Jeroen Blokland
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À en croire les médias traditionnels, de nombreuses personnes ont été choquées par le résultat des élections européennes. Les marchés financiers européens se sont également effondrés, ce qui s’explique en grande partie par l’important virage à droite. Cependant, toute cette commotion ressemble surtout à une tentative de trouver un bouc émissaire. Ce n’est pas la première fois qu’en période d’incertitude croissante, les investisseurs exploitent des faiblesses connues de longue date pour se défaire de leurs investissements.

Compte des développements des dernières années et des nombreux sondages électoraux, la forte progression des partis « de droite » n’a rien de surprenant. Néanmoins, la victoire du Rassemblement national, avec plus de 31 % des voix, a été telle qu’Emmanuel Macron, l’actuel président, s’est senti obligé de convoquer des élections anticipées. Il s’agit là d’une astuce fréquemment utilisée pour tenter de regagner une dynamique politique.

Il en a résulté une chute brutale de l’euro, une sous-performance notable des actions françaises par rapport à la moyenne européenne et une augmentation du spread des taux d’intérêt français à 10 ans, qui a atteint son niveau le plus élevé de la période post-Covid. L’argument souvent repris est que du fait de ce changement politique, les investisseurs sont maintenant (soudain ?) préoccupés par la discipline budgétaire en France.

Or, cette dernière a toujours été problématique. La France, quel que soit le gouvernement en place, gère presque toujours mal sa politique budgétaire. Voici le déficit budgétaire (il n’y a tout simplement jamais d’excédent) par année civile en France et en Italie.

Frankrijk Italië

Il ressort clairement de ce graphique que la France est une récidiviste notoire en matière de déficit budgétaire. Au cours des 16 années qui ont suivi la crise financière, la France n’est parvenue qu’à deux reprises à maintenir son déficit en dessous de la limite, autrefois très stricte, de 3 % du PIB. Le déficit budgétaire moyen sur cette période est de 5 %. À titre de comparaison, l’Italie a réussi à maintenir son déficit sous la limite des 3 % pendant huit de ces seize années. Certes, il a fallu une menace existentielle et un quasi-effondrement de la zone euro pour que cela se produise (menace d’ailleurs conjurée par un Italien dans les termes « quoi qu’il en coûte »), mais tout de même.

Incertitude

Il convient donc selon moi de replacer la réaction du marché dans un contexte plus large. Le résultat des élections engendre de l’incertitude, or les marchés détestent l’incertitude, car elle les oblige à descendre de leur nuage rose et à se confronter au risque. Si ces mêmes marchés ont examiné mon tableau budgétaire, ils ne seront pas très rassurés en sachant que cette année encore, la France ne parviendra pas à équilibrer son budget. Et que fera Emmanuel Macron pour reconquérir ses électeurs ? Il va précisément essayer de leur faire des promesses alléchantes, qui devront bien sûr être financées quelque part.

On peut en débattre longtemps, mais un climat politique polarisé, avec davantage de glissements importants de la gauche vers la droite et vice versa, est une situation propice aux déficits budgétaires, sans parler du fait que les coûts importants tels que la sécurité sociale, les retraites, l’éducation, les soins de santé, la sécurité, etc. continuent d’augmenter.

Heureusement, la BCE a déjà abaissé ses taux d’intérêt. Je soupçonne Christine Lagarde d’avoir elle aussi « mon » graphique affiché sur son réfrigérateur…

Dans sa newsletter The Market Routine, Jeroen Blokland  analyse des graphiques actuels qui reflètent certains aspects frappants macro-économiques et des marchés financiers. Il gère également un fonds multi-actifs propres. Il était précédemment Head of Multi-assets chez Robeco.

 

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