurs institutionnels se verront imposer un certain nombre de devoirs, dont la prise en compte du facteur durable dans le processus d’investissement.

Le plan de la Commission s’appuie sur les recommandations d’un groupe de haut niveau sur la finance durable composé de vingt experts provenant du secteur financier, de la société civile ainsi que d’institutions européennes et internationales. Nous nous sommes entretenus avec sa représentante allemande, Claudia Kruse. En sa qualité de directrice internationale des investissements responsables et de la gouvernance chez APG Asset Management, elle pilote la politique d’investissement responsable de tous les clients du plus important fonds de pension néerlandais, avec 474 milliards d’euros sous gestion.

Claudia, comment a été effectuée la sélection des experts pour ce groupe de haut niveau ?

« Le groupe a été constitué sur la base du volontariat. Nous avions posé notre candidature car nous estimons qu’un système financier durable, régi par des règles uniformes, est essentiel, et nous avions le soutien des autres acteurs du secteur néerlandais des fonds de pension. Notre sélection a été confirmée fin 2016, et nous avons alors commencé à nous réunir tous les deux mois. Le rapport final a été publié en janvier 2018. »

Quelles ont été vos tâches ?

« Le système financier doit devenir plus durable, c’est un fait. Mais parallèlement, il est aussi important de développer les solutions durables. Car – et de plus en plus d’autorités de contrôle en sont convaincues, BCE en tête– le changement climatique compromet la stabilité financière, et donc la prospérité à long terme. La Commission nous a donc donné carte blanche au début de notre mission. Rapidement, nous avons dégagé quelques thèmes clés, puis les avons approfondis : Quelles sont les obligations des investisseurs ? Comment déterminer qu’un investissement est durable ? Comment impliquer les investisseurs privés et établir un lien avec l’économie réelle ? »

Pouvez-vous nous donner un exemple pour ce thème spécifique ?

« L’Europe veut encourager les investissements dans les infrastructures durables et la transition vers les énergies renouvelables, et les investisseurs aussi. La multiplication des incitations et l’apparition sur le marché de nouvelles possibilités d’investissement seront positives pour nous.

L’une des recommandations du rapport du groupe d’experts concerne les infrastructures durables. APG est pionnier en la matière. Nous investissons dans les énergies durables depuis longtemps et cherchons à développer encore davantage ce type de placements. Pour en renforcer la transparence, il nous semble essentiel de mettre en place des contrats standardisés. La Commission veut encore développer ses compétences techniques et de conseil pour les projets d’infrastructures durables.

La question géographique est aussi cruciale : les pays qui ne sont pas un centre financier à l’échelle européenne doivent aussi pouvoir financer leur avenir durable, grâce à une standardisation des possibilités d’investissement et un renforcement de leur visibilité et de leur accessibilité pour les investisseurs. »

Quel rôle jouent ici les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies ?

« Initialement, le groupe mettait surtout l’accent sur la lutte contre le changement climatique. La dimension sociale a toutefois gagné en importance, et nous nous appuyons pour cela sur les ODD de 2015. Pour nous comme pour d’autres, ces objectifs pèsent de plus en plus dans nos décisions d’investissement. Les gouvernements les utilisent aussi comme cadre de référence. En effet, une éducation de qualité ou un système de santé abordable sont des éléments tout aussi indispensables, dans une économie durable, que la préservation des écosystèmes terrestres ».

La Commission européenne veut obliger les assureurs et les sociétés d’investissement à conseiller les clients sur la base de leurs préférences en matière de durabilité. Qu’est-ce que cela implique ?

« Le plan d’action stipule que les conseillers financiers doivent déterminer les préférences de leurs clients en matière de durabilité. Cet aspect sera pris en compte dans le profil du client, et permettra de recommander aux clients les fonds les plus appropriés. Un conseiller doit donc connaître l’éventail des possibilités d’investissement en fonction des préférences des clients en matière de durabilité. Ce facteur, associé à d’autres normes européennes, est susceptible de changer la donne. »

Ces mesures sont-elles suffisantes pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris ?

« Le sentiment d’urgence est bien présent, mais il faut une approche plus énergique. Dès septembre 2017, la Commission a indiqué que les autorités de surveillance européennes, dont l’ESMA, devraient davantage se mobiliser pour rendre le système financier plus durable. Cela renforce la pression sur le secteur.

Mais la réussite du plan d’action européen nécessitera l’implication d’autres pays et organisations (le G20, notamment) et la définition de normes mondiales pour créer une situation équitable.

Enfin, au sein du groupe d’experts, nous avons régulièrement souligné l’importance d’une tarification efficace des émissions de CO2. L’impact négatif sur le climat de l’activité des entreprises a ainsi un coût réel et devient donc plus concret. Malheureusement, nous en sommes encore loin. »

 

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