Gertjan Verdickt
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La relation entre les cycles présidentiels et les rendements boursiers est un sujet fascinant sur lequel planchent depuis des décennies investisseurs et universitaires. Des études récentes apportent un éclairage nouveau sur cette question complexe, avec des découvertes surprenantes qui remettent en question les croyances conventionnelles.

Les Presidential Economic Approval Ratings (PEAR) constituent un prédicteur efficace des rendements boursiers futurs. Les actions présentant une forte sensibilité aux variations de cet indice affichent des performances nettement inférieures à celles dont la sensibilité est plus faible (c’est-à-dire avec un faible bêta PEAR), avec un écart moyen de 1 % par mois sur une base ajustée au risque. Cette « prime de faible bête PEAR » se maintient jusqu’à une année et peut être observée sur plusieurs sous-périodes (et même dans d’autres pays du G7).
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L’indice PEAR, basé sur des sondages nationaux, mesure l’approbation publique de la politique économique du président. Il est intéressant de noter que cet indice est procyclique et inversement corrélé aux indicateurs d’aversion pour le risque agrégée. Contrairement aux anticipations d’un modèle de risque standard, les actions présentant un bêta PEAR élevé enregistrent des performances inférieures lorsque l’aversion pour le risque agrégée augmente (ou lorsque l’indice PEAR diminue).

Président en exercice

Ce phénomène ne peut s’expliquer par l’exposition à des facteurs de risque macroéconomiques ou par le soutien gouvernemental en période de crise économique. Au contraire, le bêta PEAR semble refléter la perception des investisseurs quant à l’alignement d’une entreprise avec la politique économique du président en exercice. Les entreprises présentant un bêta PEAR positif peuvent ainsi être surévaluées par les investisseurs guidés par le sentiment, en particulier lorsque l’indice PEAR est élevé.

Cette erreur d’évaluation est étayée par la preuve que le bêta PEAR affiche une corrélation positive avec les erreurs de prévision des analystes, et négative avec les révisions futures des anticipations de croissance à long terme. De plus, autour des annonces de bénéfices, les actions à bêta PEAR élevé affichent des performances plus modérées, ce qui suggère que tant les analystes que les investisseurs se montrent initialement trop optimistes quant aux flux de trésorerie de ces entreprises.

Un exemple permet d’illustrer ce phénomène ; nous comparons les performances de Renewable Energy Group (NASDAQ : REGI), active dans le biodiesel, et de New Concept Energy (NYSE : GBR), entreprise énergétique traditionnelle du secteur pétrolier et gazier. Sous la présidence de Barack Obama, Renewable Energy Group affichait un bêta PEAR élevé. Cependant, malgré cet apparent vent favorable, l’entreprise a finalement enregistré des rendements inférieurs à ceux de New Concept Energy. 

La prime de faible bêta PEAR est la plus forte parmi les actions affichant une faible volatilité idiosyncratique, une forte liquidité et une capitalisation boursière élevée. Ce schéma se distingue de la plupart des anomalies connues, qui sont généralement concentrées sur des actions présentant des limites d’arbitrage élevées (ou difficiles à évaluer). Cela implique que les actions attirant l’attention sont plus susceptibles de faire l’objet d’une erreur d’évaluation, découlant de la perception de leur alignement avec le président en exercice.

Qu’en est-il du marché boursier dans son ensemble ?

L’étude révèle également un écart frappant dans les rendements boursiers entre les mandats démocrates et républicains. En moyenne, les rendements des indices boursiers pondérés par la capitalisation sont de 9 % supérieurs sous les administrations démocrates, tandis que l’écart pour les indices équipondérés atteint même 16 %. Cette « énigme présidentielle » se vérifie à travers différentes sous-périodes et tient même lorsque l’on prend en compte les variables du cycle économique.

Il est intéressant de noter que l’écart de rendements diminue quasi invariablement avec la capitalisation boursière des entreprises, allant de 7 % pour les plus grandes entreprises à environ 22 % pour les plus petites. Cet écart demeure significatif après la prise en compte des bêtas de marché, ce qui suggère un effet de taille associé au cycle présidentiel.

Une analyse des performances révèle que cet écart est en grande partie imputable à des rendements inattendus plutôt qu’à des rendements attendus. Aucun mouvement de cours important n’est observé autour des dates d’élection, ce qui indique que cet écart de performance n’avait pas été anticipé par le marché. De plus, la volatilité est légèrement plus élevée sous les présidences républicaines, ce qui contredit l’hypothèse selon laquelle l’écart de rendements serait une compensation pour le risque.

Ces résultats soulèvent des questions intrigantes sur l’efficience des marchés et les mécanismes par lesquels les cycles présidentiels influencent le marché boursier. Ils suggèrent que les investisseurs sont systématiquement surpris par la politique économique des présidents démocrates, et que le marché peut éprouver des difficultés à tirer des leçons des différences systématiques dans la politique en raison du nombre limité de mandats présidentiels.

Conclusion 

La relation entre cycles présidentiels et rendements boursiers demeure une énigme fascinante. Le bêta PEAR apparaît comme un puissant prédicteur des rendements futurs, les actions bien alignées sur la politique économique du président en exercice ayant tendance à sous-performer. Dans le même temps, les marchés boursiers affichent des rendements systématiquement plus élevés sous les présidents démocrates.

Ces schémas sont difficiles à expliquer avec les modèles de risque traditionnels et révèlent de possibles inefficiences dans la manière dont les marchés traitent les informations politiques. Pour les investisseurs institutionnels, ces éclairages offrent de nouvelles perspectives en matière de gestion des risques et de génération d’alpha (surperformance par rapport à l’indice de référence). Cependant, ils requièrent également une évaluation minutieuse de la robustesse et de la persistance de ces effets à l’avenir.

Gertjan Verdickt  est professeur assistant de finance à l’université d’Auckland et chroniqueur pour Investment Officer.

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